Cazé: "Mon objectif: gagner l'or"
Les JO sont-ils vraiment différents d’un Mondial ou d’une autre compétition internationale ?
Amélie Cazé: Oui, vraiment. Pas en terme physique, parce que finalement, on nous demande la même chose. J’ai l’habitude de dire que le papier cadeau change, l’emballage n’est pas le même. Il est un peu plus gros, il y a plus de stress. Il ne faut pas se perdre là-dedans, pour rester acteur et pas spectateur. C’est le piège dans lequel on peut tomber. C’est aussi particulier car on n’a pas l’habitude de côtoyer d’autres sportifs sur de grands championnats, on ne croise pas nos adversaires étant donné que le village olympique est énorme, on voit d’autres sportifs qui ont connu exploits et déceptions. Et puis, les gens nous considèrent différemment. Il y a une atmosphère particulière.
Est-ce un avantage d’être à la toute fin des JO, le dernier jour de la quinzaine ?
A.C.: C’est plus dur à vivre. On n’a pas cette récompense d’être en première semaine puis d’encourager les autres en deuxième semaine, de vivre cette magie des Jeux. On est obligé d’attendre, on ne peut pas se réjouir des victoires des autres. Mais c’est vrai qu’on a deux semaines en plus pour se préparer. Mais après tant d’années à se préparer, deux semaines, est-ce que cela fait la différence ?
"Des choix de vie"
Douzième à Athènes, neuvième à Pékin, vous visez la médaille. Vous avez annoncé votre volonté de devenir championne olympique…
A.C.: Il ne faut pas s’en cacher. C’est un peu dans la mentalité française d’avoir peur de dire ça. Je m’entraîne tous les jours, je me mets la tête à l’envers tous les jours, ce sont des choix de vie, pas des sacrifices. J’ai eu la chance d’avoir des médailles mondiales, européennes, sur des Coupes du monde. Si je peux goûter à cet or olympique, c’est génial. Si je ne l’ai pas, j’aurais tout fait pour l’avoir. Ce n’est pas de la prétention mal placée. C’est simplement de l’ambition. Ce n’est pas parce que je le dis que j’ai la grosse tête. En France, souvent, lorsqu’on fait ce genre d’annonce, certains n’attendent qu’une chose : qu’on se plante. Ce n’est pas mon état d’esprit. Aujourd’hui, je fais les choses pour moi. Mon objectif, c’est de gagner l’or. J’ai tout fait pour, j’ai envie d’y parvenir. Mais on sera 36 à le vouloir.
Vous pensez à cet objectif depuis Pékin ?
A.C.: Non, après Pékin, je ne pensais pas à grand-chose (rires). Cette médaille, j’y pense vraiment depuis les Mondiaux en 2010 (or mondial en individuel et par équipe, or européen individuel, NDLR). J’ai prouvé que j’étais capable d’être présente, d’enchaîner les titres européens et mondiaux. Il m’en fallait plus, et plus c’est les JO.
"Les Jeux, c'est acteur ou spectateur"
Quels souvenirs gardez-vous des précédents JO ?
A.C.: Athènes, c’était vraiment la découverte. J’avais 19 ans, j’étais à Paris depuis deux ans. J’ai été surprise, je ne m’attendais pas à ce gigantisme, ce village olympique immense où tout le monde se croise. J’avais les yeux écarquillés. Je les ai un peu vécus en passagère clandestine. Je n’ai presque aucun souvenir de mes performances. C’est très flou. A Pékin, je savais à quoi m’attendre, mais cela a été une journée d’épreuves difficile. J’ai eu l’illusion de penser que j’étais prête, mais je n’y sois pas allée en ayant toutes les armes dans mon camp. Ca a été une période difficile. Ca été difficile de préparer Pékin, difficile d’y aller, difficile de faire ces Jeux.
Cette expérience va-t-elle compter beaucoup à Londres ?
A.C.: Oui, ça compte énormément car on se rappelle ce qui en fait une compétition si particulière. Je le prends comme un atout. Je sais maintenant que les Jeux, c’est acteur ou spectateur. Je me connais maintenant. Ces deux olympiades m’ont permis d’acquérir l’expérience et la connaissance de moi-même.
Quels enseignements avez-vous tiré des Mondiaux à Rome, en mai dernier ?
A.C.: De chaque compétition on en tire un enseignement. C’est vrai que cette médaille mondiale m’a échappée de peu, mais je n’y suis pas arrivée dans un état de fraîcheur extrême. Cela m’a surtout permis de voir que j’étais capable de faire de grandes choses, notamment en escrime, et cela permis de revoir mon plan nutritionnel, car j’ai souffert d’une hypoglycémie à la fin de la course.
La confiance, clé du succès
Comment vivez-vous l’approche de la compétition ? Etes-vous du genre à stresser ?
A.C.: Cela dépend de la compétition, de l’humeur, des derniers jours. J’ai la chance d’être bien entourée aujourd’hui. Cela fait dix ans que je suis à l’INSEP, dix ans que je fais du haut niveau. Je me connais, je connais mes réactions, et j’ai appris des techniques pour évacuer ce stress. Et puis, il y a du stress positif et du stress négatif. J’arrive à faire avec.
Vous avez fait un travail spécifique pour le gérer ?
A.C.: Oui, j’ai fait un travail avec une sophrologue pendant deux ans, et aujourd’hui je travaille avec une psychologue qui me permet de mieux me préparer au quotidien et de bien me préparer pour cet événement. J’ai commencé avec la sophrologue avant les Jeux de Pékin, et cela fait un an que je suis avec une psychologue, notamment suite à des blessures qui sont toujours difficiles à oublier.
Dans quel secteur se gagnera la médaille ?
A.C.: Dans les détails et plus généralement dans la confiance en soit. Oui je sais faire de l’escrime, je sais monter, je sais tirer, je sais nager, je sais courir. Mais il faut avoir confiance pour le faire ce jour-là, devant des milliers de spectateurs, des millions de téléspectateurs, devant des filles qui voudront ma peau. La médaille se joue sur la confiance, j’en suis intimement persuadée.
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