Ça s'est passé un 7 avril 1919 : la création de la FFF
A l’image des paysages du Nord et de l’Est de l’Hexagone, en 1919, le football français est chaotique, à des années lumières de ses voisins européens. Pionnière, l’Angleterre a sa fédération depuis 1883, l’Italie depuis 1898 et l’Allemagne depuis 1900. Outre-manche, la FA Cup se dispute même depuis 1871 dans un pays où le football est professionnel depuis 1884, et dont le championnat est né en 1888. Bien loin de toutes ces avancées, la France du foot s'éveille après la guerre.
Un paysage éclaté
A l’époque, tout reste à faire pour le ballon rond tricolore, qui ne brille que via la Coupe de France, sortie de terre en pleine guerre, en 1917. "A ce moment, l’USFSA (Union des sociétés françaises de sports athlétiques) garantissait l’activité sportive en France. Mais progressivement, elle a perdu de son pouvoir et plusieurs fédérations se sont créées, comme celle de tennis en 1919", situe Claude Boli, historien, directeur du musée national du sport de Nice. Il poursuit : "La création de la coupe de France en 1917 a donné un caractère populaire au football en France, qui jusque-là était encore très aristocratique".
En d’autres mots, le succès de la Coupe de France donne des ambitions aux dirigeants du football français. Claude Boli confirme : "Ils n’avaient plus besoin de l’USFSA pour continuer à vivre. La création de la FFF est due à une montée de la popularité du football, et à l’action de plusieurs dirigeants ambitieux". Parmi eux, Jules Rimet et Henry Delaunay. Les deux hommes désirent un football français émancipé et uni. En effet, avant la FFF, plusieurs fédérations co-existaient. En 1906, la création du Comité français interfédéral avait tenté de toutes les réunir, mais en laissant l’USFSA et la Fédération des sociétés athlétiques professionnels de France (FSAPF) de côté. En 1919, la FFF fait, elle, le pari du rassemblement.
Et ce n’est pas une simple affaire, face à un football français très hétérogène. Si la coupe de France réunit les clubs, les clubs prestigieux des grandes villes flirtent avec le professionnalisme, tandis que le monde ouvrier tâte le cuir de façon amateur. Pour unir tout ce monde, la FFF va avoir du travail, comme l’écrit son premier président, Henri Delaunay, le 4 octobre, dans les colonnes du premier organe de la FFF: "Nous avons réalisé le rêve des soccers : le football aux footballers. Ça n’a pas été sans mal hélas, mais à force de tirer sur la charrette nous l’avons tout de même débourbée. Notre grande famille est enfin constituée. Nous nous y comprendrons très bien car en son sein nous parlerons tous la même langue".
De retardataire à précurseur
Toutefois, cette volonté de rassembler le foot français ne signifie pas une professionnalisation. Au pays de Coubertin - grand défenseur de l’amateurisme dans le sport -, le sport ne peut être officiellement associé au professionnalisme, même si officieusement plusieurs équipes rémunèrent leurs joueurs. "Forcément, la distinction amateurisme / professionnalisme est encore présente. Elle l’est jusqu’aux années 1930", explique Claude Boli. Ainsi, la FFF n’adopte le professionnalisme qu’en janvier 1932, lorsqu’elle crée la Division 1 (future Ligue 1).
Entre temps, le rôle de la triple FFF se limite à la coupe de France et aux championnats amateurs. Et si le foot français tarde à se professionnaliser, après avoir tardé à se fédérer, l’Hexagone n’est pas qu’un retardataire dans l’Histoire du ballon rond. Au contraire, le foot français a même été plusieurs fois visionnaire, comme l’explique Claude Boli : "Ce retard initial, il est culturel, mais il le faut relativiser. Après cela, la France est le pays qui a permis le développement mondial du sport. Certes, l’Angleterre est le berceau de la codification sportive, là où l’esprit sportif s’est construit. Mais la France, elle, a cette fibre universaliste et a été à l’œuvre dans la création des compétitions internationales majeures : les Jeux Olympiques par Pierre de Coubertin, la Coupe du monde par Jules Rimet, l’Euro par Delaunay. Le journal l’Equipe a aussi créé le Tour de France et la Ligue des champions". Autrement dit, si le foot français a mis du temps à monter dans le train, c’est bien lui qui y a apporté le plus de charbon.
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