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La dernière habitante du parc olympique résiste à la construction d'un parking

A 59 ans, Marcia Lemos s'accroche au moindre espoir qui pourrait sauver d'une démolition certaine sa maison située en plein parc Olympique de Rio: un parking va bientôt être construit à sa place. Malgré les propositions financières faites par la mairie, cette femme, contrairement à ses voisins, veut toujours rester là. Mais elle sait que l'avenir ne passe pas par là.
Article rédigé par franceinfo: sport avec AFP
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
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Marcia Lemos, dernière habitante qui résiste à la destruction des maisons dans le parc olympique de Rio (YASUYOSHI CHIBA / AFP)

Quand on lui a coupé le gaz et l'électricité, elle a dû se rendre à l'évidence. Elle a bouclé ses valises et est allée se réfugier chez sa mère âgée de 82 ans, dans une banlieue lointaine de cette ville qui accueillera du 5 au 21 août les premiers jeux Olympiques d'Amérique du sud. Mais tous les deux jours, elle revient dans sa maison à la façade verte et aux portes blanches, la seule qui soit encore debout sur une centaine déjà démolies pour faire place aux installations sportives. Ses voisins de toujours ont été remplacés par les ouvriers du chantier.

"Je suis maintenant la seule habitante du parc Olympique. Tu crois qu'ils vont me laisser rester ? J'aimerais tant, mais...", demande Marcia Lemos à l'AFP. "Même s'il y a une infime possibilité, de moins de 1%, je m'y accroche. Je ne veux pas que ma maison devienne un parking", dit-elle en ajoutant qu'elle contestera tout ordre d'expulsion.

Sous escorte

Héritée de son parrain, sa maison se situe dans la favela Vila Autodromo, qui était à l'origine une communauté de pêcheurs bâtie autour d'une lagune où souffle en permanence une brise délicieuse. Du toit, on aperçoit l'endroit rasé où vivaient ses voisins encore récemment. La plupart ont passé un accord financier avec la mairie et sont partis sans états d'âme. "A beaucoup ils ont donné des millions, mais à moi ils ne m'ont offert que 900.000 reais (225.000 euros) qu'ils peuvent donner au diable... En réalité, je ne veux pas m'en aller, je suis heureuse ici", affirme-t-elle.

Elle précise que la mairie ne lui a pas proposé non plus l'un des appartements construits pour reloger les habitants expropriés de Vila Autodromo. Sur les 600 habitations d'origine - depuis de simples masures jusqu'à des maisons plus confortables avec piscine -, il n'en reste qu'une dizaine, coupées par une autoroute. La maison de Mme Lemos est désormais la seule à se trouver à l'intérieur du chantier du parc Olympique. Celle de son voisin Pedro Berto a été la dernière à être démolie mercredi. La sienne est la prochaine. C'en est fini des nombreuses fêtes et barbecues que Marcia et ses trois fils organisaient au numéro 68 de la rue, où ils ne peuvent désormais accéder que sous escorte d'un des agents de sécurité du parc.

Résignation

Si Marcia Lemos garde le moral, elle connaissait le destin de sa maison depuis que Rio a été choisie en 2009 comme ville hôte des JO-2016. "A Vila Autodromo, on voulait que la ville perde, parce qu'on savait ce qui allait se passer", confit-elle. Elle a déjà vidé la piscine et à l'intérieur de sa maison, il ne reste que quelques chaises, un frigo brûlé et des ordures éparpillées un peu partout. "Quelle tristesse de la voir dans cet état", déplore-t-elle dans un mélange de rage et de mélancolie.

Ses enfants adultes vivent chez des amis ou en couple et il ne reste dans le jardin que le coq "Tiriri", qui ne semble guère inquiet de la situation, et la tortue "Fusca". Dans peu de jours, la maison isolée devrait disparaître et, à partir du 5 août, plusieurs voitures stationneront à l'endroit où s'élèvent cocotiers et arbres fruitiers. "Je n'irai pas aux JO même si on me fait cadeau de tous les tickets du monde, je les déchirerai", lance-t-elle. Après un silence, elle enchaîne: "Puisque j'ai déjà démonté ma maison, tout ce que je veux, c'est pouvoir la remonter, revenir, vivre, mourir et être enterrée ici".

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