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L'USO Mondeville lance une offensive en faveur de l'égalité femmes-hommes dans le basket

Article rédigé par franceinfo: sport, Célia Sommer
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10 min
Le club de l'USO Mondeville, qui est une référence dans le basket féminin, a engagé une véritable bataille en faveur de l'égalité des sexes dans le basket. (USO Mondeville)

L'USO Mondeville, club phare dans le basket féminin, s'est vu retirer son agrément "centre de formation" cet été. Il réclame un alignement des règles entre les femmes et les hommes dans le basket.

L'USO Mondeville, c'est un palmarès fort de 7 Coupes de France et 6 Coupes de France chez les moins de 18 ans. En 2020, il était le club formateur le mieux représenté par le nombre de joueuses évoluant en Ligue féminine (premier échelon), Ligue 2 et National 1.

Pourtant, cet été, le club normand a perdu son agrément "centre de formation". Contrairement aux clubs masculins, les clubs féminins qui n'évoluent pas dans l'élite ne peuvent pas posséder un centre de formation. Cette nouvelle a fait l'effet d'une bombe dans l'univers du basket français. De Nicolas Batum à Évan Fournier, en passant par Nando de Colo ou encore Marine Johannès (formée au centre), chacun a pris position contre la décision de retirer le label au club. 

Suite à cet événement, l'USO Mondeville s'est engagé dans la bataille pour récupérer son label, synonymes d'avantages financiers pour le club et structurels pour les joueuses. Pour cela, il mène un combat en faveur de l'égalité des sexes dans le sport : le club reproche aux règlements instaurés par la Fédération de pénaliser le basket féminin, par rapport au basket masculin.

Si, sur le papier, l'institution existe toujours, le centre de formation, lui, doit bel et bien disparaître. Derrière ce qui s'apparente à une simple formalité administrative, se cache en réalité un véritable casse-tête pour les dizaines de joueuses du centre, ainsi que la structure en elle-même. Face à une telle situation, un seul mot colle à la bouche de toutes les Mondevillaises : "Injustice". Alors comment le club s'est-il retrouvé, malgré lui, dans une telle situation ?

Une chute brutale

Pour mieux comprendre ce destin si brutal, il faut se projeter deux années plus tôt. L'équipe première de Mondeville évolue alors en Ligue féminine, mais traverse une passe difficile sur le plan sportif. Le 2 mai 2019, alors que les joueuses luttent pour obtenir leur maintien dans l'élite, elles concèdent une nouvelle défaite à l'extérieur face à Nantes (53-49). Celle de trop. Après 23 années passées en Ligue féminine, le club normand évoluera dans son antichambre durant la saison 2019/2020. La nouvelle fait l'effet d'une véritable onde de choc dans l'univers du basket français.

C'est alors le début d'une longue bataille. Qui dit descente en deuxième division, dit perte du label "centre de formation". Chez les femmes, contrairement à leurs homologues masculins, seuls les clubs dont l'équipe première évolue en Ligue féminine sont autorisés à posséder un centre de formation.

À ce moment-là, renoncer à vingt-trois années de travail n'est pas imaginable pour le club normand. Fort de sa très bonne réputation, il obtient l'autorisation de garder son agrément. Mais seulement pour deux ans : d'ici 2021, l'équipe première devra avoir retrouvé l'élite. Sous peine de voir son centre fermer ses portes. Le compte à rebours est lancé.

Entre temps, le Covid vient chambouler notre quotidien et les championnats sont arrêtés. La saison 2019/2020 est une saison blanche. L'année suivante, l'USO Mondeville ne termine qu'à la 5e place. Un classement insuffisant, qui ne lui permet pas de valider son ticket pour la première division française.

Les deux années sont passées. Mais Mondeville reste confiant pour la suite, et n'imagine pas une seule seconde que son centre puisse fermer ses portes. Juridiquement, la saison 2019/2020 n'a pas existé et a été décrétée comme "saison blanche". "Nous avons naturellement pensé qu'il allait y avoir un glissement du délais accordé. Nous étions très sereins là-dessus", explique la responsable du centre de formation, Dessislava Anguelova. "Nous avons pensé que le covid représentait un cas de force majeur juridique", complète Olivier Linot, le dirigeant en charge de la formation à l'USO Mondeville.

Le 4 mars dernier, le club normand reçoit la visite de la Direction technique nationale (DTN). "Nous cochions absolument toutes les cases", assure la responsable. Mais le 19 juillet, c'est la douche froide : l'agrément centre de formation lui est refusé. Le club reçoit un courrier très explicite de la part de la Délégation régionale académique à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (DRAJES), que franceinfo:sport a pu consulter. "Le niveau de jeu de votre équipe première n'est en effet pas conforme au cahier des charges et ne permet pas au centre de formation de conserver son agrément", justifie l'instance.

Les joueuses de l'USO Mondeville se battent pour l'égalité femmes-hommes dans les règlements de la Fédération française de basketball.  (USO Mondeville)

Mais ni le club, ni les parents ne comptent baisser les bras. Mondeville dépose un recours gracieux auprès de la rectrice et du CNOSF. Une rencontre est organisée le 14 septembre entre les différents acteurs, afin que le club puisse exposer ses arguments. Neuf jours plus tard, la réponse de l'académie tombe : l'agrément ne sera pas renouvelé. "La FFBB a donc rendu un avis défavorable quant au renouvellement de cet agrément, lequel lui a été refusé par décision de Madame la rectrice de la région académique de Normandie en date du 19 juillet 2021", soutient le communiqué de presse de l'académie normande.

Contactée, la Fédération française de basket n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations : "La FFBB ne s'exprimera pas sur ce dossier. C'est désormais au gouvernement de le faire". De son côté, le ministère des Sports se veut catégorique : "C'est une décision qui a été validée par la Fédération, derrière laquelle le ministère se range", répond par télephone une porte-parole. "Elle a été prise dans le respect des règles mises en place par la fédération. Si l'on fait une exception pour Mondeville, cela crée un précédent pour d'autres clubs qui seraient en droit de demander la même chose. Ce serait mettre le système dans son ensemble en danger."

Les joueuses pas épargnées

Les premières victimes de cette décision sont les joueuses elles-mêmes, ce que regrette profondément Dessislava Anguelova. "C'est une décision injuste pour les filles, un non-sens sportif. Ce sont plus de vingt années de travail acharné et d'excellence qui sont parties en fumée en à peine deux mois", se lamente-t-elle "Le problème n'est pas tellement d'avoir le label et de l'afficher en haut du fronton. C'est plutôt toutes les conséquences qu'il implique pour les joueuses", explique Olivier Linot.

La perte d'agrément a entraîné, entre autres, la relégation automatique de l'équipe Espoirs en National 3, pourtant en tête de National 2 les saisons passées. "Sportivement, il s'agit d'une année de perdue pour nos jeunes joueuses qui évoluent en équipe deux. Elles vont passer la saison à mettre des raclées aux autres équipes", se désole Dessislava Anguelova. L'équipe en question a remporté ses deux premiers matchs par... 59 et 69 points d'écart, et n'a perdu que de 7 points contre Le Havre (National 1) en match amical. De quoi alimenter la déception déjà existante.

"Lorsque nous avons appris notre relégation, nous étions très déçues. Pour progresser, il est mieux d'affronter des équipes plus fortes", regrette amèrement Lisa Cluzeau, 17 ans, qui évolue à la fois avec l'équipe première et l'équipe Espoirs. Ses parents font partie de ceux qui ont envoyé des courriers à la Rectrice, dans l'optique de faire bouger les choses. "Le seul intérêt qu'on voit, ce sont nos filles, qu'elles puissent progresser. Avec cette décision, elles sont tirées vers le bas. Nous craignons que cela pénalise le centre pour les années à venir, au niveau du recrutement, du niveau", s'inquiètent Joëlle et Gilles Cluzeau.

Mais il n'y a pas que le côté sportif qui pâtit de cette décision. Le label sportif de haut-niveau garantit aux joueuses, entre autres, une note de 20/20 au bac de sport, des horaires aménagés, une dispense de l'EPS, des rendez-vous médicaux facilités, ou encore la dérogation scolaire. 

"Le club est très exigeant sur l'aspect scolaire. Mais à présent, nous sommes considérées comme des élèves lambdas aux yeux de l'État. J'ai dû reprendre l'EPS, et ça tombe pendant mes entraînements... C'est devenu compliqué de jongler entre le basket et l'école."

Victoria, 17 ans, en classe de terminal

à franceinfo:sport

Dans un communiqué, la Rectrice a toutefois assuré que "les services de la région académique resteront bienveillants à l'égard du parcours scolaire et sportif des joueuses actuellement scolarisées dans des lycées de l'académie""L'objectif de cette bienveillance est d'être à l'écoute et d'envisager les meilleure solutions", indique sans plus de précisions le rectorat.

De son côté, Olivier Linot, le dirigeant en charge de la formation, se dit "très fier que le rectorat accepte de travailler avec le club sur les mesures de protection des jeunes filles". "C'était le plus important pour nous", confie-t-il. "Nous espérons que toutes les règles d'aménagements spécifiques pour les joueuses seront conservées et qu'elles bénéficieront de la protection dont elles ont absolument besoin pour combiner études et basket."

Le match pour l'égalité continue

Pour Mondeville, le combat est loin d'être terminé. Chez les hommes, les clubs de Pro B (deuxième division) ont l'autorisation d'être certifiés "centre de formation" . Et c'est bien là, entre autres, que ça coince du côté du club normand. Pourquoi les clubs, dont les femmes évoluent au même niveau, ne sont-ils pas en droit d'ouvrir un centre ?

L'incompréhension est totale à Mondeville. Le club pointe du doigt un manque d'équité entre les deux sexes. "L'objectif n'est pas de dire que la Fédération est misogyne, car ce n'est pas le cas. Mais le fait que les filles ne soient pas traitées comme les garçons est injuste", détaille Olivier Linot. Une page Facebook #matchpourl'égalité a même été créée afin de porter haut et fort les différentes revendications.

Contacté, le ministère des Sports reconnaît qu'il y a "des progrès à faire" en matière d'égalité femmes-hommes dans le sport. "La ministre en est tout à fait consciente. Mais l'État ne doit pas tout faire seul. Il y a une vraie volonté de la part du président de la Fédération de faire avancer les choses", précise le ministère à franceinfo:sport.

Chez d'autres, cette campagne n'est pas forcément perçue d'un bon oeil et fait grincer les dents. Le président de la ligue normande va même jusqu'à remettre en question l'honnêteté de la démarche entreprise par Mondeville. "Lorsque l'équipe première était encore en Ligue 1, Mondeville ne s'occupait pas de la Ligue 2. Ce n'était pas leur problème", s'exaspère Daniel Herbline, dont l'USO Mondeville reproche "l'aveuglement dans le dossier".

Au sujet de l'équité souhaitée par Mondeville, "pour moi, c'est un faux débat (...). Aujourd'hui, il y a douze équipes en Ligue 2. A-t-on 120 filles capables d'être professionnelles ? Douze clubs capables d'avoir le statut pro ? Qui va leur donner les moyens ?", questionne à haute voix le président. "Maintenant, si la campagne menée peut faire avancer les choses, pourquoi pas..."

Mondeville a déjà pris contact avec les autres clubs de Ligue 2, dans l'optique de faire bouger les choses. "Dans les prochaines semaines, tous les clubs de notre échelon vont signer un papier réclamant le droit de posséder un centre de formation, en tant que club évoluant au deuxième échelon national", se réjouit Olivier Linot. "Mondeville a peut-être perdu la première mi-temps. Mais il en reste encore une. Et elle débute tout juste."

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