Cet article date de plus de huit ans.

Mais comment les joueurs de NBA arrivent à jouer 80 matchs en moins de six mois ?

Les basketteurs subissent des cadences infernales sans se plaindre. Quels sont leurs secrets ?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
La vedette des Cleveland Cavaliers, LeBron James, lors de la finale perdue par son équipe contre Golden State, le 4 juin 2015, à Oakland (Californie). (USA TODAY SPORTS / REUTERS)

Quatre-vingt-six-mille kilomètres. C'est la distance que vont parcourir les joueurs des Golden State Warriors, champions en titre de la NBA, en avion ou en bus, pour disputer les 82 matchs de la saison régulière, qui a commencé mardi 27 octobre. Un peu plus de deux fois le tour de la Terre, avec des matchs de très haut niveau à chaque escale. Comment les équipes de NBA font-elles pour tenir ? Eléments de réponse. 

Des avions transformés en palais

"De mon temps, on devait tirer nous-mêmes nos sacs, et si vous étiez un rookie, vous deviez aussi porter le sac de ballons. Aujourd'hui, je parie qu'ils ne touchent même pas leur sac !" se souvient Gail Goodrich, qui a joué chez les Lakers dans les années 1970, sur le site Grantland. Effectivement. Si Nike travaille à un concept d'hôtel volant, la compagnie Delta Airlines met une flotte d'A319 à disposition des équipes de NBA. Oubliez vos souvenirs de genoux dans le siège du voisin de devant, la capacité de ces appareils est réduite : 54 sièges au lieu de 126, avec trois classes distinctes. Celle des joueurs, qui bénéficient de (grands) lits pour récupérer, la deuxième classe, pour le staff de l'équipe, et le fond de l'appareil, pour les suiveurs et les journalistes. D'après les reporters, c'est quand même nettement plus confortable qu'un vol commercial. 

Le joueur des Golden State Warriors Stephen Curry dort en serrant le trophée de champion de NBA, le 17 juin 2015, dans l'avion qui l'emmène à Oakland (Californie). (NOAH GRAHAM / GETTY IMAGES)

Il faut bien mettre toutes les chances de son côté : une étude montre qu'une équipe qui franchit trois fuseaux horaires pour disputer un match a 60% de chances supplémentaires de le perdre. On ne dispose d'aucun récit de vol à rallonge dans la presse : aucune équipe n'a autorisé un reporter à entrer dans le compartiment des joueurs. Comme les Dallas Maverick, dont le Boeing 757 comporte, paraît-il, des salles de bain immenses et des fauteuils de luxe. "Nous n'autorisons pas les reportages à bord de notre avion", répond un porte-parole de l'équipe au Wall Street Journal

Des cours pour apprendre à bien dormir

Dans le milieu, on l'appelle le Sleep DoctorCharles Czeisler, le directeur de la division de médecine du sommeil d'Harvard, s'est penché sur l'oreiller de toutes les stars de la NBA. Cela va de conseils basiques – mettez votre portable le plus loin possible de votre lit, feuilletez un livre avant d'aller dormir – à la solution d'un vrai problème : les joueurs éprouvent les pires difficultés à dormir après un match. Pour compenser, il n'est pas rare qu'ils piquent un petit roupillon dans l'après-midi précédant la rencontre. "Ça ne sert à rien d'appeler un joueur vers 15 heures, c'est l'heure de la sieste", commente le patron de la NBA, Adam Silver, dans le New York Times. Mais cela ne suffit pas. "Demander aux joueurs de s'entraîner après une nuit sans sommeil revient à les forcer à jouer avec une main attachée dans le dos", résume-t-il dans The Atlantic.

Le manque de sommeil influe notamment sur le temps de réaction, qui peut tripler, selon une étude. La différence entre être sobre et ivre. "Le sommeil procure un avantage tactique largement ignoré dans le sport", commente Charles Czeisler, alors au chevet de l'équipe de Portland, cité par Oregon Live. Depuis son passage, l'équipe a supprimé les entraînements trop matinaux, les avions au petit matin, et adapte son couvre-feu en fonction du fuseau horaire du prochain déplacement. De la logique pure ? Jusqu'à récemment, aucune équipe NBA ne s'en souciait. A l'issue de la saison 1989, Michael Jordan avait passé quatre jours sans dormir, juste à jouer au golf, dans son fief de Caroline du Sud, raconte le Los Angeles Times

Les menus des joueurs passés au crible

Les joueurs des Memphis Grizzlies prennent leur petit déjeuner à Oklahoma City, le 6 mai 2013.  (ROBERT BECK / SPORTS ILLUSTRATED CLASSIC)

Les pizzas dans les vestiaires ou dans l'avion, c'est terminé. Et oubliez la petite mousse d'après match. D'après Delta Airlines, la boisson préférée des basketteurs dans l'avion du retour, c'est le jus de fruits kiwi-fraise. Les Lakers ont un accord avec la chaîne haut de gamme Whole Food pour leur nourriture en déplacement. On peut voir ici un exemple de menu. Le nutritionniste du club annote le menu du restaurant de l'hôtel avec "Yes" ou "No" pour que le joueur ne soit pas tenté. La cuisinière des Lakers ruse, en s'adaptant aux penchants naturels des joueurs tout en proposant des plats compatibles avec l'hygiène de vie d'un athlète, comme des crêpes pauvres en amidon – qui peut être difficile à digérer –, explique la nutritionniste sur le site du club

Des préparateurs physiques omniprésents

Le préparateur physique de LeBron James, Mike Mancias, l'étire avant le 3e match de la finale de la NBA, le 16 juin 2012, à Miami (Floride). (EL NUEVO HERALD / MCCLATCHY-TRIBUNE)

L'homme de l'ombre de LeBron James, le meilleur basketteur de NBA, s'appelle Mike Mancias. Il suit le joueur 24 heures sur 24. C'est un peu grâce à lui que l'arme fatale des Cleveland Cavaliers a déjà marqué plus de points que des stars comme ou Shaquille O'Neal alors qu'il n'a que 30 ans. CBS a pu suivre le processus de récupération du joueur, de l'avion des Cavaliers à sa salle de gym personnelle : bain glacé aussitôt après le match, électrostimulation des muscles pour éliminer les toxines dans l'avion. Sans oublier les bottes façon Bibendum Michelin pour faciliter la circulation du sang. Et le lendemain du match, quatre heures de massage et d'exercices d'assouplissement. "On n'a pas le temps de récupérer complètement, reconnaît LeBron James. Tout ce qu'on peut faire, c'est amener son corps au plus près des 100%."

Les entraîneurs n'ont d'autre choix que de faire évoluer des joueurs fatigués. A moins d'être prêts à payer les amendes infligées pour avoir permis à leurs joueurs de se reposer. Si, si. Par exemple, 250 000 dollars pour avoir laissé à la maison Tony Parker et Tim Duncan avant un match à Miami, en 2012. Justification avancée par la NBA : les spectateurs qui ont payé (cher) leur place se voient offrir un spectacle dégradé par l'équipe B des Spurs.

Le spectre du dopage

"Deux matchs en trois jours, avec cinq heures d'avion dans les jambes, c'est aussi dur qu'une étape du Tour de France, estime Michael Young, spécialiste de la préparation des athlètes, sur ESPN. Et encore, le cyclisme n'a pas le même impact physique sur l'organisme que le basket." En poursuivant l'analogie, cela voudrait dire que les joueurs de NBA s'enfilent le Tourmalet et le Ventoux… pendant six mois. Et ce uniquement grâce aux gains sur le sommeil, la nutrition ou la préparation des athlètes ?

Dans les années 1980-1990, environ 70% des joueurs étaient accros au cannabis, rappelle l'ancien joueur Robert Pack dans le New York Times. Une époque révolue ? L'ancien espoir Chris Erren est devenu dépendant aux anti-inflammatoires et à l'héroïne pour supporter la pression, au début des années 2000. Encore aujourd'hui, une étude montre que 11% des jeunes athlètes américaines se bourrent d'anti-inflammatoires sans prescription médicale, relève Sports Illustrated.

Pendant longtemps, la politique antidopage de la NBA était une "vaste blague", et c'est le Congrès américain qui le disait. Depuis cette saison, le syndicat des joueurs a finalement accepté des tests sanguins pour détecter des produits dopants. Mais à raison de trois par saison maximum. Jusqu'à présent, une poignée de remplaçants a été prise par la patrouille, sans que cela émeuve l'opinion publique américaine. Qui a déjà oublié cet aveu de Derrick Rose, une des vedettes de la ligue. Quand ESPN lui demande en 2011 de quantifier la prise de produits dopants sur une échelle de 10, il répond : "Sept. C'est énorme, et je pense que tout le monde est au même niveau, donc ça n'avantage vraiment personne." Son démenti, quelques heures plus tard, n'avait pas la même force.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.