Avec le couvre-feu, "le sport paye le prix fort", estime le sénateur Michel Savin
Le couvre-feu mis en place à partir de samedi minuit dans neuf métropoles est un nouveau coup de massue pour le monde du sport. Les acteurs du sport sont-ils selon vous délaissés ?
Michel Savin : "Oui, on a l'impression que le sport est un peu le bouc-émissaire, parce que si d'autres acteurs économiques sont aussi touchés, comme les restaurants, les bars, et même le milieu culturel qui n'est pas épargné, il est vrai que le sport paye le prix fort. Et c'est l'ensemble des acteurs sportifs qui sont dans une situation très compliquée, aussi bien les acteurs des clubs que les professionnels du sport notamment ceux qui tiennent les salles de sport."
Ces derniers mois, les fédérations sportives tout comme les salles de sport, ont travaillé sur la mise en place de protocoles stricts afin de leur permettre de rouvrir. Pourtant, aujourd'hui, les salles de sport sont fermées et il ne sera plus possible de pratiquer une activité physique, en dehors de chez soi, après 21h. Même pendant le confinement, les Français pouvaient pratiquer le sport le soir. Est-ce qu'on peut dire qu'il y a un durcissement des mesures ?
MS : "Oui, car dans les agglomérations concernées par le couvre-feu, les salles de sport sont fermées même la journée. Ces salles de sport avaient travaillé sur des protocoles sanitaires lourds, validés par le ministère de la santé, et ont aujourd'hui une interdiction totale d'ouvrir. Cela les met donc en grande difficulté économique. Elles ont répondu aux mesures sanitaires demandées. Donc c'est là, où il y a de l'incompréhension, car des choses ont été faites, des investissements ont été faits par les propriétaires des salles de sport, mais aujourd'hui la seule réponse, c'est la fermeture.
"Il y a un déplacement des pratiquants, qui sont demandeurs de pratiquer une activité physique dans des salles de sport, et qui aujourd'hui sortent de ces agglomérations pour aller sur des territoires voisins"
Par ailleurs, nous sommes en train d'observer deux choses : la première est qu'il y a un déplacement des pratiquants, qui sont demandeurs de pratiquer une activité physique dans des salles de sport, et qui aujourd'hui sortent de ces agglomérations pour aller sur des territoires voisins pour pratiquer le sport en salle à quelques kilomètres des métropoles, avec le risque de voir le virus circuler.
Et l'autre chose que l'on observe, c'est qu'il y a tout un public qui dispose d'ordonnance de pratique sportive, qui sont des patients, qui ont des difficultés à avoir accès à des équipements, notamment ceux qui étaient mis à disposition par les collectivités comme les gymnases ou les piscines, qui sont interdits à la pratique pour les adultes. Les associations qui travaillent avec ces patients sont complètement à l'arrêt et ça peut poser un vrai problème de santé public."
"En plus des conséquences économiques, on est aussi sur un sujet de santé public"
Justement, rien n'a été mis en place pour les pratiquants du sport sur ordonnance ?
MS : "Suite aux prises de position depuis quelques jours, les choses sont un peu en train de bouger au sujet des dérogations concernant les patients qui ont des prescriptions pour la pratique sportive. Mais c'est encore au compte-goutte et cela ne répond pas à la totalité des demandes. En plus des conséquences économiques, on est aussi sur un sujet de santé publique."
Les ligues sportives tentent de s'adapter au couvre-feu, notamment en déplaçant des matchs, en les avançant pour qu'ils puissent recevoir du public. Finalement, c'est une sorte de contournement des règles. Ce couvre-feu sera-t-il encore utile dans ce cas ?
MS : "Toutes les fédérations du sport professionnel ne sont pas logées à la même enseigne. Le football vit notamment grâce aux droits Tv, mais le rugby par exemple dépend principalement de la billetterie et des partenariats. Or avec les mesures de huis clos et de jauge à 1000 spectateurs, ces clubs professionnels risquent d'être dans quelques mois en situation de dépôt de bilan.
Selon moi, on peut organiser, avec l'ensemble des partenaires - Etats, collectivités et dirigeants de clubs - la mise en place de dérogations, tout en prenant en compte les situations sanitaires locales. Et en prenant en compte l'ouverture totale de l'équipement. Quand on voit des matchs où les 1000 spectateurs autorisés sont regroupés dans une même tribune, c'est une incompréhension. Il vaut mieux ouvrir la totalité du stade avec une jauge de 5 ou 6000 personnes par exemple pour un stade de 20 000 personnes. Ce sont des professionnels, ils sont en capacité de le faire, en ouvrant plusieurs entrées, en laissant un siège sur deux, en évacuant le public en décalé, avec port du masque, etc. Mais si la réponse est 'on arrête tout', c'est un très mauvais signal envoyé au sport'."
Est-ce que, selon vous, il y aurait dû avoir une distinction entre événements sportifs et activité sportive amateur ?
MS : "Je vais peut-être vous surprendre car je fais la différence entre le sport professionnel et amateur. Parce que les clubs professionnels ont en leur sein le personnel nécessaire pour assurer la garantie que les choses se passent en toute sécurité, au niveau de la prévention, de la surveillance et du nettoyage. Ma crainte, c'est que le sport amateur ne l'ai pas. Il y a un vrai sujet concernant la protection de nos concitoyens. Le sport amateur est plus fragile car il n'est pas forcément en capacité de mobiliser autant de personnels pour assurer cette sécurité là. Dans les salles de sport, ils ont du personnel formé, comme dans les clubs, pour assurer cette sécurité."
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