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13"854, Audi signe son plus grand cru manceau

C'est un siècle encore naissant. Petit à petit, émergent les premières références, ces moments de sport qui forgent l'histoire. Les 11 et 12 juin dernier, une année après avoir battu le vieux record à la distance (5410,713 km), Audi a ajouté une nouvelle ligne à son palmarès sarthois. Celui-là fera date pendant longtemps tant la course fût incroyable. Destructrice avant d'être salvatrice pour la marque aux anneaux. Réductrice pour Peugeot, deuxième à 13"854.
Article rédigé par Xavier Richard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
 

Deux Audi détruites

Berceau d'innovations techniques. Banc d'essais grandeur nature. Il manquait un crast-test au label Le Mans. Si le Dr Ullrich avait des craintes sur la solidité de ses nouvelles R18 (avec un toit), il a vite été rassuré. Allemandes et Lionnes s'étaient lancées dans une course effrénée depuis le départ donné par le président de la FIA Jean Todt. Au cœur du trafic, les protos roulaient sur le fil. 15h51, Allan McNish payait cash son éternel excès d'optimisme. Deux dépassements en un après la passerelle Dunlop, c'était un de trop. L'Ecossais accrochait la Ferrari N.58 de Beltoise et filait droit dans le mur. Au lieu de ralentir sur les graviers, la R18 accélérait puis décollait jusqu'à se pulvériser au contact du béton. Par chance, ni le pilote, ni les commissaires de piste, ni les photographes n'étaient blessés. Quelques heures plus tard, alors que Le Mans s'enfonçait dans la nuit (22h41), une deuxième R18 tapait le rail entre Mulsanne et Indianapolis. Là encore, c'était consécutif au dépassement d'une GT qui n'avait pas respecté sa ligne. La violence du choc était telle que Mike Rockenfeller perdait conscience quelques secondes. La course était à nouveau neutralisée pour plus de deux heures. A l'arrivée dimanche, les deux tours d'horloge auront perdu 4h53 sous safety car. Heureusement, le pire était derrière Audi et "Rocky".

En livre et sur DVD
Depuis 1978, le rituel est immuable. Et pour certains l'attente insoutenable. 2011 n'échappe pas à la règle avec l'annuel des 24 Heures du Mans (49 €). A édition exceptionnelle, ouvrage exceptionnel. Depuis la reprise en main par les Editions Apach, le livre de Jean-Marc Teissedre, Christian Moity et Alain Bienvenu poursuit son dépoussiérage. Rien de cette course mythique n'a échappé à la plume et aux objectifs des auteurs.
Avant de raconter la 79e édition en détails, place à l'histoire avec les anecdotes d'un Manceau au cœur de "sa" course. Pilote en levé de rideau de la course sur un véhicule historique, Stirling Moss fait lui l'objet d'un beau clin d'œil. Le centenaire du GP de France 1911 et les 60 ans de Porsche au Mans n'ont pas été oubliés. Enfin, nous suivons les traces de Patrick Dempsey qui a fait résonner la Mazda victorieuse en 1991. Quel bruit…
La magie du Mans s'est perpétuée en 2011 avec une édition exceptionnelle et intense. Chaque fait y est méticuleusement recensé et parfaitement illustrée. Un régal pour le passionné. Bien entendu, le livre revient sur les incroyables crashes des Audi N.3 et N.1 et le duel entre les Peugeot 908 et la dernière Audi en course. Au bout du suspense, c'est la belle allemande qui s'imposera avec 13"854 d'avance sur la première Lionne. Un souffle.
Les 24 Heures du Mans 2011 sont également à revivre en DVD et Blu-ray (25 €) avec de nombreux bonus, des interviews exclusives et des tours embarqués à bord d'une Audi, d'une Peugeot et d'une Corvette.

Cinq relais pour Tréluyer

Rideau de droite fermé. Rideau de gauche fermé. Toute l'équipe Audi s'était recentrée sur la R18 rescapée de Benoît Tréluyer, André Lotterer et Marcel Fassler. Face à trois Lionnes affamées, le combat était inégal mais pas perdu d'avance. Au gré des ravitaillements, la 908 N.7, la N.9 et l'Audi N.2 s'échangeait la tête. Trente-neuf changements de leader au total ! Sous la pression constante des Peugeot, Audi échafaudait un plan diabolique. Toute la semaine, les ingénieurs et les pilotes avaient travaillé sur la consommation et l'usure des pneumatiques. Les 908 moins gourmandes à la pompe, le constructeur d'Ingolstadt misait tout sur un quintuple relai au petit matin sans changer les gommes Michelin. Tréluyer s'y collait et réussissait cet exploit sans précédent, le panache et le record du tour en prime ! « Nous avions vu en qualifications que nous pouvions faire jusqu’à cinq relais avec un set de pneus, a expliqué le Dr Ullrich après la course. C’était notre force. A la fin, on avait une crevaison à l’arrière gauche et on a décidé de finir la course comme ça. Car c’était impossible de finir devant Peugeot en faisant un arrêt de plus. Nous avons pris tous les risques. Un tour de plus et je pense qu’on n'aurait pas terminé. »

13"854

Bijou technologique, les 908 et R18 ont aussi leurs défauts, le principal étant de ne fonctionner que sur une plage assez restreinte. Après le fiasco de 2010 (ndlr : trois moteurs cassés), Peugeot avait clairement mis l'accent sur la fiabilité, quitte à perdre un peu de son habituel niveau de performance. A cela s'est donc ajouté la donnée pneumatique. Malheureux deuxième, Sébastien Bourdais raconte : "On n’a pas pu se battre jusqu’à samedi 23h00. Nous n’arrivions pas à faire fonctionner l’auto et quand on est passé en soft, on a pu leur donner une sérieuse réplique et se rapprocher. Si on avait pu avoir une course toute de nuit…" Au petit matin, Peugeot gardait espoir et, avec l'avantage du nombre, quelques leviers à actionner. Sacrifiés sur l'autel du chrono, Lamy et Minassian regardaient les copains flirter avec le trophée. Mais la R18 N.2 tenait jusqu'au bout malgré un début de crevaison. Peugeot rendait les armes. "Cette année, on a été battu par plus fort que nous, concédait le Manceau, déçu mais réaliste. Ils ont réussi ce qu’on n’a pas su faire, développer en une seule année une voiture fermée fiable et meilleure en rythme. On n’a pas à rougir. La direction avait fixé les objectifs : emmener les voitures au bout. Nous avons moins de ressource et il fallait choisir un cheval de bataille. On a opté pour la fiabilité. Objectif rempli mais il nous manque treize secondes à l’arrivée." 13 secondes sur 86.400, à peine une respiration. Un sourire pour les uns. Les larmes pour d'autres.

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