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Tous les sportifs jouent-ils à crache-crache ?

Le "clasico" Barça-Real a été, mercredi, un festival de beau jeu... et de crachats. Le beau jeu, on n'a rien contre, les crachats, un peu plus. Mais pourquoi ?

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le joueur du Real Madrid Pepe crache lors du match retour des quarts de finale de la Coupe du Roi face au FC Barcelone, le 25 janvier 2012, à Barcelone (Espagne). (JOSEP LAGO / AFP)

L'info du clasico Barcelone-Real Madrid du mercredi 25 janvier, ce n'est pas que le Barça a gagné, que le Real a repris l'ascendant psychologique, que José Mourinho porte une doudoune sans manches qui nous rappelle les heures les plus sombres des collections automne-hiver pour hommes. Non, c'est que ce match a été marqué par deux crachats : l'un, spectaculaire, du défenseur madrilène Pepe, pris sur le fait par les photographes ; l'autre, plus discret, mais pas plus classe, de l'entraîneur du FC Barcelone, Pep Guardiola. Pourquoi même ceux qui ne courent pas crachent sur le terrains de sport ? Crache-t-on plus au foot qu'au tennis, à la boxe qu'au golf ? Eléments de réponse. 

Les hypothèses

• La physiologique Le football est un sport où chaque joueur parcourt environ 10 km. Or quand on court, il est plus pratique de cracher que de se forcer à déglutir. "Je cours, donc je crache" explique le Runningblog (lien en anglais).

• La psychologique Bien souvent, le mollard indélicat intervient après une passe ratée ou une occasion qui n'a rien donné. D'après Christian Montaignac, auteur du livre Petit Traité de la connerie des sportifs et autres concernés, interrogé par Suite101, "cela correspond à un soupir, une respiration, parfois un dépit. La passe a été ratée, le dribble loupé, il s’afflige, pique du nez, et crache pour solde de tout compte". Ça expliquerait le crachat de Guardiola, confiné dans les 15 m² de sa zone technique d'entraîneur.

• L'éducationnelle Les footballeurs crachent-ils parce qu'on ne leur a jamais dit que ce n'était pas bien ? Pour le ministre de l'Education du land de Brême en Allemagne, qui a voulu interdire les glaviots en 2001, "c'est une pure question d'éducation", estime-t-il, cité par Libération.fr

Résumons : les footballeurs sont des mauvais garçons râleurs et peu endurants. Alors pourquoi les plus gros scandales de crachats se produisent-ils dans... le tennis et le golf, deux sports étiquetés upper class et où, dans le cas du golf, l'effort fourni en terme de course est assez limité ? 

Tennis et golf : "shocking", mais ça crache quand même

Ainsi, en 2005, le joueur de tennis argentin Juan Ignacio Chela a pris une amende de 1 300 euros (lien en anglais) pour avoir craché en direction de son adversaire du 3e tour de l'open d'Australie, Lleyton Hewitt. En 2010, le Roumain Victor Hanescu a volontairement visé la tribune après que des spectateurs ont commenté la pauvreté de son service. Ça se passait à Wimbledon, et les bavards étaient assis dans la tribune VIP. Le Roumain a ensuite abandonné le match, furieux. Il a écopé de 12 000 euros d'amende.

Pire, en février 2011, Tiger Woods a purement et simplement mollardé sur le green (la vidéo est visible sur le site de la chaîne américaine ABC). Un crachat de confort plus que de déception, semble-t-il. Shocking ! Le champion a dû s'excuser fissa sur son compte Twitter : "Je veux vous dire que je suis désolé." 

Le golf, on l'ignore trop souvent, n'est pas épargné par l'expectoration de déception. Ainsi, en 2007, l'Espagnol Sergio Garcia avait carrément craché dans le trou après avoir loupé son putt. Pour sa défense, Garcia avait expliqué à la télé qu'il n'avait "pas craché" mais qu'il avait "laissé tomber la salive". Dans les deux cas, le golfeur a le geste honteux.

Cracher sur du parquet, de la glace ? No problem

Reste une dernière interrogation : les sports en salle ou sur des matériaux nobles, comme le parquet au basket, sont moins propices au crachat que la bonne vieille pelouse qui absorbe. Encore une fois, c'est faux.

En 1991, la star de la NBA Charles Barkley a craché sur un spectateur qui lui criait des injures racistes. Pas de chance, il a mal visé car il "manquait de salive", et c'est une jeune fille qui a reçu le projectile, ce qui a valu au basketteur 8 000 euros d'amende. Le sportif a déclaré plus tard que c'était "la chose la plus stupide qu'il ait fait de sa vie". Entre temps, il est devenu ami avec la famille de la jeune fille, lui a offert des tickets pour des matchs et a lancé un débat national (lien en anglais) aux Etats-Unis : les sportifs doivent-ils être des modèles de correction ?

Ce crachat ne constitue pas un acte isolé. Sur les sites américains, les fans de basket sont unanimes. Souvent, les joueurs en profitent quand les caméras sont concentrées sur autre chose ou quand ils savent que des nettoyeurs passeront derrière, armés d'une serviette. 

Idem au hockey, où le casque ne représente pas un obstacle. Des humoristes canadiens en ont même fait un sketch : deux hockeyeurs sur le banc des remplaçants discutent de l'impact de la mondialisation sur l'économie mondiale. On se croirait presque au forum de Davos jusqu'à ce qu'une caméra s'approche d'eux. A ce moment-là, ils se mettent à cracher sur tout ce qui bouge et à insulter l'adversaire.

Le fléau du tabac à cracher... pardon, à mâcher

Environ un tiers des joueurs de baseball professionnels mâchent du tabac pendant les matchs et produisent donc des glaviots noirâtres. Il existe même des sites (lien en anglais) sur lesquels on vous explique comment cracher comme un vrai pro, "avec un angle de 45° tout en restant concentré sur le jeu". Des études savantes (lien en anglais) se sont penchées sur la question de sa fréquence et l'interdiction du tabac à mâcher est un sujet qui resurgit régulièrement.. au Congrès américain. En vain pour le moment (lien en anglais)

Le joueur de baseball de l'équipe de Montréal Carlos Perez absorbe du tabac à mâcher le 6 juin 1995 à Los Angeles (Californie).  (AFP PHOTO)
Bref, en intérieur, en extérieur, tout le monde crache. Mais n'allez pas croire que c'est un travers de sportif. D'après un livre qui s'est penché sur la question, chaque jour, notre planète est recouverte de 13 000 à 15 000 tonnes de glaviots.

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