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Jeep Elite : Le Portel, comment cette ville de basket traverse l'épidémie de coronavirus, entre espoir et déception

À l'arrêt après la décision de la Ligue Nationale de basket de reporter toutes les rencontres prévues entre le 12 et le 31 mars, Le Portel, lanterne rouge de Jeep Elite, et ses supporteurs avancent dans l'inconnu. Entre inquiétudes, incertitudes et espoirs de rester en Jeep Elite, tous attendent de nouvelles informations qui pourraient bien déterminer l'avenir de leur club.
Article rédigé par Matisse Bourdelle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
 

"Les gens sont dépités". Depuis l'annonce de la Ligue Nationale de Basket reportant toutes les rencontres prévues du 12 au 31 mars, les 2 000 abonnés du Chaudron sont au chômage technique. La faute au Covid-19 qui a déjà contaminé plus de 4000 personnes ce dimanche en France et fait près de 100 victimes.

Les supporters au chômage technique

Plusieurs fois titrés "meilleur public de France", les supporteurs portelois sont près de 3 000 à venir encourager leur équipe à chaque rencontre. Et ce, malgré une saison cauchemardesque, passée à la dernière place du championnat. Alors forcément, quand on les prive de leur passion, ils grincent des dents. "Les supporteurs, ça les fait chier de ne pas avoir de match de basket", souffle Fabrice, un fidèle de 53 ans. "Au Portel, le basket est le seul endroit où l'on peut aller se changer les idées entres potes", explique Hervé un autre abonné du parvis de 62 ans. "Ça chagrine tout le monde", lâche Franck, quadragénaire et président des Musicos, le principal groupe de supporteurs. "C'est notre plaisir d'aller tous les week-ends à la salle, supporter les joueurs." 

Même si la déception est forte, tous comprennent les mesures instaurées. "On n'a pas d'autres choix que de s'adapter", déplore Franck. "C'est notre passion mais on ne va pas prendre de risques. Chacun est assez intelligent pour comprendre ça..." Fabrice, lui, pense que "les championnats ne reprendront pas" et que "la crise va durer". D'autres comme Hervé s'interrogent sur la cohérence des mesures : "Qu'on prenne des mesures de sécurité c'est tout à fait normal. Après, il y a eu de l'incompréhension concernant le huis clos décidé avant le report."

Malgré les 1 000 personnes autorisées à se rendre dans la salle pour le match de Limoges prévu vendredi, le club avait fait le choix du huis clos deux jours plus tôt pour ne pas avoir à choisir quels abonnés allaient pouvoir assister à la rencontre. Un choix vite rendu obsolète par l'allocution d'Emmanuel Macron et l'annonce des reports de matches de la LNB. Résultat : l'Étoile Sportive Saint-Michel sera privée de trois rencontres en mars : la réception de Limoges et les déplacements à Strasbourg et Paris Levallois. 

"Pour nous c'est un drame"

Un seul match à domicile est pour l'instant reporté à une date ultérieure. Mais la crise risque de perdurer et d'impacter encore un peu plus le club de la Côte d'Opale. Au mois d'avril, Le Portel doit recevoir à trois reprises. La possible annulation de la réception de l'ASVEL, club d'Euroligue, le 17 avril attriste les supporteurs stellistes. "Ce serait vraiment une déception", soupire Hervé. C'est une équipe qui nous a beaucoup respectés. En plus, Mitrovic aime venir chez nous pour l'ambiance."

Outre la déception du public, de nouveaux reports seraient catastrophiques pour les comptes de l'avant-dernier budget du championnat (près de 4 millions d'euros). "Pour nous c'est un drame ce qui est en train de se passer", se désole Éric Girard, manager général du club. "Si l'on ajoute ce problème de coronavirus, ça devient très compliqué pour nous." Avec la rencontre contre Limoges annulée, le club nordiste a dû s'asseoir sur environ 70 000 € de recettes si l'on prend en compte la billetterie et tous les à-côtés dont les pertes au bar "qui rapportent un peu d'argent ici au Portel".

Quid des abonnements ? 

Si les quatre autres rencontres, prévues à domicile avant la fin de championnat, venaient à être annulées ou jouées à huis clos, les pertes atteindraient la barre des 300 000 €. Une somme colossale à laquelle viendrait s'ajouter des probables remboursements d'abonnements réclamés par certains supporteurs. "Réclamer le remboursement d'une partie de son abonnement ne serait pas une bonne chose pour le club qui n'est pas dans une bonne situation financière", prévient Hervé avant de tempérer ses propos. "Après je comprendrais certaines personnes. Ici, c'est un peu comme à Lens avec le football. Au Portel on se sacrifie pour aller au basket."

Quant à la situation, si elle perdure, Franck pense aussi que certains supporteurs demanderont "un effort financier" - sur le prix de leurs abonnements compris entre 215 et 365 € - aux dirigeants : "Pourquoi pas sur ceux de la saison prochaine ?" Si l'on prend  l'abonnement de Fabrice à 300 € en tribune basse, avec possiblement 5 matchs en moins soit près d'un tiers des rencontres à domicile, le club devrait lui rembourser 100 €. Multipliez cette somme par 2 000 et vous obtenez environ 200 000 € de pertes supplémentaires (car tous n'ont pas un abonnement à 300 €). 

L'inquiétude et l'incertitude laissent place à l'espoir 

Mais heureusement, tout n'est pas si gris dans le ciel portelois. Chez les supporters on s'inquiète autant qu'on espère. "Si ça dure jusqu'au mois de mai comme c'est annoncé, je ne sais pas comment ils vont faire pour rattraper le retard", estime Franck. "Même si on est derniers et qu'on ne mérite pas de rester en Jeep Elite, ils ne peuvent pas nous reléguer. Mathématiquement, on peut encore se maintenir." Alors un gel avec une rélégation, le président des Musicos "n'y croit pas du tout". Fabrice, abonné depuis "le début", est plus mesuré : "Une saison blanche on en parle un peu entre-nous. Comme on est derniers, certains supporteurs y croient... Mais on ne connaît pas les textes et les règlements, ça n'est jamais arrivé." 

Une mesure de dernier recours que tous préféreraient éviter. "Sans le virus, on descendait. Là on a peut-être une chance, mais il ne faut pas se réjouir", rappelle le Musicos. Dans son rôle, Éric Girard n'est pas forcément d'accord : "On est tous en train de vivre un drame effroyable. Se dire que grâce à cette épidémie on va se sauver, ce serait faire injure au club. Car je le rappelle : nous ne sommes pas condamnés. J'espère qu'il y aura un petit miracle sportif comme lors de nos quatre saisons dans l'élite." 

Dans cette petite commune de 9 000 habitants, où tout le monde se connaît, personne ne veut imaginer qu'il ne reverra plus son équipe chérie en Jeep Elite. "J'ai conscience qu'une fois descendu, on ne remontera plus", s'inquiète Hervé. Alors que tous les employés du club, dont les joueurs, se réunissent lundi pour évoquer la suite, tous les amoureux de l'ESSM Le Portel n'attendent qu'une chose : être fixés. 

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