Boudjellal: "Toulon n'est pas un club préfabriqué"
Q: Deux quarts de finale de coupe d'Europe opposant 4 équipes françaises se déroulent en Espagne. Trouvez-vous cela normal?
R: "Je trouve tout à fait normal que, pour des évènements exceptionnels, en s'apppuyant sur leur côté identitaire, Biarritz et Perpignan puissent, en délocalisant, réaliser des recettes plus importantes et étendre l'audience de ces matches. Nous aurions fait pareil, en allant à Marseille".
Q: Cela ne met-il pas en lumière aussi le problème à terme des stades de rugby en France? Où en êtes-vous à ce sujet avec la modernisation du stade Mayol?
R: "Pas à terme, mais maintenant! D'autant que l'économie du rugby n'est pas liée aux droits TV, mais à la billetterie. En attendant, on bricole. Concernant Mayol, une tribune latérale sera refaite d'ici trois ans, avec 14 nouvelles loges. On a décidé de prendre le temps, car la première urgence, c'est de pérenniser l'équipe au haut niveau. Mais il est clair que les clubs n'ayant pas de stades capables de répondre à la demande des supporteurs à moyen terme sont appelés à mourir".
Q: Avez-vous l'impression d'avoir acquis via la Coupe d'Europe une forme de reconnaissance que vous n'avez pas en France?
R: "En France, on a la reconnaissance, Toulon est un club centenaire, dominant. A l'étranger cependant, nous avons surtout la réputation d'un club alimentant la gazette des transferts, avec l'image parfois d'un club préfabriqué. Ce qu'on a voulu montrer dans cette campagne, c'est précisément que Toulon était tout sauf un club préfabriqué, avec de vrais joueurs et une vrai identité."
Q: Qu'avez-vous retiré de cette campagne?
R: "D'abord beaucoup de notoriété. Cela nous facilite la vie pour les transferts, car tous les joueurs connaissent Toulon aujourd'hui! Nous nous sommes aussi ouverts à d'autres modèles économiques. J'ai vu des clubs possédant des hôtels, des restaurants, ne pouvant pas concevoir qu'un euro de leurs supporteurs ou partenaires ne leur échappe, comme au Munster ou aux London Irish. J'étais un peu dans la situation du gars qui quitte pour la 1re fois sa ville pour l'étranger et se dit +j'étais le roi des cons!+. Ce qui est intéressant dans la vie, à part pour 25% des Français en ce moment, c'est ce qui est différent de nous..."
Q: Quel serait l'impact d'une non qualification la saison prochaine?
R: "Cela signifierait environ 1,5 M EUR de recette en moins. Et un pas en arrière après cinq ans de progression. Il nous manquerait aussi, voire surtout, le côté émotionnel. C'est beau de voir des gens de cultures différentes venir faire la fête."
Q: La saison prochaine, vous recrutez notamment l'Australien Giteau, le Sud-Africain Botha, le Gallois Lewis-Robert. N'y a-t-il pas assez de bons joueurs en France?
R: "Si, mais le problème est qu'ils sont sous contrats, bien verrouillés! Et j'avoue avoir la faiblesse de penser que, lorsque je vois un joueur de rugby, je ne me pose pas la question de sa nationalité et de ses origines. C'est comme avec mes amis, je ne me pose pas la question de leur couleur de peau et de leur sexualité. Les mots ont un sens, et même dans le contexte du sport, on ne leur retire pas leur sens, il faut faire très attention avec les idées qu'on véhicule. Aujourd'hui des gens, peut-être pour de bonnes raisons, véhiculent des idées qui sentent mauvais, et ne s'en rendent pas compte. Mais je n'aiderai pas à véhiculer des idées consistant à dire que, si on perd, c'est à cause des étrangers!"
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