Avec le coronavirus, comment les organisateurs s'assurent-ils ?
Le coronavirus devrait aussi toucher le porte-monnaie de beaucoup d’événements sportifs. Alors que, par mesure de précaution, la très grande majorité des championnats, ligues, courses ou tournois prévus dans les prochaines semaines, ont été annulés, le marché de l’assurance annulation s’est emballé à grande vitesse. Comme ses confrères, Patrick Vadja, consultant senior chez Siaci - Saint-Honoré, est sur la brèche afin de répondre à toutes les demandes. “Depuis quinze jours, tous les assureurs ne font plus de business, ils ne travaillent que sur leur exposition aux risques.”, nous explique ce spécialiste en management des risques.
Mais alors, comment fonctionne l’assurance lorsqu’un cas aussi imprévisible que le Covid-19 vient perturber un événement ? “La seule garantie perturbée aujourd’hui par le coronavirus, c’est la garantie annulation. Elle est très chère car sur un modèle de “tout ou rien” : je prends une prime d’assurance qui va coûter 1, 2 ou 3 % selon le type d’événement et le pays où c’est organisé.”, commence Patrick Vadja. “Il y a trois types d’annulation : totale, lorsque l'événement ne peut démarrer. L’annulation partielle, où l’on va annuler une journée d’épreuve, comme lors des JO d’Atlanta en 1996. Dans ce cas, l’assureur va payer le coût induit par le fait que je vais transférer la journée au lendemain, ce qui va générer un coût en termes de perte de billetterie, de droits TV. Enfin, on a l’abandon : l’événement s’arrête au bout de plusieurs jours, et on ne le reprend plus.”
Le CIO, acteur vigilant
Une protection habituelle et souscrite par de nombreux organisateurs afin de se prémunir d’un manque à gagner immense en cas d’annulation. Mais cette assurance annulation comporte des exceptions dont certains ne souhaitent pas bénéficier. “On est sur un type d’annulation “tous risques sauf...”, qui permet d’assurer pour tout avec une liste d’exclusions. Parmi elles, certaines ne sont pas rachetables (comme la guerre atomique), mais deux autres - le terrorisme / la menace terroriste et la maladie contagieuse - peuvent l’être au moment de la signature du contrat.”, ajoute le spécialiste.
Certains organisateurs, comme le CIO, ont expérimenté des risques qui ont fait vaciller la tenue de l’événement, comme le virus Sras en 2003 ou zika en 2016 et n’hésitent plus à contracter des assurances importantes, compte tenu du risque potentiel et de la taille de leur événement. “On sait ce qu’est une épidémie et une pandémie, on a vécu la grippe espagnole et la grippe de Hong-Kong. Sur un siècle, on n’en a pas vécu qu’une. Mais le pourcentage de chance que cela survienne était relativement faible.”
"Le coronavirus sur un événement sportif aujourd’hui, ce n’est pas un aléa, c’est une certitude, il va nous tomber dessus."
Pour la coronavirus, l’épidémie a été brutale depuis un mois, avec d’abord des huis-clos, avant de décider des reports, suspensions voire des annulations pour certains événements. Comme l’explique Patrick Vajda, passée une date précise, l’exclusion de “maladie contagieuse” n’était plus disponible auprès des assureurs. “Entre le 22 et le 25 janvier, le virus a été officiellement déclaré, non pas comme pandémie, mais comme maladie se répandant très vite. C’est à cette date que les assureurs ont décidé d’exclure le coronavirus de la garantie “maladie contagieuse”. A partir du moment où la maladie est déclarée, ce n’est plus un risque, c’est une certitude. On ne peut pas assurer de la certitude, uniquement des choses aléatoires. Le coronavirus sur un événement sportif aujourd’hui, ce n’est pas un aléa, c’est une certitude, il va nous tomber dessus. Les assureurs ont le droit de ne plus souscrire de garanties de ce type. Mais tous ceux qui avaient souscrit la garantie avant la date l’ont."
Les Jeux Olympiques et l’Euro de football, deux des plus grands événements sportifs d’ici septembre, sont logiquement menacés même s’ils apparaissent encore assez loin dans le calendrier. Mais pas de crainte, ils ont tout prévu. “Les plus grands acheteurs d’annulation au monde sont le CIO, la FIFA et l’UEFA. Ils sont tous les trois correctement assurés, et suffisamment en amont. Pour le cas des JO, l'assurance contient bien entendu une garantie “maladie contagieuse”. Mais certains ne sont pas aussi prévoyants. Beaucoup d’événements, souvent plus petits, n’ont pas souhaité s’assurer contre les maladies contagieuses, l’exclusion étant très onéreuse alors que sa probabilité est très faible.
“La grosse difficulté de cette assurance annulation, c’est qu’il ne faut pas attendre. Certains événements ont été annulés alors que l’organisateur n’avait pas encore signé le contrat d’annulation. C’est très difficile dans le milieu du sport de faire comprendre qu’il faut prendre les assurances annulation. Elle coûte cher et dans 98 % des cas, elle ne sert à rien. Et quand il se passe quelque chose, on n’est pas assuré car on a trouvé ça inutile.”, constate Patrick Vadja.
Un report plutôt qu'une annulation
La cascade d’annulations a rapidement posé la question du report à une date ultérieure, mais le calendrier n’est pas extensible et le programme des athlètes paramétré pour une date initiale, et non pour l’hiver comme pourrait décider l’UEFA pour disputer l’Euro. Pourtant, que ce soit les organisateurs ou les assureurs, chacun préfère souvent un report plutôt qu’une annulation au niveau financier. “En cas de report, on va faire un calcul de perte pour savoir combien coûte le report. L’assureur va, si c’est raisonnable, payer les frais de report plutôt que d’annulation. Il y a des cas où ils sont plus chers que l’annulation, mais dans 9 cas sur 10, les frais sont beaucoup moins chers.”
Même pour les organisateurs les plus puissants, comme le CIO, le Cojo (Comité d’organisation des JO) ou l’UEFA, souscrire à l’assurance maximale représente un gouffre financier que ni eux, ni les assureurs mondiaux ne sont en capacité d’assurer en cas de sinistre. Alors comment faire ? “Si les Japonais avaient voulu assurer leur événement à 100 %, ils auraient acheté au bas mot 3 à 4 milliards, un montant qui n’existe pas sur le marché mondial de l’assurance annulation. Ils ont donc fait un calcul de “premier risque”, soit un calcul entre le risque et la prime d’annulation, qui est toujours très élevée. L’organisateur essaye donc de calculer le risque le plus envisageable. Le maximum que j’ai vu pour des JO entre 1992 et 2014, était de 220 millions. Ce "premier risque" est très nettement en dessous de la réalité du coronavirus.”, conclut le spécialiste.
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