Roland-Garros 2023 : 16 ans et déjà dans la cour des grandes, l'entrée fracassante de Mirra Andreeva
"Je ne vais pas vous mentir, la chimie je n'y comprends rien. Les maths et l'anglais, j'espère que je m'en sors pas trop mal". Elle vient tout juste de fêter ses 16 ans, l'école occupe encore une grande partie de son temps, et elle va se battre pour une place en huitièmes de finale de Roland-Garros, samedi 3 juin. Mirra Andreeva est la sensation du tableau féminin de cette édition. La jeune Russe s'apprête à vivre le premier grand moment de sa carrière face à la finaliste sortante Coco Gauff, mais ce n'est pas comme si cette dernière allait se laisser impressionner.
"Mon rêve ? 25 Grands Chelems"
"Le court Simonne-Mathieu n'est pas si grand. Pour moi, c'était confortable", s'était-elle amusée après sa victoire contre la Française Diane Parry au deuxième tour. Andreeva a été entendue. En attendant d'avoir un jour les honneurs du central, c'est sur le court Suzanne-Lenglen que la native de Krasnoïarsk a l'occasion de commencer à se faire un nom. Derrière son air poupon et l'émerveillement qui guide chacun des pas qu'elle fait dans ce monde, qu'elle vient de découvrir, se cache une grande ambitieuse.
"Mon rêve ? Je sais que Djokovic a remporté 22 Grands Chelems donc moi je dirais 25 Grands Chelems", a osé celle qui a fait ses débuts sur le circuit professionnel il y a à peine quatre mois. Des propos qui tranchent avec la communication assez lisse des joueuses de sa catégorie d'âge face aux journalistes. "Je dirais que l'important est de rester humble, livrait-elle jeudi en conférence de presse. Mon coach me dit qu'il ne faut pas que je joue les divas."
Tout diamant est à polir et c'est auprès de l'entraîneur français Jean-Christophe Faurel que la Russe s'est tournée. "Elle est assez exceptionnelle. Il ne fallait pas être un génie pour voir qu'elle avait un sacré potentiel", explique à franceinfo: sport celui qui travaille avec elle à l'Elite Tennis Center de Cannes depuis 2022, aux côtés de Jean-René Lisnard. "Elle adore les grands rendez-vous. Elle n'est pas du tout inhibée. Elle est hyper ambitieuse et a des objectifs très élevés. Mais elle aimerait jouer plus. Le système la bride au niveau des tournois", raconte Faurel.
Dans les traces de Gauff
Entre son 16e et son 17e anniversaire, tout joueur de tennis n'a le droit de disputer que 12 tournois maximum (sans compter les Grands Chelems). "Elle devrait déjà être dans les 100 premières mondiales et on est un peu obligés de ne pas se tromper sur le choix des tournois. C'est encore plus de pression pour elle à chaque fois qu'elle joue. C'est aussi un frein à sa progression parce qu'on ne progresse jamais autant que lorsqu'on joue", regrette celui qui a participé à l'éclosion de son adversaire, Gauff, qu'il a entraînée en 2019 et 2020.
Jean-Christophe Faurel voit d'ailleurs "beaucoup de points communs" entre Andreeva et son ancienne protégée, actuelle sixième joueuse mondiale : "Coco, c'était pareil. Quand elle avait des périodes de quatre ou cinq semaines sans tournoi, elle ne s'entraînait pas bien. Ça la faisait chi... Quand on a 15 ans, c'est très dur. Ce sont des joueuses qui n'aiment pas l'entraînement, mais qui adorent la compétition, surtout quand il y a du monde autour du court. Beaucoup sont des champions de l'entraînement et quand il y a match, il n'y a plus personne. Elles, elles ne lâchent jamais rien."
À l'Elite Tennis Club de Cannes, Mirra Andreeva est élevée à la dure. "On lui répète tous les jours que des gamines très fortes à son âge il y en a eu beaucoup. Elle teste beaucoup, mais elle sait qu'avec nous, la marge n'est pas trop grande. Dès qu'on sent qu'elle s'en écarte, on fait tout pour lui remettre la tête sur les épaules et on n'hésite pas à lui passer un savon." Si rien ne garantit encore qu'elle réussisse à suivre la trajectoire d'une Coco Gauff, Mirra Andreeva fait déjà mieux qu'elle au même âge à Roland-Garros (l'Américaine avait été éliminée au deuxième tour en 2020). Elle peut aussi s'inspirer de sa soeur Erika, 147e joueuse mondiale et de trois ans son aînée, sans avoir à essuyer les plâtres.
Révélée il y a seulement deux mois
Pour celle qui est née en 2007, tout est allé très vite. Avant février dernier, elle n'avait pas joué le moindre match sur le circuit professionnel. C'est après avoir atteint la finale de l'Open d'Australie juniors en début d'année, perdue au terme d'un long combat face à sa compatriote Alina Korneeva, que sa carrière a décollé. Son entrée sur le circuit WTA a tout simplement été fracassante. L'histoire retiendra qu'elle a remporté les deux premiers tournois sur terre battue qu'elle a disputés sur le circuit majeur, à Chiasso et Bellinzone en Suisse en avril.
Andreeva est arrivée à Madrid pour disputer le premier Masters 1000 de sa carrière, où ses performances ont pour la première fois touché le grand public. À un mois de Roland-Garros, la Russe s'est hissée jusqu'en quarts de finale, écartant sur son passage la Canadienne Leylah Fernandez (finaliste de l'US Open 2021), la Brésilienne Beatriz Haddad-Maia (14e mondiale) et la Polonaise Magda Linette (demi-finaliste du dernier Open d'Australie) sans perdre le moindre set. Il a fallu attendre que la n°2 mondiale, Aryna Sabalenka, se dresse sur sa route pour interrompre sa série de 14 victoires d'affilée.
"Honnêtement, elle m'a vraiment mis une belle raclée (6-3, 6-1 en 1h12 de jeu)", a reconnu l'intéressée après sa victoire contre Alison Riske-Amritraj au premier tour à Roland-Garros, qui a vécu son élimination à Madrid comme une leçon plutôt qu'un échec. Arrivée porte d'Auteuil sans avoir de place garantie dans le tableau principal, cette dernière n'a fait des qualifications qu'une simple formalité, avant d'enchaîner lors de ses deux premiers tours, remportant cinq matchs de rang sans concéder le moindre set.
Celle qui ne cache pas son admiration pour Ons Jabeur et Andy Murray n'est pas venue pour regarder et se contenter d'une première percée au plus haut niveau. "[Son jeu] n'est pas spectaculaire, mais elle a une très grosse longueur de balle. C'est assez dur de jouer un bon coup derrière. Elle joue les bonnes zones tout le temps, elle contre bien quand on en met un peu plus, et ne fait pas une faute", a analysé Diane Parry après s'être fait "marcher dessus" par Andreeva. "Je pense qu'elle a les capacités" pour remporter un Grand Chelem à 16 ans, a même osé la Française.
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