Roland-Garros 2024 : le premier rêve bleu de Varvara Gracheva à Paris
Son sourire est une éclaircie, alors que le soleil tarde à pointer le bout de son nez porte d'Auteuil. Varvara Gracheva, née russe il y a 23 ans et naturalisée en juin 2023, dispute son premier Roland-Garros pour la France, dont elle est la dernière représentante dans le tableau du simple dames. Elle affronte la jeune pépite russe Mirra Andreeva en huitièmes de finale, lundi 3 juin.
"Le vin et le fromage, ça, c’est la vie", déclarait-elle après sa qualification pour le troisième tour : il n’en fallait pas plus pour déceler son adaptation à sa nouvelle nationalité. Née à Moscou en 2000, Varvara Gracheva, arrivée à l’adolescence à Cannes pour s’entraîner à l’Elite Tennis Center, une structure privée, vit depuis huit ans en France.
Mais à Roland-Garros, quand elle a entonné La Marseillaise avec le public après sa victoire au troisième tour, c’est comme si elle avait toujours été française. "C’est un moment que je vais mémoriser jusqu’à la fin de ma vie", a confié la nouvelle chouchoute des fans tricolores, dans un français encore imparfait, mais dont les lacunes sont gommées par le grand sourire avec lequel elle répond à chaque interview.
Des premiers mois compliqués en France
Ce sourire, Varvara Gracheva ne l’a pourtant pas toujours affiché. A son arrivée à Cannes, la jeune joueuse était plutôt fermée et se plaignait sans cesse, pas franchement ravie de cette nouvelle destination, choisie par sa mère, après des escales en Floride, au Portugal et en Allemagne. "Comme beaucoup, ma mère était plutôt obsédée par le fait que je quitte le pays pour rejoindre l’Europe, pour bénéficier d’installations meilleures", racontait-elle au journal L’Equipe en avril 2023. L’acclimatation durera un an, avant que la joueuse, aux cheveux rouges à l’époque, ne se sente à l’aise sur la côte d’Azur.
Travailleuse, elle atteint la 19e place mondiale en juniors, puis entre dans le top 100 WTA en 2020 et continue sa progression sous les yeux de Jean-René Lisnard, le fondateur de l’Elite Tennis Center. "Elle est assez complète. Elle a amélioré son jeu de slice, qui était quasi inexistant il y a quelques années. Elle est capable de monter à la volée, de beaucoup mieux défendre qu’avant. Elle est en net progrès là-dessus", confie son ancien entraîneur, qui a laissé la main à Xavier Pujo.
Outre les préceptes tennistiques de Lisnard, Varvara Gracheva suit aussi son conseil de demander la nationalité française, après cinq ans passés dans l’Hexagone. "Quand vous avez des joueurs qui habitent là toute l’année, qui ne rentrent jamais dans leur pays d’origine, la question se pose et ça a du sens. C’est quelqu’un qui vit complètement en France, qui paye ses impôts en France. C’est son pays d’adoption", explique le mentor. L’épopée administrative, qui a duré trois ans, a pris fin positivement le 5 juin 2023.
Quelques jours trop tard pour Roland-Garros, mais ce n’est que partie remise. Son premier match porte d'Auteuil en tant que Française, elle l'a joué en 2024, avec une entrée en lice plus que compliquée contre la tête de série numéro 6, Maria Sakkari. Mais devant son public, Varvara Grecheva réalise l’exploit (3-6, 6-4, 6-3).
"Le sourire peut cacher un peu de nervosité"
"Ça la motive de jouer à domicile, note Jean-René Lisnard. Elle est un peu stressée, comme les autres, mais il faut juste se rappeler que si on est éliminé, tout le monde s’en fout et oublie. Mais si on fait un beau parcours, c’est que du bonus."
"Elle a toujours aimé jouer en France. Elle a de bons résultats sur les tournois français, ça prouve aussi qu’elle se sent bien ici."
Jean-René Lisnard, ancien entraîneur de Varvara Grachevaà franceinfo: sport
Celle qui pouvait autrefois connaître des coups de sang et qui était "beaucoup plus tendue" au moment de jouer ses premiers matchs avec l’équipe de France en Billie Jean King Cup, selon les dires de Jean-René Lisnard, semble désormais apaisée et sereine à Paris. "Elle semble, mais parfois, le sourire peut cacher un peu de nervosité. C’est dans son tempérament, mais au moins elle la masque et la gère mieux. Elle profite plus du moment", observe son ancien coach.
La France, "je sens de plus en plus que c’est chez moi", confirmait Varvara Gracheva après sa victoire au 2e tour contre Bernarda Pera. "De par mes origines, je ne pensais pas être acceptée comme ça, a ajouté la 41e joueuse mondiale, dont les envies de naturalisation datent d’avant l’invasion russe en Ukraine. Mais le public est incroyable avec moi, je suis vraiment fière de faire partie de cette ambiance." Elle aura de nouveau besoin de l’appui du public du court Suzanne-Lenglen, lundi, contre la jeune pépite russe Mirra Andreeva, 17 ans et déjà 38e joueuse mondiale, pour décrocher un premier quart de finale en tournoi du Grand Chelem.
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