Ça s'est passé un 30 juin 2002 : la deuxième étoile de Ronaldo
Il avait obtenu sa première étoile sans quitter le banc en 1994, il avait traîné comme une âme en peine lors de la finale 1998, victime de convulsions et d’une crise d'épilepsie peu avant le match. Ce 30 juin 2002, Ronaldo avait rendez-vous avec son destin au moment où le Brésil avait rencard avec l’histoire.
Meurtri par plus de deux ans de blessures, Ronaldo n’a d’ailleurs failli jamais fouler la pelouse du Stade international de Yokohama. Avec à peine cinquante matches disputés sur les presque trois cents qu’il aurait pu jouer depuis la finale perdue face à la France en 1998, l’attaquant auriverde a longtemps vu passer le train de sa carrière passer devant ses yeux. Absent de la sélection depuis octobre 1998, le gamin de Bento Ribeiro - un quartier ouvrier de Rio de Janeiro - retrouve une Seleção chancelante, trois mois seulement avant le début du mondial.
Dida, soutien crucial
Au Japon et en Corée, les hommes de Luiz Felipe Scolari retrouvent le phénomène perdu : six buts marqués de la phase de poules à l’accession en finale. Puissance, changement d’appuis, enchaînement contrôle-frappes supersoniques : Ronaldo est de nouveau craint et rappelle son nom à toute la planète football. La finale face à l’Allemagne corrige une anomalie puisque jamais les deux nations les plus titrées (4 Coupes du monde pour le Brésil, 3 pour l’Allemagne) ne s'étaient affrontées en Coupe du monde.
Le jour du match, le spectre de 1998 remonte, Ronaldo est paniqué à l’idée de revivre le calvaire de Paris. "La finale était à huit heures du soir, au même horaire que celle de 1998. Après le déjeuner, tout le monde est allé faire la sieste, mais je ne voulais surtout pas dormir. Je cherchais partout autour de moi quelqu’un à qui parler, et j’ai trouvé Dida, qui somnolait. Je lui ai dit 'Non, s’il te plaît reste avec moi...' Je n’ai pas dormi de la journée, terrifié à l’idée que quelque chose se passe comme en 1998. Dida est resté avec moi tout ce temps.", raconte-il quelques années après au Financial Times. L’angoisse de rater une nouvelle fois l’audience avec les dieux du football.
Mais aucune crainte, son talent a irradié cette 17e finale de Coupe du monde. Pour se libérer définitivement l’esprit, l’attaquant de l’Inter arbore pour la finale une coupe en demi-lune à l'allure plus que douteuse. "Tout le monde parlait de ma blessure. Alors je suis arrivé avec cette coupe de cheveux, et plus personne n'en a parlé", expliquait-il en souriant par la suite.
Le Phénomène et le Volcan
Avec Michael Ballack suspendu, la Mannschaft de Rudi Völler ne craint pourtant personne avec Oliver Kahn dans ses buts. Depuis le début du Mondial nippo-coréen, le portier allemand n'est allé qu'une seule fois récupérer le ballon au fond de ses filets face à l'Irlande. Ce dimanche, il craque par deux fois sur deux coups de malice d’O Fenômeno. Coupable de relâcher le ballon sur une frappe de Rivaldo, Kahn offre le premier but à Ronaldo, avant que le Brésilien ne double la mise sur un contrôle-frappe indéfendable. "Le Volcan" s'est éteint par deux fois, et son titre de meilleur joueur du Mondial sera anecdotique.
Cette fois, Ronaldo n’a pas manqué sa finale. Double buteur, Soulier d’Or de la compétition (8 buts), égalant le nombre de buts de Pelé en Coupe du monde, il est l’artisan principal de la cinquième étoile, sa deuxième à titre personnel. "Le fait d'atteindre cet objectif et de remporter le trophée le plus convoité du football m'a rendu heureux jusqu'à l'extase. Ce n'est pas juste Rivaldo, Ronaldinho ou Ronaldo qui ont gagné la Coupe du Monde, mais tout un groupe de Brésiliens qui ont pratiqué un football brillant et qui s'entendaient à la perfection sur le terrain et en dehors.", révélait-il dans un entretien à la FIFA.
Âgé de 17 ans en 1994, Ronaldo avait inauguré sa carrière par l’apothéose face à l'Italie. Huit ans plus tard, il a enlevé le goût d’inachevé qui lui restait, lui le miraculé des blessures aux genoux. "Ma plus grande victoire, c'est de rejouer au football, de recourir et de marquer à nouveau des buts", soufflait-il. Laurent Blanc, son coéquipier lors de sa seule année passée à Barcelone entre 1996 et 1997, sait d’où Ronaldo vient, ou plutôt d'où il revient. "Je l'avais quitté le jour de la finale 1998 où il n’était pas lui-même, et le voir dans une telle spirale négative était terrifiant. C’est un gars formidable. C’est comme un grand enfant, à Barcelone nous l’appelions 'Baby’. Je l’ai vu dans la période la plus faste de sa vie, où il réalisait des choses surnaturelles. Puis je l’ai vu détruit par les blessures. Voir ce gars sourire avec joie est un grand moment pour tous ceux qui aiment le football." L’hommage est sincère, la conclusion juste.
En compagnie de Cafu, Il Fenomeno est rentré ce 30 juin 2002 dans l’histoire des multiples vainqueurs de la Coupe du monde. Ils sont les deux seuls Brésiliens hors période 1958-1962 à en faire partie. En décembre 2002, Ronaldo, transféré au Real Madrid, remporte un second Ballon d'or en devançant deux autres protagonistes de cette finale : son coéquipier Roberto Carlos et Oliver Kahn. Il est également désigné joueur FIFA de l'année, pour la troisième fois de sa carrière après 1996 et 1997.
Au sortir de la finale, une question à la volée suscite son attention, lorsqu'un journaliste lui demande si ce sentiment de plénitude consécutif au titre mondial est mieux que le sexe. Comme un grand enfant enfin apaisé, Ronaldo se lance : "C'est très dur de vivre sans sexe et sans la Coupe du monde. Mais je ne pense pas que le sexe soit aussi satisfaisant que de gagner la Coupe du monde. Ce n’est pas que le sexe n’est pas bien, juste que la Coupe du monde est tous les quatre ans et le sexe est bien plus régulier que ça."
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