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Affaire FFR-Altrad : Flessel recadre Laporte et transmet la balle au procureur

Après environ trois mois d’enquête administrative, le Ministère des Sports a rendu son rapport sur l’affaire de favoritisme mettant en cause le président de la Fédération française de rugby (FFR) Bernard Laporte. Des irrégularités ont bien été constatées lors de la commission d’appel qui rejugeait les sanctions infligées à l’encontre de Montpellier, club de Mohed Altrad, par ailleurs sponsor de l’équipe de France, avec qui Laporte était sous contrat.
Article rédigé par Xavier Richard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
La Ministre des Sports Laura Flessel et le président de la FFR Bernard Laporte

Tout est parti d’un coup de fil au début de l’été. D’un côté Bernard Laporte, président de la FFR. De l’autre, Jean-Daniel Simonet, président de la commission d’appel fédérale. Une conversation qui aboutira le lendemain à la modification de l’appel qui avait pourtant confirmé le jugement de la première instance, à savoir une amende de 70.000 euros et une suspension de stade pour des banderoles hostiles à la Ligue Nationale de rugby (LNR) lors d’un match contre le Racing (22 avril). Le téléphone de Bernard Laporte a également sonné ce soir. Au bout du fil Laura Flessel, la Ministre des Sports, pour une discussion dont on ne connaît pas la teneur mais qui a dû être tendue. Malgré le pouvoir de persuasion de Laporte, elle a dû lui expliquer que sa décision était irrévocable et qu'elle passait la main au procureur de la République.

Plusieurs irrégularités constatées

Si la FFR n’a rien à craindre pour son agrément, elle n’en ressort pas blanchie. Flessel a dû rafraîchir la mémoire de celui qui était à sa place sous Nicolas Sarkozy, lui demandant de prendre des dispositions correctives pour mettre fin aux dysfonctionnements de la commission d'appel. En juin, celle-ci a fauté à plusieurs reprises. Sur le fond tout d’abord en n’appliquant pas une révocation de sursis de suspension de stade alors que le club héraultais était sous la menace d’une sanction automatique en cas de récidive. Mais c’est surtout sur la forme qu’il y a eu beaucoup d’irrégularités. Bien évidemment, le coup de téléphone de Bernard Laporte à Jean-Daniel Simonet même si le patron de la FFR conteste avoir mis la pression et demandé un allègement de peine. Suite à cela, la commission aurait dû se réunir collégialement, physiquement ou par conférence téléphonique. Au lieu de quoi, les membres de la commission se sont appelés un par un. Contacté en dernier et mis face au « retournement » de ses collègues, Philippe Peyramaure a refusé de changer d’avis et a fini par démissionner de son poste. « J'ai été avisé que le président de la Fédération était intervenu pour demander que nous modifiions notre décision dans un sens beaucoup plus favorable à Montpellier », avait-il écrit dans une lettre publiée par le JDD fin août pour justifier sa démission et alerter la presse sur les pressions exercées par Laporte.

La balle est au procureur de la République

Par ailleurs, aucune trace écrite ne subsiste des délibérations de la commission contrairement à ce qu’impose la procédure. Voilà ce que Bernard Laporte va devoir corriger en interne via "un plan d'actions" demandé par le Ministère des Sports. La suite est dans la main du procureur de la République qui va être alerté en raison d'un manque de preuves "pour connaître la teneur exacte de l'appel téléphonique" de Bernard Laporte le 30 juin dernier au président de la commission. "Un appel qui a précédé le changement de décision", indique-t-on au Ministère dans un communiqué. "La ministre va porter le rapport à la connaissance de la justice", poursuit le communiqué. Libre au procureur d’ouvrir une information judiciaire, de lancer une enquête préliminaire ou de classer l’affaire. Au vu des liens étroits qui ont été établis entre Bernard Laporte et Mohed Altrad, le parquet national financier pourrait se retrouver avec un dossier explosif sur les bras. Au moment des faits, une société de Bernard Laporte, BL Communication, avait un contrat d'image avec l'entrepreneur. Un contrat stoppé depuis. Les soupçons de favoritisme envers le MHR ne sont eux pas prêts de s’arrêter.

le plan d'actio​n de la FFR dans le détail

Préconisation 1 : Introduire dans les dispositions des règlements disciplinaires de la Ligue nationale de rugby (LNR) et de la Fédération française de rugby (FFR) la référence à la notion d’infraction de même nature pour l’application de la règle de l’automaticité de la révocation des sursis.
Préconisation 2 : Mettre en place un dispositif de suivi, partagé par la LNR et la FFR, des décisions prises par les commissions disciplinaires de première instance et d’appel, en particulier celles donnant lieu à l’application de la règle de l’automaticité de la révocation des sursis (décisions concernant les clubs et les joueurs).
Préconisation 3 : Modifier l’article 23 (alinéa 3) du règlement disciplinaire de la FFR afin de prévoir, en complément de la décision motivée et signée, la signature sur le champ, lors de la séance, par le président et le(s) secrétaire(s), d’un relevé de décision ou d’un procès-verbal de séance identifiant les sanctions prises sur chaque dossier.
Préconisation 4 : Supprimer toute communication sur les délibérés pris par les commissions disciplinaires de première instance ou d’appel, immédiatement après les réunions.
Préconisation 5 : Procéder à un toilettage complet, sous la forme d’une codification, des règlements disciplinaires de la LNR et de la FFR, afin de limiter les renvois et supprimer les redondances de dispositions.
Préconisation 6 : Mettre en oeuvre le huis clos des délibérés en demandant au juriste de la FFR de quitter la salle de la commission lors de cette phase de la procédure.
Préconisation 8 : Procéder au renouvellement intégral de la commission d’appel.

La Préconisation 7 (Etendre les dispositions de l’article 2 de la loi n°2017-261 du 1er mars 2017 aux membres des commissions disciplinaires des fédérations sportives délégataires et des ligues sportives professionnelles, uniquement pour l’obligation concernant la déclaration d’intérêt) fera l’objet d’une mise à l’étude par la Direction des sports.

Ecrit en collaboration avec Thierry Vildary

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