A Idleb, le stade des réfugiés
Lorsque l’on recherche "Stade Al Baladi" sur google maps, on tombe sur une enceinte typique du Moyen-Orient : une ceinture de pierres de 7 500 places, entourant une piste d’athlétisme et un terrain de football avec une seule tribune couverte. Une petite enceinte de province en Syrie, inaugurée en 2010, loin de faire de l’ombre aux 53 000 places du stade international d’Alep. Mais le célèbre site de cartographie ne montre pas ce que ce stade est devenu aujourd’hui : un camp de réfugiés dans une ville bombardée quotidiennement.
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Comment des tribunes de football ont-elles pu se muer en abri anti-aérien ? En réalité, inauguré en 2010, le stade Al Baladi n’a que peu connu les joies du sport. Dès 2011, la guerre civile syrienne a éclaté. De suite, Idleb est devenu un des bastions révolutionnaires face au régime de Bachar el-Assad. Depuis, la ville, un temps tenue par les djihadistes, a toujours été prise pour cible. Aujourd’hui, elle se trouve au cœur d’une escalade militaire entre la Turquie et ses alliés d'un côté, et la Syrie et les siens de l'autre.
Au cœur d'une crise géopolitique
Située au nord-ouest de la Syrie, Idleb subit ces derniers jours une vaste offensive du régime syrien. Des frappes aériennes se répètent quotidiennement, menées par l’aviation du régime et par ses alliés russes. En face, l’armée turque s’est positionnée aux abords de la ville aux trois millions de réfugiés, pour ne pas laisser l’armée syrienne s’approcher. L'objectif des Turcs : éviter un exode massif de ces réfugiés vers la Turquie. Mais après la mort de 33 soldats turcs jeudi sous les bombardements syriens, la tension est extrême autour d’Idleb. Au milieu de cette partie d’échecs diplomatique : le stade Al Baladi.
À Idleb, l’enceinte sportive n’échappe pas au conflit. Bombardée à plusieurs reprises, elle abrite aujourd’hui plusieurs milliers des quelques millions de réfugiés de la ville, sous les tribunes. Ces derniers ont afflué de tout le pays, au cours des neuf années de guerre civile. Autrement dit, le stade Al Baladi se retrouve au centre d’une crise humanitaire qui pourrait être la plus importante de la guerre en Syrie. Pourtant en avril 2018, ce stade incarnait tout le contraire : une possible éclaircie.
Un match symbolique en 2018
À l’époque aux mains des djihadistes, Idleb rénove partiellement son enceinte. Le but : organiser un match de foot entre les Casques blancs (secouristes) et l’Université d’Idleb, pour prouver "que le sport continue". "Nous avons débarrassé le terrain des fils de fer, réinstallé des fenêtres et des portes, enlevé des décombres", racontait alors à l'AFP Yehya Arja, directeur des Casques blancs d'Idleb, joueur de l'équipe.
"Ce stade, c'est la citadelle du foot dans la province d'Idleb", se réjouissait Assaad al-Assaad, un étudiant ayant fait le déplacement pour soutenir l'équipe de son université. "Sa réouverture signifie que la vie et le sport continuent, malgré la guerre". Le match a eu lieu. Mais cette éclaircie a vite été chassée par les nuages de la guerre, qui a repris ses droits dans cette zone. Aujourd'hui, le stade et ses occupants sont, à l'image d'Idleb, engagés dans un match qui les dépasse. Et dont, on espère, ils ne sortiront pas perdants.
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