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"Covaide", le combat contre les inégalités scolaires mené par Maria Guramare, étudiante à Harvard et basketteuse NCAA

Entre ses études à Harvard et le basket où elle évolue en NCAA, le championnat universitaire américain, la jeune Française Maria Guramare a trouvé du temps pour ajouter une corde à son arc. Pendant le confinement, cette jeune femme de 19 ans a voulu lutter contre les inégalités scolaires en lançant "Covaide", une plateforme d'entraide à destination des collégiens et des lycéens de l'Hexagone.
Article rédigé par Emmanuel Rupied
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
 

Durant plus de deux mois, le monde s'est arrêté. Alors que les différents gouvernements de la planète actent chacun à leur tour un déconfinement progressif de leur population depuis quelques jours, l'éducation a dû prendre des chemins de traverse pendant cette crise, qui ont compliqué la route de nombreux élèves, quel que soit leur âge. En France, si les écoles, de la maternelle au collège (pour les départements "verts") ont rouvert sous haute sécurité et en ordre dispersé, ce n'est toujours pas le cas des lycéens qui devront attendre au moins le début du mois de juin avant d'en savoir plus sur la fin de leur année scolaire.

Prendre les inégalités scolaires au rebond

Si l'enseignement se fait désormais à distance pour bon nombre de ces adolescents, tous n'ont pas accès à l'éducation de la même manière et les inégalités sociales se font déjà ressentir. C'est le constat qu'a dressé Maria Guramare au début du mois d'avril dernier, avec l'objectif d'y remédier, à son niveau.

La jeune Française de 19 ans mène actuellement un double cursus à Harvard en mathématiques appliquées et joue dans le même temps en NCAA avec son équipe universitaire de basket. Évacuée d'urgence comme de nombreux expatriés il y a quelques semaines, l'internationale tricolore U20 réside actuellement en Roumanie d'où ses parents sont originaires, avec sa grand-mère. Confinée comme en France, c'est là-bas que l'idée a germé d'aider les étudiants en difficulté. Cette initiative a un nom : "Covaide". Elle explique. "J'avais la volonté de contribuer. L'éducation me préoccupe énormément. J'ai vu ce que faisaient mes camarades d'Harvard et du M.I.T avec une plateforme similaire "Coved" (Pour "Covid Education" ndlr.) et comme je n'ai pas vu la même chose en France, je me suis lancée".

Le principe est simple : via une plateforme en ligne, des étudiants des grandes écoles et universités françaises proposent des cours aux élèves du secondaire à raison de deux heures par semaine et de façon totalement gratuite. Pour la mettre en place, Maria Guramare trouve une aide du côté d'un de ses anciens professeurs de l'INSEP, Stéphane Floccari, enseignant en philosophie et écrivain. "Maria, je la connais bien puisqu’elle avait bossé avec moi pour une de mes associations il y a quelques années. Donc quand elle m'a proposé l'idée, j'ai tout de suite accepté de l'aider. On a passé 48 heures presque sans dormir à élaborer la structure de cette plateforme ainsi que les règlements." Covaide était née, et cela fait cinq semaines que la plateforme fonctionne.

Soutien scolaire et "Networking"

La machine mise en route, il faut bien trouver des tuteurs. Et dans les grandes écoles, ça ne manque pas. Biberonnée depuis plusieurs années à la sauce américaine, Maria Guramare a pu profiter de l'un des atouts des grandes universités outre-Atlantique : le réseau. "J'ai demandé à certains de mes camarades français d'Harvard de contribuer. On a créé là bas un "French club". En France, on a pu compter sur Jérôme Uthurry qui est étudiant à HEC et à Polytechnique avec qui j'ai pris contact. C'est par lui et Stéphane Floracci que nous avons pu réunir des gens en France".

Au chômage technique, aussi bien sur le plan universitaire que sportif au moins jusqu'en septembre, la jeune basketteuse en profite aussi pour faire partie de la centaine de tuteurs que compte désormais la plateforme. Un prolongement de son quotidien en somme. "Dans les grandes universités américaines, tous les cours ont des assistants aux professeurs. Ce sont des élèves qui ont eu des bonnes notes l'année passée dans le cours en question. Et ils vont passer du temps avec ceux en difficulté. Moi-même je suis assistante pour un cours en informatique", détaille l'étudiante en 3e année.

"Covaide" rassemble à ce jour plusieurs dizaines d'élèves déjà inscrits. Et l'objectif est parfois d'aller plus loin qu'un simple soutien scolaire pour Maria Guramare : "On a pour but de permettre à des jeunes en difficulté de pouvoir être aidés, mais aussi à ceux qui vont vouloir faire HEC de pouvoir discuter avec des gens de cette école pour bénéficier d'un soutien mais aussi et surtout d'un éclairage sur ce qui est demandé pour intégrer ces formations. Il y a également une volonté de créer un lien, un réseau, on parle de Networking".

L'Amérique à portée de stylo

On oublierait presque que la jeune étudiante à Harvard n'a que 19 ans. Mais Maria Guramare exporte seulement son quotidien pour en faire profiter à l'Hexagone. "Si vous demandez de l'aide ici, vous en avez tout le temps" explique-t-elle. Mais tout n'est pas donné : "Il y a une autonomie énorme qui est demandée. Tout est à disposition mais personne ne nous prend par la main. Il faut tout gérer seul de A à Z", explique la Vauclusienne.

Et se gérer seule, la jeune adulte en connaît un rayon. Bachelière à l'âge de 15 ans avant de s'expatrier outre-Atlantique à Harvard, ce phénomène de précocité a appris tôt, très tôt à réussir, quoiqu'il arrive. "Je pensais avoir une indépendance déjà en partant de chez moi, mais là-bas c'est poussé à un niveau supérieur. Une grande leçon que j'ai apprise là bas, c'est que si on veut faire quelque chose, il faut finir par se lancer".

L'aventure "Covaide", elle, est bien lancée. Relayée sur les réseaux sociaux par ses anciens potes de l'Insep, notamment la championne d'Europe sur piste Mathilde Gros ou encore la championne du monde de judo Marie-Eve Gahié, la plateforme continue de faire son chemin.

"L'objectif dans le futur, c'est d'être là"

A l'heure du déconfinement, se pose cependant déjà la question de l'après. Une partie des élèves du secondaire ne devraient pas reprendre les cours avant début septembre et la nouvelle année scolaire, et pourraient ainsi continuer à bénéficier de ces cours. "Il y a un réel besoin. On va lancer une nouvelle session de recrutement des tuteurs. Ensuite, il faudra songer à savoir si on aura été un dispositif de crise et on aura aidé les élèves uniquement à ça, ou si ce sera quelque chose qui s'inscrira sur le long terme", confirme Maria Guramare.

Un constat partagé par Stéphane Floccari. La plateforme passera l'été. Pour la suite, ce n'est pas encore clair mais cette pandémie est un révélateur. "La crise révèle des inégalités. Plein de gosses n'ont rien. Nous, avec Maria, l'objectif dans le futur, c'est d'être là".

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