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Rondeau, premières pages en papier peint

Voilà trente ans, une petite équipe sarthoise faisait chuter le grand Porsche. Si le constructeur allemand était entre deux eaux en 1980, l'exploit reste de taille ! Premier épisode de la sage Rondeau : Des premières pages en papier peint.
Article rédigé par Xavier Richard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
 

Il était une fois un petit artisan qui rêvait de renverser un ogre. Celui-là était allemand. De Stuttgart. Mais à Sarthois rien d'impossible ! Enfin, du rêve à la réalité, Jean Rondeau n'a pas suivi une ligne droite. Tombé dans le berceau du Mans en 1949 lors des premières 24 heures de l'après-guerre, le jeune Rondeau allait se fasciner pour la course automobile. De son admiration pour la Ferrari N.22 de Luigi Chinetti naîtra une passion grandissante et dévorante qui lui fera dire plus tard qu'il n'est “plus maître de son amour pour Le Mans”. Un esclave de la classique mancelle. Grâce à son argent de poche issue de ses petits boulots, l'apprenti pilote s'inscrit au trophée Alpine Le Mans qui propose un baquet pour deux. Malgré des temps similaires à ceux de Bob Wollek et Christian Ethuin, Jean Rondeau est recalé, faute d'expérience en course. "C’est la seule vraie déception de ma carrière. J’en ai été profondément choqué", confira-t-il plus tard Le sort s'acharne contre lui puisque le volant Shell lui échappe aussi. La pilule est dure à avaler mais le jeune Rondeau a déjà de la ressource. Il casse sa tirelire pour acheter une Formule Renault. Faute de moyen, la saison sera de courte durée. Plus vraiment passionné par la course de côte, pas convaincu par sa victoire au Trophée Leyland (1974), frustré par ses premières participations aux 24 Heures, le Sarthois se pose des questions. Il y a bien la solution interne, fabriquer ses propres voitures, mais cela paraît si compliqué. C'est en discutant avec ses amis chez la famille Beaumesnil (celle de l'actuel Directeur Sportif de l'ACO Vincent Beaumesnil) que l'idée va faire son chemin. Le Mans 76, ce sera avec son écurie en GTP, la nouvelle catégorie réservée aux voitures de sport prototypes de moins de 960 kg.

"J’avais réellement envie de conduire des grosses voitures. Mais personne ne voulait m’en confier. Alors j’ai décidé d’en construire. Ça y est je suis constructeur ! Mon but était d’avoir un jour 480 chevaux sous le pied. Je n’avais pas d’autre possibilité d’y parvenir que de construire ce genre de voiture. Lorsque j’en ai été intimement persuadé, j’ai pris le problème à bras-le-corps." Il ne manque d'une étincelle pour que le projet prenne corps. La lumière viendra d'une connaissance de Michel Beaumesnil, Charles James. Ce dernier vient d'arriver chez Inaltera, une nouvelle marque qui cherche à se faire connaître. Entre Rondeau et le magnat du papier peint, ça va tout de suite coller. Avec 500 000 francs en poche, l'équipe décroche le gros lot. L'aventure peut commencer. Grâce au soutien de Vic Elford et à un bon vieux moteur Cosworth, l'écurie prend du crédit et parvient à attirer Beltoise, Pescarolo, Jaussaud et "Christine". Pas si mal pour une équipe en devenir. Le pari est payant car les deux voitures sont à l'arrivée avec une 8e place pour Pescarolo - Beltoise et la première en GTP. Inaltera est ravi et rempile pour 1977. Malgré la dureté de la course, les trois autos dont deux en groupe 6 voient à nouveau le drapeau à damiers. C'est du 100 % avec une 4e place à la clé juste derrière le duo Porsche – Mirage, Renault ayant sombré en cours de route. Alors que le succès commence à se pointer, Inaltera change de cap et reprend ses billes, toutes ses billes. Les voitures, les pièces, les outils, Rondeau perd tout. Après l'énorme travail accompli, l'histoire ne peut pas s'arrêter là.

Abattu, oui. Coulé, non. Jean Rondeau ne désarme pas. Avec l'aide de Marjorie Brosse, il chasse les sponsors et décroche un nouveau partenariat début 78. Le capital sympathie de Rondeau et son 100% de réussite finissent de convaincre SKF en début d’année 1978. Grand ouf de soulagement du côté de Champagné, la M378 prendra la départ des 24 Heures. N’oublions pas les anciens mécanos limogés par Inaltera qui oublieront leur rancoeur et reviendront travailler bénévolement la nuit pour que le proto soit prêt à temps. La course ne sera de tout repos (problèmes de boîte de vitesse, de moteur, de barre de torsion, d’embrayage, de glissières de siège, etc) et c’est sur les rotules que la voiture franchira la ligne d’arrivée ...en première position du GTP (9e au scratch). Ironie du sort, l’Inaltera rachetée par François Trisconi finira juste derrière. Ce nouveau résultat positif regonfle Jean Rondeau qui se sent d’attaque pour la grande bataille face aux Porsche et aux Ford (ex-Mirage), De Cadenet et Lola n’étant pas au même niveau de performance. Trois M379 sont engagées. Trois seront à l’arrivée. La déception aussi. Tous les favoris se sont cassés la figure et c’est une “petite” Porsche 935 du team Kremer, la fameuse K3 qui emporte le morceau. Une occasion est passée pour l’artisan-pilote, sur le papier bien plus armé que les frères Whittington et Klaus Ludwig. Les maux ne sont pas les mêmes mais le problème n’est pas là. Faute de moyens supplémentaires et de séances d’essais, il sera impossible à l’ATAC de mieux préparer ses voitures.

Les citations de cet article sont issues du livre "Rondeau, victoireau Mans !" d'Eric Bhat et Christian Courtel aux Editions SIPE (tirage épuisé)

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