Roland-Garros 2023 : "Ici, c'est toujours le défilé, un vrai bureau de médecin", décrit le juge-arbitre Rémy Azémar en charge du casse-tête de la programmation
Dans l'ombre de la programmation des matchs à Roland-Garros depuis le début des qualifications, il est le principal décisionnaire sur l'ensemble des rencontres. À 49 ans, Rémy Azémar est le juge-arbitre du Majeur parisien depuis désormais six ans. Franceinfo: sport est allé à sa rencontre pour parler du casse-tête que représente un travail aussi attendu que commenté chaque jour par les spectateurs comme les joueurs.
Franceinfo: sport : Comment s'organise votre journée pour la programmation du lendemain ?
Rémy Azémar : C'est un long processus. Si on prend l'exemple du jeudi de la première semaine, je demande aux télévisions d'avoir les éléments dès le mardi soir pour l'ensemble de leurs demandes. Le mercredi matin, j'ai une consultation avec chacun. Les joueurs peuvent aussi demander ce qu'ils veulent mais cela ne veut pas dire que le tournoi va aller dans leur sens.
Quelles sont les demandes des différents acteurs ?
Les joueurs ont des préférences sur le terrain mais pas seulement. Ils ont des historiques de victoires ou de défaites, tout ça marque une carrière de joueur. Il y a des coachs aussi, qui ont des doléances car ils encadrent plusieurs joueurs. Les télévisions ont un pouvoir très important. La direction du tournoi a aussi son mot à dire. Les médias venant d'Asie ou d'Australie vont vouloir que leurs joueurs soient programmés en début de journée pour des raisons de décalage horaire. Quand on tombe sur des continents américains, c'est plutôt l'inverse.
Qui a le dernier mot sur la programmation finale chaque jour ?
Je suis en charge d'élaborer la programmation. Mais c'est un travail collégial. Tout d'abord avec Amélie [Mauresmo], la directrice du tournoi, avec qui il y a un vrai travail de complicité pour s'assurer qu'on fait les mêmes choix. Il y a des phases de consultation. Quand la décision est prise, on soumet la programmation au président Gilles Moretton qui a le dernier mot. On n'ira pas à son encontre.
Au-delà des demandes classiques, y a-t-il a des éléments qui entrent en compte ?
Le repos est un élément essentiel pour garder la programmation la plus équitable possible. Il faut sortir le meilleur compromis chaque jour. Ce tournoi a plusieurs diffuseurs, certains ont l'exclusivité sur certains courts donc c'est une petite machinerie à étudier chaque jour.
"Roland-Garros, c'est 891 matchs étalés sur trois semaines de compétition. Il faut sortir chaque jour une programmation qui va satisfaire le plus d'acteurs possibles, à savoir les diffuseurs, les joueurs et les spectateurs."
Rémy Azémar, juge-arbitre de Roland-Garrosà franceinfo: sport
Vous disposez d'un logiciel avec lequel vous organisez tout ça...
C'est un outil qui a été développé il y a trois-quatre ans. Toutes les requêtes des médias sont rentrées dans le système. Les enjeux, la répartition des joueurs, la fatigue. Et quand je travaille sur la programmation, j'ai des indications en temps réel. Par exemple, on est dans une phase où les joueurs peuvent parfois évoluer sur différents tableaux, et si c'est le cas, l'outil me lance une alerte pour que je programme bien les matchs. Le temps de repos est aussi calculé automatiquement par la machine.
Comment appréhendez-vous les critiques sur vos programmations ?
Ici, c'est toujours le défilé, c'est le bureau de médecin. Les demandes sont nombreuses. Ce qui est challengeant, c'est que chaque jour, on remet une pièce dans le jukebox. Les joueurs peuvent venir ici dans mon bureau pour m'en parler. Les agents peuvent aussi venir. Je suis à la disposition et il faut être diplomate. Il faut avoir une lecture. On peut être amené à faire des erreurs, on essaye de faire les meilleurs compromis. On peut sortir deux-trois programmations pour une journée !
Vous devez également vous occuper du choix des arbitres et de leur répartition...
Tous les juges de ligne et les arbitres sont désignés chaque jour. Le chef des arbitres fait ses recommandations chaque soir, sur ce qui a été prévu sur tel ou tel match, et qui me propose en fin de journée et je valide ensuite.
Les joueurs peuvent-ils influencer vos décisions ?
Ils n'ont pas de droit de regard sur les arbitres. Mais là aussi, il y a un travail d'anticipation, donc s'il se passe quelque chose, qu'il y a eu un incident auparavant avec un joueur, c'est à nous de prendre la température pour faire le choix adéquat.
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