Tokyo veut réussir
Pendant deux années de lobbying intense auprès du CIO, l'équipe japonaise a choisi pour stratégie de mettre en avant sa solidité financière et sa capacité à tenir ses promesses, parvenant à reléguer au second plan les inquiétudes liées à la situation de la centrale nucléaire de Fukushima. Selon un membre de l'entourage olympique, c'est la candidature "la moins horrible" qui l'a emporté.
Le Japon a su dissimuler ses faiblesses mieux que l'Espagne, qui misait sur le faible coût de ses Jeux et sur ses infrastructures déjà existantes, et que la Turquie, qui rêvait de devenir le premier pays majoritairement musulman à accueillir ce grand rendez-vous planétaire, à cheval sur deux continents, mais dont la situation géographique justement, et la situation géopolitique, après les manifestations anti-gouvernementales qui ont agité le pays, a sans doute faire peur aux membres du CIO adeptes de la tranquillité et de l'orthodoxie.
Tradition et stabilité...mais aussi intérêt
Le Japon, qui a déjà accueilli les Jeux olympiques d'été en 1964 à Tokyo et ceux d'hiver à Nagano en 1998, avait aussi fait valoir au CIO un an avant le vote qu'il avait déjà 4,5 milliards de dollars "à la banque". Ce qui a rassuré le CIO qui a aussi voulu envoyer un signe selon lequel la solidité financière est désormais à prendre en compte...Plus que les promesses autour de budgets jamais tenus. On l'a vu avec Londres 2012, mais aussi avec Sotchi-2014 et Rio-2016 dont les coût d'investissement et d''infrastructures s'envolent par rapport aux projections initiales. Tokyo a estimé son budget Jeux à 3,4 milliards de dollars auxquels il faut ajouter une somme de 4,4 milliards de dollars non directement liée aux Jeux. Toutefois, ne soyons pas naïfs, les intérêts ont encore une fois primés comme l'a d'ailleurs reconnu Johan Coates, membre du CIO: "C'est bien pour le mouvement olympique parce qu'une grande partie de notre soutien commercial est en Asie". CQFD.
Concernant le dossier Fukushima qui aurait pu "plomber" la candidature de Tokyo, le CIO ne s'en est guère préoccupé. Le Premier ministre japonais Shinzo Abe s'était lui-même présenté devant les membres du Comité olympique pour dissiper les inquiétudes liées à la centrale nucléaire, située à 230 km de Tokyo. Malgré les tonnes d'eau radioactive qui s'échappent chaque jour de la centrale et s'écoulent dans l'océan Pacifique, conséquence du séisme et du tsunami de mars 2011, le Premier ministre a nié l'existence d'un problème sanitaire. "Elle (la centrale) n'a jamais fait et ne fera jamais de dommages à Tokyo. Il n'y a pas eu de problème sanitaire jusqu'à maintenant et il n'y en aura pas à l'avenir. J'en fait la déclaration devant vous de la façon la plus emphatique et sans équivoque", a déclaré Shinzo Abe.
En tout cas, pour les Japonais, les jeux de 2020 pourront les aider à trouver un nouvel élan, après une passe économique difficile et surtout le séisme de 2011. Et déjà les promoteurs du projet de Tokyo ont promis "de beaux jeux" témoignant de leur envie de réussir. Au delà, d'une façon générale, les membres du CIO ont privilégié la tradition et la stabilité. Entre ce que l'on connaît et l'exploration de nouveaux territoires. Si pour le CIO, la candidature d'Istanbul était plus ambitieuse, d'un coût total de 19 milliards de dollars, elle était aussi aussi plus risquée compte tenu du manque d'expérience du pays dans l'organisation de grands événements sportifs.
Les Turcs en quête de réponse
Un argument balayé par les responsables turcs qui estiment à juste titre que, en repoussant chaque fois la candidature de leur pays, on ne l'aide pas non plus à entrer dans le cercle fermé des nations capables de prendre en mains de grosses manifestations. Le CIO préfère tourner en rond. C'est que pense les Turcs, déçus et désabusés, au lendemain de leur défaite. Et a commencé pour eux l'exercice habituel du "debrief" afin de savoir et surtout de comprendre pourquoi, une nouvelle fois, leur candidature a été rejetée. Après l'annonce du choix de Tokyo samedi, la foule a rapidement évacué la place où elle s'était réunie dans l'espoir d'une bonne nouvelle, et elle a remballé ses drapeaux. Pour commencer son examen de conscience. La rue est partagée entre ceux qui pensent qu'il s'agit d'une décision injuste, politiquement motivée par le fait que le CIO n'a pas voulu accorder les Jeux à un pays certes laïque, mais majoritairement musulman, débordant sur deux continents, et auquel par ce biais là aussi, on refuse de droit d'être considéré comme une nation majeure.
D'autres sont plus critiques à l'égard de leur propre pays et de l'image que celui-ci renvoie dans le miroir international. "Il est normal que nous n'ayons pas obtenu les Jeux par rapport à cette image", ont déclaré les opposants, mettant en avant la situation sociale tendue et surtout la violence avec laquelle la police a dernièrement réprimé les manifestations. Sans doute cela a-t-il d'avantage refroidi le CIO, de même que la guerre civile en Syrie voisine. Ce ne pouvait qu'un facteur négatif pour Istanbul. Beaucoup plus en tout cas que Fukushima.
Vidéo: Tokyo a le dernier mot pour les JO 2020
Vidéo: JO 2020, la grande joie au Japon
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