Doha 2019 : la chaleur, un danger pour la santé et l'équité ?
A la fois humide et étouffant, le climat fait des ravages à Doha. Pour l'ensemble des athlètes, les conditions sont extrêmes et compliquées à gérer. Alors que l'organisation tente de conserver un stade à 24ºC grâce à de puissants tuyaux d'air frais, les centres d'entraînements sont eux à l'air libre. Par sécurité, les athlètes débutent leurs séances aux alentours de 17h mais ce n'est pas suffisant pour respirer un air convenable (minimum 35ºC ressentis). Certains chanceux peuvent s'entraîner dans les salles climatisées qui ont servi pour les championnats du monde en salle (2010). Mais là encore, la déception est au rendez-vous. Trop froides, pas assez bien réglées, trop grosse différence avec le climat extérieur, les sportifs ne sont pas dans les meilleures conditions possibles. Ces passages brutaux du chaud au froid sont une menace pour la santé des participants. Mais que va concrètement provoquer cette chaleur sur les athlètes ? Jean-François Toussaint, professeur et directeur de l'IRMES (Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport), répond à nos questions.
Yohann Diniz a déclaré en conférence de presse : "Le rythme ne sera pas élevé de toute façon sinon c'est aller au suicide" concernant l'épreuve du 50 km march qui se déroulera ce samedi soir...
Jean-François Toussaint : "Yohann Diniz a raison. C'est impossible. La température extérieure le soir est de 32ºC environ, ce qui est énorme. La température optimale pour les épreuves d’endurance, notamment le marathon, est aux alentours de 10ºC. Donc là on est à 25ºC au-dessus, dans des conditions extraordinairement difficiles. Ce sera de la loterie et ce seront les conditions d’adaptation à la chaleur qui influenceront le résultat. Pour le marathon et la marche, ce sera une épreuve de thermorégulation et non une compétition."
Ces températures extrêmes ralentissent-elles le corps ?
JFT : "Pour les disciplines comme le marathon ou la marche, c’est sûr que le record du monde ne sera pas battu cette année. Si l’athlète est dans un environnement à plus de 30ºC, le corps doit forcément s’adapter et donc suer. À ce moment-là, c’est déjà une épreuve. Plus le sportif va se retrouver confronté au climat de Doha, hors des endroits climatisés, et plus il va dépenser de l’énergie. La chaleur aura donc des effets négatifs majeurs au moment de la course. Pour les grandes distances, ce sera surtout de la loterie. Mais cela va aussi varier d’un sportif à l’autre. Les différentes génétiques, les habitudes et les origines géographiques vont moduler selon chacun."
Passer du chaud au froid rapidement multiplie-t-il les risques de pépins physiques ?
JFT : "Le plus important pour les athlètes, ce sera de gérer leur adaptation à la température. Le corps doit être suffisamment préparé. Il n’y a pas d’études ni de chiffres précis pour savoir si le risque de déchirures musculaires augmente dans ces cas-là. Ce qui sera déterminant pour les sportifs c’est leur capacité à rapidement s’adapter aux passages chaud-froid quand ils passeront de la salle climatisée à l’extérieur brûlant. Ces chocs thermiques seront très contraignants pendant toute la durée des championnats du monde. Mais les athlètes dont les épreuves sont au stade auront évidemment moins de mal physiquement."
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Comment le corps peut retrouver une température habituelle après son effort quand l'environnement est aussi étouffant ?
JFT : "Il y a trois possibilités. La première c’est avoir de l’air frais, ce qui ne sera pas le cas pour les épreuves en condition externe. C’est la solution qui a été trouvée pour les stades, avec les brumisateurs et la climatisation. La deuxième c’est de se tremper dans l’eau froide. Ce qui ne sera pas possible non plus pendant les épreuves. Enfin la troisième solution est la sueur. La capacité de sudation du corps est très importante pour trouver la bonne acclimatation. Mais dans une chaleur aussi importante que celle de Doha, ce sera quasiment impossible de trouver le bon équilibre concernant les épreuves extérieures."
La chaleur provoque des effets secondaires ?
JFT : "Pour les distances de fond, à partir de 5000 mètres, il y a une forte production de chaleur qui peut atteindre des proportions énormes. Le corps d’un marathonien par exemple peut se retrouver à 41 degrés après son effort. On se retrouve vraiment à la limite du dangereux puisque au-dessus de cette température, le corps peut connaître des perturbations majeures. Au niveau neurologique notamment, ce qui explique les malaises lorsque la température est trop élevée."
Un stade climatisé et maintenu à 24ºC, est-ce la bonne solution ?
JFT : "La problème c’est que les zones seront plus ou moins climatisées. Je ne suis pas certain que les zones fraîches ont été réparties de manière égale dans l’ensemble du stade. Si un athlète est plus proche d’une zone climatisée que l’autre, cela va fausser la performance. Ils ne seront pas tous dans les mêmes conditions selon leur couloir, ce qui pose problème niveau équité. Donc cela dépendra de l’homogénéité ou non de la température sur la piste. Si on reste autour des 24ºC pour les distances courtes comme le 100 m, cela ne posera pas de problèmes. L’idéal aurait été un stade entièrement couvert. Même si celui de Doha est partiellement abrité, il n’empêche pas l’air chaud d’entrer. Pour une température idéale, l’environnement nécessite d’être complètement fermé."
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