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Hervé Poncharal : "On fait tous la danse du soleil"

Hervé Poncharal est un patron du team Monster Yamaha Tech 3 heureux ! Avec Dovizioso 3e et Crutchlow 5e, un podium au Monster Energy Grand Prix de France est dans le viseur. Poncharal nous a accordé un long entretien où il passe en revue l'actualité de son équipe et de la catégorie.
Article rédigé par Xavier Richard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Le patron du team Monster Yamaha Tech 3 Hervé Poncharal

Q : Dovizioso 3e et Crutchlow 5e, une belle séance pour Monster Yamaha Tech 3
R : « Ça a été une séance très difficile car on a eu les trois premières séances sèches où on a fait un super boulot (2e et 3e à l’issue du libre 3). Quand on a vu l’averse une petite heure avant la qualif, on s’est dit que ça allait être compliqué. On est parti en début de séance avec des pneus mouillés qui se sont détruits rapidement. La piste a bien séché et heureusement pour le show, on a fini le dernier quart d’heure en slicks. Nos deux pilotes se sont tout de suite sentis à l’aide. Andrea (Dovizioso) s’est hissé en haut du classement à dix minutes de la fin. Il a eu un petit doute sur la moto à deux tours de la fin et est rentré au box pour vérifier. Tout allait bien mais il a un peu de regret car il pense qu’il pouvait mieux que son 3e temps. Cal (Crutchlow) est tout près derrière, à quelques millièmes. On est très heureux de se retrouver en première les Monster Yamaha au GP Monster et de montrer qu’on est plus que dans le coup. Après, on se gratte tous un peu la tête, on fait tous la danse du soleil pour demain car les conditions sont incertaines. »

Q : Vos deux motos encadrent même Jorge Lorenzo sur une Yamaha officielle…
R : « C’est vrai mais de toute façon on fait partie de la grande famille Yamaha donc ce n’est pas un souci. Depuis le début de la saison, on est fier de pouvoir se battre avec eux et parfois les dépasser. C’était déjà le cas à Estoril et c’est bon pour le moral de l’équipe. Ça prouve à Yamaha qu’ils ont raison de nous donner du bon matériel. Je crois qu’on l’utilise correctement et qu’on porte haut leurs couleurs. »

Q : C’est d’ailleurs votre plus beau début de saison dans la catégorie reine
R : « Sans équivoque. Par rapport à la performance des meilleurs pilotes et par rapport à l’homogénéité de l’équipe. Nos deux pilotes ne se lâchent pas d’une semelle. Ce n’est pas très bon pour mon cœur de les voir si près l’un de l’autre car on a toujours tendance à penser qu’il y a en un qui ira trop loin. On n’est qu’à la veille de la quatrième épreuve mais on est confiant de continuer comme ça par la suite. »

Q : C’est une vraie chance de disposer d’une équipe homogène, à la différence de l’an dernier avec un Colin Edwards moins performant
R : « On a eu avec Colin une aventure de quatre ans qui a été super. On a fait des premières lignes, des poles positions, des podiums donc je ne vais pas dénigrer mon ancien pilote. L’an dernier, il avait trente-huit ans et il était sur une phase qui commençait à être descendante. On l’a remplacé par Andrea Dovizioso qui est troisième mondial dans la hiérarchie 2011. Il a 26 ans. C’est évident qu’on a gagné au change. En plus il se sent très très à l’aise dans l’écurie Monster Tech 3 et sur la Yamaha. Après une année d’apprentissage (le motoGP, certains circuits, pneus Bridgestone, freins carbone), Cal Crutchlow a très bien digéré ça pendant l’hiver. Cette année on se retrouve avec un pilote qui a le même nom mais qui a une personnalité complètement différente. »

Q : Ce n’est pas un peu frustrant de former d’excellentes pilotes et de les voir partir régulièrement ?
R : « On connaît la règle du jeu. C’est un peu notre mission avec Yamaha. Nous sommes une sorte de team junior. On teste les jeunes pilotes qui arrivent d’autres disciplines ou d’autres classes et s’il ça se passe bien comme avec Ben Spies, ils peuvent être transférés dans le team officiel. Quand on a des bons pilotes avec un gros potentiel, on a envie qu’ils progressent. Et s’ils peuvent progresser plus dans une structure officielle qui a plus de moyens que nous, on ne peut qu’être content pour eux. Ça fait partie du jeu et je ne suis pas du tout amer. Le départ de Casey Stoner va redistribuer toutes les cartes. Nos pilotes qui étaient donnés « restant » chez Tech 3 vont être sollicités par d’autres écuries. On entend déjà parler de Dovi dans le team officiel Yamaha ou Crutchlow chez Ducati… On verra bien. Pour l’instant, on profite de l’instant présent et on croque dans la pomme. »

Q : Votre travail comme équipe satellite d’un constructeur est un exemple à suivre pour l’économie du MotoGP
R : « Un jour le big boss de Yamaha, Masao Furusawa, celui qui a permis cette formidable aventure avec Valentino Rossi, disait toujours qu’il n’y avait pas deux officielles et deux satellites mais quatre Yamaha. Ça faisait du bien à entendre et il le prouve en nous équipant comme il le fait. Cette année, on est l’équipe privée la plus performante et on espère que ça va durer. »

Q : Ces beaux résultats, c’est un nouveau coup boost après tant d’années en MotoGP ?
R : « On est la plus vieille équipe du plateau des MotoGP. 23 ans. On a su se faufiler entre les gouttes et les chicanes de la vie pour continuer à exister. Mais la passion n’est jamais partie et moi je vibre toujours autant. Tout à l’heure quand j’ai vu mes pilotes premier et deuxième au milieu de la séance, j’avais les poils qui se dressaient sur les bras. Ce n’est pas un métier qu’on peut faire comme un métier normal. Il faut avoir la passion car il y a beaucoup de choses à gérer. On doit prendre des risques. Les pilotes le font sur la piste et nous au niveau du business. Ça devient de plus en plus compliqué dans un contexte économique difficile. »

Q : L’annonce du départ de Casey Stoner en fin de saison est-elle une bonne ou une mauvaise nouvelle pour la moto ?
R : « Casey Stoner, c’est le patron du championnat ! Il est le plus doué de la génération actuelle. Pour moi, c’est très -couillu- de prendre la décision d’arrêter au sommet alors qu’on peut y rester encore plusieurs saisons. Aujourd’hui, l’actualité est grise. C’est la crise, le chômage. Tout le monde est calculateur, sur la réserve. Tout le monde la joue petit bras. Et voir quelqu’un qui a les tripes de dire -j’ai un contrat de plusieurs millions d’euros qui m’attend avec beaucoup de victoires voire de titres à la clé à 26 ans mais j’ai envie d’une vie différente- c’est beau. Quelque part, c’est romantique. Ca apporte un peu de fraîcheur dans un monde triste. D’un autre côté, comme le chat ne sera plus là, les autres souris vont se mettre à danser. Ce départ ouvre toutes les opportunités possibles, y compris celle de voir nos pilotes approchés par d’autres teams. Mais c’est la vie et je veux que le MotoGP soit un truc marrant. Qu’il se passe des choses. Les transferts intéressent toujours les médias et les fans donc on ne va pas se plaindre qu’il se passe des choses en MotoGP. »

Q : Un podium demain serait le bienvenu ?
R : « Ce n’est pas une obsession. On en a déjà fait. C’est sur que ce serait un rêve d’en faire un demain. Si on a une piste sèche, on a une chance. Sur du mouillé aussi mais c’est tellement la loterie. En tout cas, on serait déçu de ne pas se battre dans le top 5. »

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