En apprentissage dans la pouponnière de la F1, les Français Théo Pourchaire et Isack Hadjar entrent en piste vendredi à Mexico

Les deux pilotes, habituels pensionnaires du championnat de Formule 2, participeront à une séance d'essais à Mexico.
Article rédigé par franceinfo: sport, Loris Belin
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4 min
Les deux pilotes français Théo Pourchaire et Isack Hadjar seront en piste lors de la première séance d'essais libres du Grand Prix du Mexique, le 27 octobre 2023. (AFP)

Du jamais vu en dix ans. Il n'y aura non pas deux, mais quatre Français en piste en Formule 1, à Mexico, lors du 21e rendez-vous de la saison. La première séance d'essais libres, vendredi 27 octobre, va mettre à l'épreuve deux jeunes pousses tricolores, Théo Pourchaire et Isack Hadjar. Les deux pilotes sont invités respectivement par les écuries Alfa Romeo et AlphaTauri à s'aguerrir le temps d'une heure au volant d'une Formule 1, eux qui évoluent cette saison dans l'antichambre, en Formule 2.

A 20 ans, Théo Pourchaire est presque un habitué. Le Grassois avait fait ses débuts en F1 la saison passée pour de premiers essais avec Alfa Romeo. Isack Hadjar, tout juste 19 ans et qui dispute sa première saison en F2, se voit offrir une promotion express dans le grand bain. Pour les deux hommes, ce test grandeur nature est un passage quasi obligatoire sur leur voie vers la F1.

Isack Hadjar et Théo Pourchaire profitent d'un nouveau règlement mis en place en 2022, obligeant toutes les écuries de F1 à placer un jeune pilote lors d'une séance d'essais libres à deux reprises durant une saison. L'objectif est de permettre à ces apprentis de se faire la main alors que le nombre de séances d'essais hors Grands Prix a globalement diminué pour niveler les dépenses de développement. "Ces essais démontrent certaines facettes du pilote, ce sont des moments importants, mais qui sont plus de l'ordre du symbole que d'une démonstration de performance ou d'apprentissage, tempère Cyril Abiteboul, ancien patron de Renault F1 et consultant pour franceinfo: sport. C'est ultra court, une heure à peine, avec un programme rigide car il y a beaucoup de choses à faire durant les essais : travailler le développement, la mise au point de la voiture pour le reste du week-end. Ce n'est pas une zone de liberté."

La présence de Théo Pourchaire chez Alfa Romeo et d'Isack Hadjar chez Alpha Tauri puis avec la grande sœur, le mastodonte Red Bull du triple champion du monde Max Verstappen, à Abu Dhabi le 24 novembre prochain, n'a rien d'anodin. Les deux pilotes font partie des "académies" Sauber et Red Bull, sortes de centres de formation pour apprentis champions. "Être dans le giron d'une écurie, c'est important, c'est même devenu une condition nécessaire, estime Cyril Abiteboul. Quand on regarde ces dernières années, Lando Norris chez McLaren, Max Verstappen ou avant Sebastian Vettel chez Red Bull… Il faut presque remonter à Fernando Alonso pour voir de grands pilotes arriver sans le soutien d'une équipe."

Portées par un contexte économique florissant en Formule 1, les écuries peuvent accompagner de jeunes espoirs dans la durée, tout en limitant le phénomène de pilotes qui "achètent" leur présence dans la discipline par un important apport financier. "Cela devient davantage une pure méritocratie sportive et il faut s'en réjouir, appuie Cyril Abiteboul. Je ne crois pas que la F1 soit passée à côté de talents évidents. Je ne suis pas pour autant certain que les pilotes qui soient arrivés en F1 le méritaient tous."

Car cette nouvelle donne n'offre pas non plus une garantie d'obtenir une place immédiate dans le paddock. Le tenant du titre de F2, le Brésilien Felipe Drugovich, récupéré comme premier membre de l'académie Aston Martin, devrait voir son horizon bouché pour la seconde saison de rang en 2024. Le constat vaut aussi pour Théo Pourchaire, en bonne voie pour devenir champion du monde de Formule 2 cette saison au terme d'un troisième exercice qui n'était pas initialement envisagé, et qui devra se contenter d'un rôle de pilote de développement en 2024 pour Alfa Romeo.

"Le risque, c'est de créer un parking de pilotes qui se stockent devant l'entrée de la F1 comme des trophées."

Cyril Abiteboul

à franceinfo: sport

L'allongement des carrières – Fernando Alonso aura 43 ans, Lewis Hamilton 39 la saison prochaine – mais aussi le nouveau modèle d'organisation des écuries sont autant de freins à ces nouveaux arrivants, poursuit notre consultant. "C'est toujours un problème d'aversion au risque. Les sommes en jeu sont tellement importantes, et le risque pour un directeur d'écurie si élevé qu'il préférera parfois un pilote 'valeur sûre'. Les 'team principals' sont aujourd'hui des employés comme les autres, alors qu'à une époque, quand Ron Dennis décidait de mettre Lewis Hamilton dans la McLaren, il était quasiment chez lui, comme Frank Williams qui était propriétaire de son écurie. Ils n'avaient personne pour leur dire, 'attention, tu fais une bêtise en prenant un jeune'."

Vers une saison 2024 sans "rookies"

La prochaine saison de F1 devrait ainsi établir un précédent, avec une grille sans le moindre pilote débutant, alors que Williams souhaite conserver l'Américain Logan Sargeant dont le baquet est le seul encore incertain. Rien de rédhibitoire pour les Tricolores Théo Pourchaire et Isack Hadjar comme pour les autres. L'Australien Oscar Piastri, champion du monde de Formule 2 en 2021, a dû attendre un an sur le bas-côté avant de briller avec McLaren ces derniers mois.

Leur présence aux essais libres 1 du Grand Prix du Mexique est le signe de "bonnes dynamiques pour Hadjar et Pourchaire", juge Cyril Abiteboul. Helmut Marko, responsable du programme des jeunes pilotes de Red Bull, voit en Isack Hadjar un "jeune Alain Prost" comme il l'évoquait à Canal + en août 2022. "Je sais que Helmut l'adore", avait alors surenchéri Max Verstappen. Le Néerlandais sait de quoi il parle, lui le modèle de réussite de la filière d'apprentis champions Red Bull.

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