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Formule 1 : les bizarreries du premier GP de Miami font polémique

L’Autodrome international de Miami, tout juste sorti de terre, accueille son premier Grand Prix de Formule 1 ce week-end. Mais l'événement est décrié pour son impact écologique.

Article rédigé par Maÿlice Lavorel, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5 min
La monoplace de George Russell sur le circuit de Miami, le 6 mai 2022. (DPPI / DPPI)

Du soleil, des palmiers, une mer turquoise... Le paddock va découvrir ce week-end une ville et un circuit inédits. Les pilotes et les écuries se retrouvent à Miami, pour la cinquième manche du championnat, du 6 au 8 mai, sur un tracé tout neuf. Le nouveau-né, baptisé Autodrome international, y accueille la première des deux épreuves américaines de la saison, avant Austin en octobre.  

Le circuit floridien serpente sur 5,4 kilomètres autour du Hard Rock Stadium, l'enceinte de la franchise des Dolphins (NFL), en plein cœur du quartier de Miami Gardens. Ses longues courbes et ses virages rapides promettent une course spectaculaire. Cependant, le choix de la destination et les méthodes d'installation ont nourri la polémique.

C'est d'abord le timing qui fait parler. La F1 s'exporte de l'autre côté de l'Atlantique alors que la saison européenne a commencé il y a tout juste deux semaines, du côté d'Imola. Lors du prochain week-end de course, les pilotes retourneront sur le Vieux Continent, à Barcelone puis Monaco... avant de repartir du côté de l'Azerbaïdjan et du Canada.

Ces allers-retours incessants en avion semblent contradictoires avec le plan de marche d'empreinte carbone négative fixé par la Formule 1 elle-même en 2019, avec pour objectif de "maximiser la logistique et l'efficacité des trajets par l'optimisation des procédés et des volumes". Un audit publié par la F1 en 2021 avait estimé à 256 000 tonnes de carbone la production du paddock par an. Soit l'équivalent de 30 000 foyers britanniques sur la même période.

Dix ans de contrat

Le choix de Miami semble contradictoire. Après des années de tractations, et un premier projet de course en bord de mer, le circuit et tous ses équipements ont fini par sortir de terre sur les grandes zones de parking autour du Hard Rock Stadium. La construction du circuit n'a pas manqué de soulever de polémiques, entre plaintes des riverains par crainte du bruit assourdissant (ils ont finalement été débouté par la justice) et questionnements sur la viabilité du tracé en-dehors du grand barnum de la F1. Comme pour les circuits urbains, l'installation n'est pas là pour rester : tout est monté quelques semaines avant le week-end de course, puis démonté dans la foulée.

"La seule structure construite de manière permanente est le premier étage du bâtiment des stands et du paddock. Tout le reste est temporaire", expliquait Tyler Epp, chef des opérations de l'événement, à Forbes, lundi. Un effort de construction sera renouvelé tous les ans, pendant les dix années de contrat signées pour organiser le Grand Prix de Miami.

Le circuit de Miami avant le premier Grand Prix de Formule 1 sur le sol floridien, le 5 mai 2022 (FLORENT GOODEN / FLORENT GOODEN / DPPI via AFP)

Parmi les équipements, l'asphalte fait aussi parler. En Floride, le bitume que les monoplaces avaleront sera différent de celui des autres circuits, constitué d'un mélange de limerock et de granit, pour composer avec la forte abrasivité naturelle des revêtements du sud de la Floride.

Plusieurs tonnes de granit - qui constitue 60% du revêtement de la piste - ont donc été importées de Géorgie, l'Etat voisin, et transportées par train, pour construire le circuit, comme l'a confirmé l'entreprise britannique Apex Circuit Design, en charge du chantier, à Motorsport. Une organisation lourde et contraignante, d'autant que le paramètre de l'abrasivité interroge encore les pilotes. "J'espère juste que l'asphalte sera au niveau", a ainsi confié Sergio Perez, le seul à avoir roulé sur la piste en avril pour une vidéo promotionnelle Red Bull.

Vettel s'inquiète

De la critique à la moquerie, il n'y a qu'un pas dont les réseaux sociaux se donnent à coeur joie. Nombreux ont été ceux à s'amuser de la fausse "marina" installée au creux du virage 7. Alors que le circuit se situe à plusieurs kilomètres de l'océan, des yachts ont été transportés par camions pour être installés sur un plancher de bois et béton de quelques centaines de mètres carrés, en plein milieu du tracé. Celui-ci a ensuite été recouvert de panneaux simulant une large étendue d'eau.

L'installation, superficielle, qui détonne dans le paysage, doit permettre à la société MSC Croisières de mettre en avant ses offres, avec des tarifs jusqu'à 36 000 dollars le yacht pour quatre personnes, selon le Miami Herald.

Ce port à l'eau plastique cristalline dénote d'autant plus avec la réalité environnementale de la cité floridienne. Une étude de Nature Climate Change, revue scientifique de référence, citée par l'organisation Global Climate Pledge place ainsi Miami comme la deuxième ville la plus vulnérable au monde face à la montée du niveau de l'eau, la vraie. Une ironie dont le quadruple champion du monde Sebastian Vettel a voulu profiter pour sensibiliser sur la cause, en portant un t-shirt inscrit "Miami 2060 : Premier Grand Prix sous-marin. Agissez maintenant ou nagez plus tard" lors des festivités de présentation du Grand Prix, mercredi.

Le pilote allemand, qui porte un casque commémoratif de la même cause tout le week-end, a insisté sur ce sujet au micro de la chaîne britannique Sky Sports. "Je trouve alarmant que nous allions dans un endroit qui ne sera pas ici dans 50 ans. Tout le monde se comporte et continue ses affaires comme si de rien n'était. Cela me dérange beaucoup. La situation est très, très sérieuse. […] Parfois, la vérité n'est pas très belle, mais elle vaut le coup d'être partagée quand elle est aussi importante. Cela devrait nous montrer que nous sommes en danger et que nous devons agir maintenant, ou il y aura beaucoup de souffrance."

Avec cette course, la FIA et la Formule 1 veulent pénétrer encore plus le marché américain, qui a pris goût à la discipline depuis quelques années (+54% d'audience dans le pays en 2021 d'après ABC, et repris par l'AFP). À Miami, l'organisation a voulu mettre sur pied un événement "glamour et showbiz", comme soulignait lundi le Washington Post. Pour accéder à l'autodrome, les billets les moins chers, pour la journée de vendredi uniquement, s'élevaient déjà à 300 dollars, soit parmi les prix les plus chers de toute la saison.

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