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Basket, contrefaçons et mains de géant... Giannis Antetokounmpo, le vendeur ambulant devenu étoile de la NBA

A 22 ans, cet ancien apatride venu de Grèce participera à son premier match du All-Star Game, dans la nuit de dimanche à lundi, à La Nouvelle-Orléans.

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Giannis Antetokounmpo suspendu au panier après un dunk face aux Chicago Bulls, le 15 décembre 2016, à Milwaukee (Wisconsin). (USA TODAY SPORTS / REUTERS)

Giannis Antetokounmpo vient de loin. Le joueur des Bucks de Milwaukee s'apprête à disputer son premier match du All-Star Game de la NBA, le match de gala de la ligue américaine de basketball, dans la nuit du dimanche 19 au lundi 20 février. Pourtant, il n'était encore, il y a quatre ans, qu'un basketteur amateur de deuxième division grecque. Un joueur à peine majeur, prometteur mais irrégulier. Tandis que ses coéquipiers se rendaient aux entraînements après une journée de travail, lui se faisait remarquer par ses absences. Gamin paresseux ? Non : fils de famille nombreuse trop occupé à faire survivre les siens.

Avec son grand frère Thanasis, Giannis grapille alors quelques euros dans les rues d'Athènes, en vendant aux passants des lunettes de soleil, des montres, des sacs à main ou encore des jeux. Des produits contrefaits, qui doivent permettre de garantir un repas du soir à la fratrie de quatre enfants, en complément des maigres revenus de baby-sitter et de bricoleur des parents. Quand la mission est accomplie, les deux aînés peuvent enfiler leurs baskets – une paire pour deux, au début.

Veronica et Charles Antetokounmpo, les parents, sont arrivés clandestinement en Grèce en 1991, en provenance du Nigeria. Giannis est né trois ans plus tard, découvrant une vie ponctuée par la peur des contrôles policiers, les changements d'adresse et la promiscuité, à quatre dans une chambre. Son salut, et celui des siens, vient d'une rencontre avec son futur entraîneur, Spiros Velliniatis, qui l'inscrit dans son club après avoir repéré son gabarit dans la rue. Il a alors 13 ans.

"Le monstre grec" découvre un nouveau monde

Petit à petit, défiant le destin, Giannis Antetokounmpo se fait un nom (à prononcer YAHN-iss Ah-deh-toh-KOON-boh) et se forge une réputation sur les parquets grecs. Il finit par taper dans l'œil des recruteurs américains, qui traversent l'Atlantique pour découvrir son potentiel. La NBA et l'équipe nationale lui tendent les bras, mais le phénomène est coincé en Grèce, car apatride. Ni une ni deux, le 9 mai 2013, il est naturalisé grec (au grand dam du parti néo-nazi Aube Dorée), en même temps que son frangin Thanasis, presque aussi talentueux. Les deux intègrent vite l'équipe nationale. Le mois suivant, Giannis est sélectionné par les Milwaukee Bucks, avec, à la clé, un contrat de quatre ans avec la franchise NBA.

Giannis Antetokounmpo participe à une conférence de presse, le 27 juin 2013, à New York, après avoir été recruté par Milwaukee. (CRAIG RUTTLE / AP / SIPA)

En même temps que son grand frère, recruté par une équipe d'une ligue secondaire américaine, "The Greek Freak" ("le monstre grec") découvre un nouveau monde. Peu de temps après son arrivée aux Etats-Unis, il se retrouve attablé dans un restaurant chic avec son aîné. "Prends tout ce que tu veux", lance le cadet, avec insistance. Les deux anciens vendeurs de babioles dévorent la carte, au point presque d'en retenir chaque plat. Puis le passé les rattrape. "J'ai pris la salade, racontera Thanasis à Yahoo Sports (en anglais). Il a fait pareil."

Pendant de longs mois, le temps que le reste de la famille obtienne le droit de le rejoindre aux Etats-Unis, Giannis Antetokounmpo doit être épaulé par son club. Ses coéquipiers lui meublent son appartement et l'aident à s'habiller, les pontes de la franchise lui apprennent à conduire et l'assistant vidéo lui prête sa voiture. Quand ses parents et ses deux petits frères arrivent enfin, il s'empresse de leur faire découvrir les smoothies et les emmène au supermarché – en limousine.

Pas question de paraître "prétentieux", mais "c'est une histoire folle, non ?",  interroge-t-il dans les colonnes de Sports Illustrated (en anglais).

Je pense à là où j'étais il y a quatre ans, dans les rues, et où je suis aujourd'hui, capable de prendre soin de mes enfants, de mes petits-enfants et de leurs petits-enfants.

Giannis Antetokounmpo

à "Sports Illustrated"

Des mains de 30 centimètres

En septembre dernier, Giannis Antetokounmpo a négocié un nouveau contrat de 100 millions de dollars. Un montant colossal, dû pas tant à son histoire hollywoodienne qu'à son talent sur le parquet. Comme le note USA Today (en anglais), le Grec est le meilleur marqueur (23 points par match), le meilleur "rebondeur" (9), le meilleur passeur (5,5), le meilleur bloqueur (2) et le meilleur intercepteur (2) des Milwaukee Bucks. Il est le premier joueur de sa franchise depuis 1984 à être sélectionné en tant que titulaire au All-Star Game, avec les meilleurs joueurs de NBA.

Homme à tout faire sur le terrain, capable de jouer à tous les postes, "The Greek Freak" s'est vu confier la mène depuis l'année dernière par son entraîneur, l'illustre Jason Kidd, dix fois All-Star lorsqu'il était meneur. "Il dribble comme Tony Parker", a salué le joueur français Nicolas Batum en 2015. Et pourtant, le joueur de 22 ans met une tête à "TP" et affiche des mensurations hors norme : 2,11 m, une envergure de 2,21 m et des mains de 30 centimètres, selon ESPN (en anglais). Avec lui, les ballons de basket passent pour des ballons de handball.

Giannis Antetokounmpo fait disparaître le ballon entre ses mains, le 2 janvier 2017, à Milwaukee (Wisconsin), lors d'un match face à Oklahoma. (JEFFREY PHELPS / AP / SIPA)

Giannis Antetokounmpo a aussi le sens du spectacle, comme en témoignent ses apparitions fréquentes dans le "top 10" des meilleures actions de chaque soirée NBA. Dernier coup d'éclat en date : le 11 février, lorsqu'il claque un dunk en prenant appui au niveau de la ligne de lancer franc. Admirez le saut en longueur (à 1'52).

Un acharné de travail

Giannis Antetokounmpo vient de loin, il dunke de loin et il ira loin. "Quand vous avez un joueur avec un tel talent, une telle éthique de travail, une telle attention au jeu, une telle humilité, vous avez tout pour avoir une superstar, prévient son coéquipier Jason Terry dans Forbes (en anglais). Voici ce que nous avons devant nous." "Il sait lire les gens et les situations, abonde l'assistant vidéo des Bucks, Ross Geiger, dans Sports Illustrated. C'est dû à son passé. Il ne pouvait pas perdre son temps à vous vendre quelque chose pendant cinq minutes si vous n'alliez rien acheter. Il devait lire en vous et passer à la suite."

Les gens disent que je joue bien, mais je crois que je peux faire encore nettement mieux. Certaines personnes ne se donnent jamais à fond. Moi, je prends des notes. Je regarde des vidéos. Je définis des objectifs.

Giannis Antetokounmpo

à "USA Today"

Depuis sa deuxième année en NBA, le Grec a rempli deux cahiers de notes. "Quand je sens que je dois savoir quelque chose, je l'écris, car on ne peut pas se souvenir de tout." Ne se contentant pas de ses qualités athlétiques, Giannis Antetokounmpo est effectivement du genre studieux. Du genre à passer son été à travailler dos au panier, pour en récolter les fruits, le mois dernier, en inscrivant le panier de la victoire à la dernière seconde face aux Knicks de New York, sur cette action.

Et quand un match se passe mal, Giannis Antetokounmpo laisse ses coéquipiers filer à la douche et se réfugie dans la salle d'entraînement du club, où il rejoue, seul, chaque action ratée. "C'est comme cela que j'évacue la rage", dit-il à Sports Illustrated. Il n'en sort parfois qu'au milieu de la nuit. Avec une motivation simple : dans la rue, dit-il, "les résultats n'étaient jamais garantis", alors que "si je travaille ici, j'obtiens des résultats. C'est la meilleure des sensations."

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