JO 2018 - Perrine Laffont : "20 médailles ? Carrément réalisable !"
Tout d'abord, racontez-nous votre histoire avec votre discipline... Vous avez chaussé les skis à deux ans et vous vous êtes retrouvée dans les bosses trois ans plus tard...
Perrine Laffont : "Je suis tombée dedans car c’est de famille. Mon père en faisait, mon frère aussi. J’ai suivi la famille en gros. Je ne me souviens même pas de mes débuts tellement que j’étais petite. (rires) Cela m’a plu directement. Après j’ai tenté l’alpin, mettant les bosses de côté un peu. Mais au final ça ne m’a pas plus emballé que ça, puis en alpin, pour arriver au niveau, c’est très long… Donc étant donné qu’en bosses j’avais déjà un bon niveau, la décision a été de s’engager le plus possible dans cette discipline et voir ensuite ce que ça pouvait donner… Aujourd'hui, évidemment, je ne le regrette absolument pas !"
Alors qu'est-ce qui vous transcende autant dans le ski de bosses ?
P.L. : "Et bien ça me procure juste un plaisir immense. Quand je suis arrivée en bas, je sens que je me suis fait plaisir à skier et c’est difficile à décrire ce que l'on ressent. Mais ce que font mes skis, ce que font mes jambes, ce que fait mon corps, les sauts que j’exécute, et quand je finis mon run, bah je ne sais pas pourquoi mais ça me procure du plaisir comme rien d'autre, ça me plait naturellement. C’est comme ça, je kiffe ça, j’adore ce que je fais tout simplement."
Dans quel état d'esprit êtes-vous, à deux mois des Jeux Olympiques de Pyeongchang ?
P. L. : "Je me sens plutôt bien. Assez en forme physiquement. Un peu de pression bien sûr. Dans deux mois, il va falloir être en forme, on va tout donner au départ. Mais ça va j’essaye de ne pas trop me poser de questions. J’ai déjà des épreuves de Coupe du monde à faire avant. On va faire étape par étape, avant de penser aux JO."
Comment s'est déroulée votre préparation et en quoi, en cette saison olympique, a-t-elle pu être différente ?
P.L. : "En fait, dans la globalité c’est la même chose. Il faut juste être meilleure sur les skis et du coup on a encore plus poussé les entraînements. Mais ça, c’est comme toutes les saisons au final. Dans la prépa physique, ça a été bien plus dur, plus exigeant. Sur les skis, nous avons beaucoup plus enchaîné les runs. On a beaucoup travaillé les sauts aussi. Maintenant, ce qui a surtout changé, c’est sur la prépa mentale… Les Jeux, c'est un événement qui met plus la pression. Tous les quatre ans, on a trente secondes sur lesquelles nous n’avons pas le droit de nous louper. Donc ça ne fait pas beaucoup de temps ! Du coup, voilà j’ai axé sur ça ma prépa mentale pour être prête le jour-J. L’idée est de passer outre toutes les attentes des JO pour me concentrer seulement sur ma performance sportive, et technique… Pour éviter de ne pas faire la même erreur qu’à Sochi où je m’étais d’abord concentrée sur le résultat avant de penser à ma course..."
"A 15 ans, je n'étais pas préparée à ça"
D'ailleurs, quels souvenirs gardez-vous de vos premiers Jeux Olympiques, à Sochi en 2014, alors que vous étiez la plus jeune athlète (15 ans, ndlr) de l’équipe de France ?
P.L. : "Alors Sochi, j’y suis allée comme une outsider. Je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre. Je m’attendais à quelque chose de grand évidemment, mais pas à ce point-là ! Je n’avais pas mesuré l’ampleur médiatique derrière une athlète. Surtout en faisant cinquième des qualifications… Forcément, à 15 ans, je n’étais pas préparée à ça… C’est ce qui m’a mis la pression pour la finale. Pour Pyeongchang, c'est donc totalement différent, j’arrive avec beaucoup plus d’expérience. Clairement, c’est ce manque d’expérience qui m’avait fait faute en Russie. Maintenant que j’ai découvert comment ça se passait, c’est différent, je sais ce que c’est, donc je pourrais mieux le gérer et mieux le préparer."
D'autant plus que vous disposez d'un statut diamétralement opposé : en tant que vice-championne du monde en titre, vous serez naturellement l'une des favorites pour le titre... La pression n'est plus du tout la même...
P.L. : "C'est une situation que je connais maintenant puisque la saison dernière aux mondiaux, j'étais déjà favorite. Ce qui est un peu plus dur, c'est quand les médias me demandent quelle médaille je vise. Or, moi, je n'aime vraiment pas donner de pronostic avant ma course. Car si je me plante, que je n'obtiens pas l'or alors que je l'avais annoncé, alors tout le monde va me ramasser après. Mais voilà, maintenant, je connais la situation. J'ai déjà eu ce statut, donc face aux médias, je réponds d'une certaine façon à ne pas me mettre davantage de pression. Je me décharge même le plus possible de cette pression de résultats..."
En revanche, il s'agira pour vous de canaliser vos émotions, toujours plus fortes à l'occasion d'un événement unique comme les JO...
P.L. : "En effet, on éprouve énormément d'émotions, que ce soit avant, pendant ou après l’événement. Les gens ne se rendent pas forcément compte de ce que l’on peut vivre quand on est dedans, cette pression, ces émotions, cette adrénaline que l’on peut avoir. D'ailleurs, mon partenaire l’Or dont je suis ambassadrice est venu nous filmer à l’entraînement pour capturer ces moments d'exception, d’émotions intenses et pouvoir les montrer aux spectateurs. Car, certes, ils voient notre run de trente secondes, mais ils ne peuvent pas voir toute la préparation qu'il y a derrière, en amont, ainsi que le stress ou l’adrénaline. Donc c’est beau de capturer ça. Surtout sur une saison olympique comme celle-ci où les gens vont adorer, le jour-J bien sûr, mais aussi la partie entraînement, et l’arrière de la scène comme on dit".
VIDÉO - Perrine Laffont témoigne sur ses sensations à l'entraînement
Les choses sérieuses reprennent ce week-end avec la première épreuve de Coupe du monde. Quels objectifs vous-êtes vous fixée pour cette saison marquée par Pyeongchang ?
P.L. : "Je vais me servir de cette Coupe du monde pour essayer d’avoir un gros capital confiance. Il faudra arriver aux Jeux Olympiques en pleine confiance et pas après avoir fait de mauvaises courses. Je ne veux pas avoir aucune marge d’erreur… Non, ce n'est pas possible, et justement, je vais pousser à fond pendant les Coupes du monde pour arriver en confiance. Savoir que j'ai réussi mes courses, en mettant en place ce que je voulais mettre en place, et donc n’avoir aucune raison de ne pas refaire la même chose durant les Jeux. Bref, c'est juste une façon encore de me libérer de la pression."
"Pas à l'abri d'une petite qui va arriver et tout casser"
Une sacrée lutte à trois est attendue avec l'Australienne Britteny Cox (vainqueur de la Coupe du monde la saison dernière, ndlr) et la Canadienne Justine Dufour-Lapointe (championne olympique en titre, ndlr). A quoi vous attendez-vous cette année ?
P.L. : "La saison dernière, on s'est bien battues toutes les trois. Après on ne sait jamais ce qu’il peut arriver car la saison 2016, Britteny n’avait pas fait de bons résultats alors qu’en 2017 elle a tout explosé. Donc nous ne sommes pas à l’abri d’une petite qui va arriver et tout casser aussi. Mais bon, elles restent mes premières rivales. Il y a aussi les Américaines. Des petites jeunes de 15 ans super fortes et dans quelques années, ça va accélérer en ski et prendre du niveau. Donc je ne dois pas prendre du retard car ça va pousser fort derrière. C‘est aussi une manière de se motiver à faire toujours mieux !"
Pour terminer, que pensez-vous de l'objectif annoncé des 20 médailles à Pyeongchang ? Réalisable ou pas selon vous ?
P.L. : "Oui je pense que c'est carrément faisable ! Sur les dernières saisons on a montré qu’on était là. Il faudra être fort le jour-J et comme d’habitude ne pas subir la pression olympique. Puis dans toutes les disciplines de freestyle, on peut rapporter des médailles voire même l’or, donc oui je trouve que cet objectif est carrément réalisable. C’est ambitieux mais réalisable."
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