Reportage Marathon de Paris : tracé artisanal mais boussole pour les coureurs... Les secrets de la ligne verte

Guidés par l'œil affûté de mesureurs officiels, des agents de la propreté de Paris ont fait apparaître sur la chaussée parisienne le tracé de l’épreuve. L’opération mêle méthode artisanale et grande précision.
Article rédigé par Anaïs Brosseau
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Traçage de la ligne du marathon de Paris, place Vendôme, jeudi 4 avril 2024. (ANAIS BROSSEAU/FRANCEINFO: SPORT)

Jeudi 4 avril. 21h30. Avenue des Champs-Elysées. Le convoi surprend les passants. Gyrophares allumés, des voitures et motos de police ouvrent la voie. Derrière, deux véhicules verts du service propreté de la ville de Paris avancent à vitesse réduite et à contresens en direction de la place de la Concorde. Le premier, un camion-benne, tracte une remorque dans laquelle est installé un agent. Masque sur le visage pour se protéger de l'odeur entêtante, il actionne une pédale qui amorce une bombe de peinture. Apparaît alors sur le sol la bande verte qui matérialise les 42,195 kilomètres du marathon de Paris, qui se tiendra dimanche 7 avril, à partir de 7h45. 

Six agents de la fonctionnelle de Paris – l'unité d'élite du service propreté – accompagnés par deux mesureurs officiels, ont entamé les opérations de traçage mercredi 3 avril, vers 22h30... une fois le pic de circulation passé et les forces de police disponibles. Jusqu’à 5 heures du matin, ils ont patiemment matérialisé 27 kilomètres du parcours en partant de l’arrivée. Reprise du travail à 21h30 jusqu’à 2 heures, cette fois en s’élançant du départ. En raison d'une légère modification du parcours pour cause de crues – les coureurs emprunteront les quais hauts et non bas, entre le 25e et 28e kilomètre –, le traçage aura été finalisé dans la soirée de vendredi 5 avril.

300 bombes de peinture

Le ballet est millimétré. Chronomètre à la main, Rafael Verdeguer, agent de la ville de Paris, officie jeudi soir comme chauffeur. À sa droite, Jean-Marie Grall, mesureur expert certifié par la World Athletics, le conseille. Sans carte, il lui indique le chemin de tête. "Serre à gauche, gentiment. On va bientôt tourner." Son collègue mesureur, Philippe Bellessort, à pied en tête du convoi, glisse une autre recommandation : "Roule moins vite sur les pavés car on sait que la peinture marque moins."

Jean-Marie Grall, mesureur officiel, conseille Rafael Verdeguer, derrière le volant pour l'opération de traçage de la ligne verte, jeudi 4 avril 2024. (ANAIS BROSSEAU/FRANCEINFO: SPORT)

Scrutant régulièrement son chronomètre, le chauffeur immobilise le véhicule au bout de 4 minutes 30. "C’est le temps moyen au terme duquel les bombes de peinture sont vides", indique-t-il. Pas question que la ligne s'affiche de manière discontinue. Abilo Ferreira, agent de maîtrise à la propreté, qui marche à pas pressé à côté de la remorque, s’empresse d'ôter les trois bonbonnes désormais vides pour recharger avec d’autres préalablement mélangées par ses collègues dans le camion à l’arrière. "C’est vraiment très artisanal. La remorque, c’est aussi une fabrication maison", glisse-t-il en riant. Au total, environ 300 bombes seront nécessaires, soit 150 litres de peinture.

Tracer entre les gouttes

Le marathon olympique de Melbourne en 1956 a été le premier à matérialiser le tracé par une bande de couleur. Progressivement, les organisateurs des grands marathons l'ont tous adoptée. À Paris, elle existe depuis plus de deux décennies. Aujourd'hui, la ligne arbore la couleur du sponsor principal de la course (Schneider Electric), après avoir été bleue et orange.

Chaque année, elle apparaît de quelques jours à quelques heures avant l'épreuve. Les équipes sont soumises aux aléas climatiques. "S'il pleut, on ne peut pas tracer. C'est de la peinture temporaire. Elle est censée tenir huit jours, en fonction du passage des voitures. Sur certains endroits, elle peut rester deux mois", précise Abilo Ferreira. "En 2022, on a dû tracer de jour, à partir de 6 heures le samedi car on n'avait pas pu avant. Et cette année, nous n'avons pas du tout pu le faire pour le semi-marathon de Paris", se souvient Jean-Marie Grall, intarissable sur le sujet.

Repère visuel pour les 54 000 coureurs inscrits, la bande ne correspond pas pour autant au chemin le plus court ! Rien d'étonnant donc à ce que la montre GPS d'un participant affiche à l'arrivée une distance légèrement supérieure à 42,195 kilomètres même si ce dernier n'a jamais lâché la trace. En effet, selon le règlement de World Athletics, le mesurage du parcours s'effectue à 30 centimètres des obstacles fixes (trottoirs par exemple).

Une ligne directrice mais pas la plus courte

"Si on traçait la ligne à cet endroit, personne ne la verrait et l'engin ne pourrait de toute façon pas passer", justifie Jean-Marie Grall. La ligne verte est avant tout "une ligne directrice", résume-t-il. Habitués de l'opération, les deux mesureurs choisissent eux-mêmes le placement de la bande de peinture. "À l'approche d'un virage à gauche, on va positionner la ligne sur le côté gauche de la chaussée. On pense aussi à ce que ça peut rendre à la télévision", détaille Jean-Marie Grall.

"En réunion technique avec les athlètes élites, on leur rappelle de ne pas se concentrer uniquement sur la ligne. Il faut aussi qu'ils regardent s'ils peuvent couper plus court, qu'ils fassent attention au dévers sur la route qui peut faire mal aux genoux", complète son collègue Philippe Bellessort. Un conseil qui vaut aussi pour les milliers d'amateurs qui s'élanceront dimanche.

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