Michele Ferrari Docteur ès dopage
L'affaire pourrait faire grand bruit si son développement suit son cours jusqu'au bout. Le scandale serait bien plus retentissant que l'affaire Puerto, étouffée dans l'oeuf par la justice espagnole. Un séisme dans le monde du sport. Et pas que dans le cyclisme, malheureusement rôdé aux affaires de dopage qui jalonne son histoire depuis tant d'année. Comme un échos à la chute de Lance Armstrong, le procureur Benedetto Roberti, magistrat de Padoue, s'apprête à boucler une enquête sur le système mis en place par Ferrari. Le quotidien sportif italien la Gazzetta dello Sport en a dévoilé les contours jeudi.
Un kit complet tout en un
Avec sa carte de visite estampillée Lance Armstrong, sept Tours remportés sans contrôle positif, Michele Ferrari n'avait pas besoin de beaucoup d'arguments pour convaincre certains sportifs de lui faire confiance malgré sa réputation sulfureuse. Domicilié à St-Moritz en Suisse, le sorcier italien donnait rendez-vous à ses clients sur une aire d'autoroute vers Rioveggio. Il avait tout le matériel dans le camping car... Mais Ferrari offrait bien plus que quelques produits. Selon la Gazzetta, il fournissait, avec l'aide de son fils Stefano, un kit complet à ses clients. Cela comprenait un programme de préparation physique pour améliorer les performances (exercices et produits), une assistance juridique pour signer un contrat de travail ou se défendre après un contrôle antidopage positif. Ferrari poussait le vice jusqu'à distiller ses conseils pour échapper aux contrôles ou tromper les analyses. Il serait ainsi en mesure de contourner le fameux passeport biologique sensé donner l'alerte en cas de résultats anormaux.
Armstrong et d'autres
Avec de tels services, Ferrari était sous "contrat" avec des sportifs de haut rang, des "pointures". Il y a eu Armstrong mais d'autres en ont profité. L'enquête cite notamment le marcheur champion olympique Alex Schwazer (positif à l'EPO), des biathlètes et des triathlètes. Plus troublant est le volet financier de l'affaire. "Le Mythe", son surnom donné en 2006 lors d'une précédente instruction où il a été blanchi (faits prescrits), serait au coeur d'un immense système de blanchiment d'argent via une société d'image basée à Monaco et d'aide à l'évasion fiscale. Selon la Gazzetta dello Sport, Michele Ferrari serait appelé à répondre de plusieurs chefs d'accusation notamment de contrebande, de distribution, d'administration et d'utilisation de produits dopants, d'évasion fiscale et de blanchiment d'argent. Son fils Stefano Ferrari, l'agent Raimondo Scimone, deux directeurs de banque de Lucerne et Neuchâtel, et l'avocat suisse Rocco Taminelli - qui a défendu à plusieurs reprises des coureurs accusés de dopage - sont également visés dans cette enquête qui devrait être conclue à la fin du mois.
Blanchiment dans le peloton
Sous le titre "Le système Ferrari", le journal rapporte que les enquêteurs ont découvert un système complexe dans lequel des sommes importantes d'argent, de l'ordre de 30 millions d'euros, ont circulé grâce à l'utilisation de comptes bancaires suisses avec des complices occupant des postes clés. Des dizaines de sportifs seraient impliqués dans ce scandale dont le volet financier comporte un système d'évasion fiscale, entre autres par le biais des droits d'image. Ce biais permettait aussi de contourner les règles de l'Union cycliste internationale sur les contrats des coureurs et des équipes. Le journal évoque, pour les équipes, RadioShack, dont le manager était jusqu'à cette semaine Johan Bruyneel (l'ex-directeur sportif d'Armstrong), et Astana. Côté coureurs, le rapport cite notamment les noms de l'Italien Michele Scarponi (vainqueur du Giro 2011) et du Russe Denis Menchov (vainqueur du Giro 2009), ainsi que de plusieurs Russes (Gusev, Kolobnev, Karpets, Ignatiev, Petrov). Le sport a mis un pied dans les tribunaux pour un bon moment.
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