Bruno Bini : "Un homme heureux"
Vous parlez souvent de projet de jeu et de projet de vie. Etes-vous satisfait du jeu des Bleues ?
"Je suis très content de ce qu'on a fait contre le Canada, l'Angleterre et même l'Allemagne en deuxième période. Contre les Anglaises, les filles étaient menées mais ne se sont pas affolées. Elles n'ont jamais balancé et ont continué à jouer. On savait qu'on pouvait le faire, mais il fallait le vérifier dans des conditions extrêmes, sous pression et devant autant de spectateurs. C'est une grande satisfaction."
Ces stades pleins, ça n'a jamais été source de pression ?
"Ca n'a pas pesé, elles l'ont très bien supporté. Je n'aime pas me mettre en avant, mais je pense que le fait de me voir garder un peu de distance les a aidées. Je suis convaincu d'une chose: entraîneur nerveux, équipe nerveuse. Voir que je reste calme, que quand on marque je ne fais pas le fou, ça a son importance."
Et votre projet de vie ? Il a été validé par les résultats ?
"J'ai de vraies convictions. Et même si on n'avait pas eu de résultats, je suis convaincu que le projet de vie est très important. Mais on n'est pas chez les Bisounours, ce n'est pas ça qui fait gagner, mais ça peut empêcher de perdre. Mes joueuses, je les regarde avec le coeur, mais je les juge avec les yeux. La question qui se pose est de savoir ce qui est bon pour l'équipe. Je pense à Sandrine Brétigny (remplacée 27 minutes après son entrée contre l'Angleterre). Sur mon ordinateur, j'ai mis une photo où elle saute au-dessus de toutes les filles après les tirs au but et je lui ai montrée. Elle m'a dit +c'est bon coach, pas de souci, on lâche rien+. Ca, c'est aussi parce qu'elle s'est appropriée le projet de vie."
On a l'impression que l'image décalée que vous véhiculez commence à vous peser...
"Je suis un technicien. Je ne fais pas que faire tourner les oranges (il n'est pas qu'un amuseur). Disons que je suis un technicien avec une prise en charge différente. Mais je me régale sur le terrain, notamment dans le travail tactique."
Tactiquement, justement, que pensez vous de ce Mondial ?
"Il y a un nivellement par le haut parce que depuis plusieurs années, tout le monde bosse, et bien. Avant, il y avait les pays scandinaves, l'Allemagne, les Etats-Unis, la Chine. Ca a changé."
Comment expliquez-vous l'échec allemand ?
"Peut-être qu'elles se sont mis trop de pression. Elles ont fait de la publicité, beaucoup, et elles ont arrêté leur championnat en mars. Je ne crois pas que ce soit une bonne chose. Les stages c'est bien, mais il manque quelque chose. De notre côté, je pense que ça a été un mal pour un bien que Lyon joue tardivement la finale de la Ligue des champions. Tant que les joueuses avaient cet objectif en tête, elles n'en avaient pas d'autre. Un Mondial, comme un grand match, il ne faut pas le jouer avant."
On a senti que les quelques jours où vous avez côtoyé les Allemandes à l'hôtel ont été un peu crispants...
"C'était tendu. Ca nous changeait de nos habitudes, il y avait trois fois plus de sécurité, les gens étaient un peu sur les dents. C'était plus compliqué aussi pour les familles des joueuses, etc..."
Est-ce que c'est quelque chose que vous pourrez éviter si vous êtes champions du monde ?
"Je pense. Ca ne changerait rien. A deux jours du match, les gens auront toujours accès à nous, la veille du match, on voudra être tranquille et le jour du match très tranquille. Si je suis toujours là, je mettrai un point d'honneur à ce que ça continue. Ca fait partie du projet de vie."
Où en est votre prolongation de contrat ?
"Je suis dans mon truc, il ne faut pas tout mélanger. Si une des filles faisait ça, ça me ferait chier. Il ne faut pas se disperser, je suis au service des filles, pas au mien. Mais a priori ça devrait se faire. Et puis au pire, avec le Mondial qu'on fait, je pense que je trouverai ailleurs."
Dans vos causeries, vous passez souvent la chanson "un homme heureux" de William Sheller. Vous en êtes un ?
"C'est une de mes chansons préférées. Je leur dis que quand je suis avec elles, avec une équipe heureuse, je suis un homme heureux. Elles me taquinent, elles me chambrent un peu. Surtout quand je ne la passe pas, en fait. En ce moment, je suis un homme heureux, oui."
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