Ça s'est passé un 25 avril 1947 : la naissance de la légende Johan Cruyff
"Nous avons ri et nous avons passé des moments extraordinaires. J'incarne une époque où le football offensif était synonyme de succès. Le plaisir était une notion fondamentale", résumait Johan Cruyff, disparu en mars 2016. A 68 ans, le Hollandais volant s’en allait alors pour sa destination finale, torpillé par un cancer du poumon. L’émotion suscitée par ce dernier départ en dit long sur l’œuvre du petit gamin d’Amsterdam, né un 25 avril 1947, et dont le voyage redessina le monde du football pour longtemps.
Le Prince d'Amsterdam
Le périple de Johan Cruyff débute donc à Amsterdam, dans la maison familiale située face au Stadion De Meer de l’Ajax Amsterdam. D’ailleurs, les signes du destin s’accumulent pour le jeune Johan, quand sa mère devient femme de ménage … de l’Ajax après la mort de son père, à ses douze ans. A l’époque, le petit Johan porte déjà le maillot blanc à bande rouge, mais c’est en 1963 qu’il signe son premier contrat pro, avant de débuter en 1964, à 17 ans. Premier match, et premier but. Mais il faut attendre la saison 1964-1965 pour le voir se révéler avec 25 buts en 23 matches, et un premier titre de champion conquis qui en font le "Prince d’Amsterdam".
Au delà des nombreux titres de champion glanés avec l’Ajax (1966, 1967, 1968, 1970, 1973, 1983), Cruyff a écrit la légende du club dans les joutes européennes, en remportant trois Ligue des Champions (1971, 1972, 1973). Et pas n’importe comment : sous les ordres de Rinus Michel, Cruyff et ses coéquipiers donnent naissance au football total. Flanqué de son mythique numéro 14, Cruyff en devient le chef d’orchestre. Aussi rapide que technique, il réinvente son poste d’attaquant. Son génie créatif en fait alors le premier triple ballon d’or de l’Histoire (1971, 1973, 1974).
Après avoir tout gagné à l’Ajax, Cruyff quitte son berceau pour l’Espagne, et l’argent de ses deux clubs phares. Le "Prince d’Amsterdam" brise ainsi le tabou du salaire du footballeur, et choisi le FC Barcelone, reprochant au Real Madrid d’être soutenu par le dictateur Franco. En cinq ans en Catalogne, il ne gagne qu’une Liga en 1974 (la première du club depuis 1960), mais marque par son charisme. Tout lui est permis, y compris de fumer ses cigarettes sans filtre dans les vestiaires, à la mi-temps. Et pour cause : lors de la saison du titre du 1974, le Barça de Cruyff ridiculise le Real à Santiago Bernabeu, et lui tient tête les saisons suivantes. Tout un symbole dans l’Espagne franquiste, en plus de son soutien affiché à la Catalogne face à Madrid.
1974 : un millésime au goût amer
Mais 1974 reste aussi comme l’année de l’échec pour Cruyff. Grands favoris du Mondial, les Pays-Bas sont à l’apogée du football total. Le Barcelonais y retrouvent ses coéquipiers de l’Ajax, et les Orange Mécaniques roulent sur la compétition, écrasant notamment le Brésil et l’Argentine au passage. Mais en finale, la RFA de Beckenbauer - à domicile - dévisse la machine néerlandaise. Le sacre promis échappe à Cruyff. Quatre ans plus tard, le Hollandais volant n’est pas du rendez-vous en Argentine, suite à une tentative d’enlèvement. Comme Lionel Messi aujourd’hui, le meilleur joueur de l’époque ne connaîtra jamais la gloire avec sa sélection.
Et comme Lionel Messi aujourd’hui, des problèmes avec le FISC espagnol vont émailler l’idylle de Cruyff avec la Catalogne. Sauf que lui quittera bien le pays. Direction les Etats-Unis pour se refaire une santé financière, en jouant d’abord aux Los Angeles Aztecs (1979-1980), puis aux Washington Diplomats (1980-1981). De retour en Europe, Cruyff renoue avec ses premiers amours à l’Ajax après un bref passage à Levante, en D2 espagnole. Il y gagne un nouveau titre de champion, mais n’est pas prolongé. Vexé, il signe chez l’éternel rival du Feyenord Rotterdam. Pire, il y réalise le doublé coupe-championnat (1984) avant de raccrocher les crampons, à 37 ans, sans que cela ne se voit.
Devenu entraîneur, Johan Cruyff quitte rapidement l’Ajax en 1988, pour retrouver son autre ville : Barcelone. De 1988 à 1996, il révolutionne le club catalan, et notamment son centre de formation. Il y développe un jeu nouveau, basé sur le mouvement et les passes, issu du football total. Un jeu qu’il impose à tous les niveaux du club, notamment dans le centre de formation, et que magnifiera ensuite Pep Guardiola. En 1992, Cruyff et sa Dream Team barcelonaise remportent la Ligue des champions. Le sommet de sa carrière d’entraîneur. En 2009, pour le symbole, il prend les rennes de la sélection catalane, jusque 2013.
Jamais très loin du Barça, Cruyff finit ses jours dans la ville des Ramblas, et assiste de près au triomphe de Guardiola, dont il a posé les fondations. Outre le style de jeu, son héritage est vaste : entre le stade de l’Ajax renommé à sa gloire, ainsi que des statues et rues à Barcelone, Cruyff a surtout secoué le monde du ballon, sur les terrains et en dehors. Acteur clé du football total et instigateur du tiki-taka barcelonais, il a ainsi été à l’avant-garde du football moderne. S’il n’est pas le plus cité parmi les idoles des joueurs actuels, ces derniers lui doivent pourtant beaucoup.
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