Paris 2024 : savate, tir au pigeon, pelote basque… L’histoire olympique insolite des sports disparus des Jeux de 1900 et 1924

Article rédigé par Maÿlice Lavorel, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Certains sports, au fil du temps et de d'évolution des sociétés, ont totalement disparu des Jeux olympiques. (ANAIS FOUET / FRANCEINFO / GETTY IMAGES)
Les deux premières éditions des Jeux olympiques à Paris comportaient dans leurs programmes des disciplines aujourd'hui plus vraiment associées à l'imaginaire de l'événement, mais qui font aussi partie de l'histoire olympique.

Il y a les habituées du programme olympique, les disciplines piliers, souvent héritées de l’Antiquité. Il y a les sports qui font des entrées parfois fracassantes, souvent pour tenter de rajeunir et moderniser l’événement. Et il y a les disciplines qui ont fait un temps partie du calendrier des Jeux, avant d’en disparaître.

En 1924, les spectateurs des Jeux de Paris ont ainsi pu assister à des compétitions de polo à Saint-Cloud, ou de savate au vélodrome d’Hiver. Si l’on remonte encore plus loin, aux premiers Jeux dans la capitale, en 1900, on trouve de nombreux autres sports qui ont fait une apparition éclair au calendrier olympique : jeu de boules, concours de ballons (avec des montgolfières), pêche à la ligne… Autant d’épreuves qui ne sont, aujourd’hui, plus du tout associées à la grand-messe olympique. Un siècle plus tard, franceinfo: sport s’est intéressé à l’histoire olympique mouvementée de ces disciplines qui ont, elles aussi, écrit une partie de la légende des Jeux.

Des épreuves choisies dans un calendrier plus libre

À l’époque, la présence de ces épreuves dans le calendrier olympique répondait à différentes logiques. Elles ont notamment profité de libertés logistiques, puisqu’avant que le Comité international olympique (CIO) ne se penche sur les programmes pour les harmoniser, le choix revenait à chaque pays-hôte. "Jusqu’en 1912, le pays organisateur choisissait sa programmation. Les premières éditions étaient vraiment gérées par les pays organisateurs. Voilà pourquoi on y trouve souvent des sports régionaux", explique Sylvain Bouchet, historien spécialiste des Jeux olympiques. En 1900, les premiers Jeux à Paris comprenaient ainsi une épreuve de pelote basque, remportée par une paire espagnole.

Pour Eric Monnin, vice-président de l’université de Franche-Comté et directeur du Centre d’études et de recherches olympiques universitaires (Cérou), les programmes étaient réalisés par une certaine classe de la population, à l’image du baron Pierre de Coubertin et des congressistes qu’il avait réunis en 1894 pour lancer l’aventure olympique moderne. "C’était fait en fonction des connaissances, en fonction des personnes que l’on rencontrait, c’était presque de l’entre-soi [...] Le sport était modelé sur l’aristocratie, on va copier ce qui se passe dans le modèle des 'sportsmen' anglais. Par exemple, en 1900, on a du polo. On est en plein chez les aristocrates", raconte-t-il.

Les choix pouvaient aussi être dictés par la popularité de l’époque, avec l’idée de devoir intéresser à grande échelle. "La popularité est un critère qui a animé les Jeux olympiques dès les premières éditions, il fallait aussi répondre aux goûts du public, avance Sylvain Bouchet. Les JO, c’est une compétition, mais c’est aussi un divertissement. Il faut aller à la rencontre des gens, présenter le geste sportif, l’idéal olympique [...] C’est pour ça que le critère de popularité est important." "En 1924, on invite deux sports très français, la savate et la canne de combat", complète Eric Monnin. "Au début du XXe siècle, la boxe française est très bien implantée en France. Elle commence à s’exporter à l’international, il y a une vraie volonté de développement", abonde Hugues Relier, directeur technique national de la Fédération française de savate, choisie comme sport de démonstration en 1924. 

Sport au programme et sport de démonstration

Tous ces sports n’occupaient cependant pas la même place. Le polo, le croquet, ou le tir à la corde étaient inscrits au programme, au même titre que l’athlétisme et la natation, et ont donc produit des médaillés olympiques. Mais en 1924, la majorité de ces anciennes disciplines étaient présentes comme sports de démonstration.

Dans cette histoire des disciplines olympiques oubliées, l’édition 1900 prend une place particulière. "Je pense qu’elle n’a pas d’égal dans l’histoire olympique. À vrai dire, ce n’étaient pas des Jeux olympiques en soi, ce n’est pas vraiment Pierre de Coubertin qui a organisé ces Jeux", explique Sylvain Bouchet. Organisée dans le cadre de l’Exposition universelle et du projet porté par son commissaire général, Alfred Picard, l’édition de 1900 devait "produire du spectacle, de la fête, il fallait être universel, intégrer la singularité et le particularisme de l’exercice physique".

Elle a donc fait la part belle à de nouvelles épreuves qui se sont retrouvées, le temps de quelques semaines, associées aux Jeux. La liste est étonnante : épreuves de tir au pigeon vivant, au canon, dans l'esprit militaire ; concours de montgolfières, où le vainqueur de l’épreuve de distance est allé jusque dans le centre de l'actuelle Pologne ; nage avec obstacles, au-dessus puis sous des barques, lâchers de pigeons (colombophilie), à Vincennes...

Une mise à l'écart pas forcément définitive

Mais ces disciplines ont ensuite disparu du programme olympique, notamment pour des raisons de calendrier. "Les Jeux se sont assez rapidement fixés à quinze jours de compétition et, forcément, on ne peut pas tout faire [...] La temporalité a obligé à faire des choix", affirme Sylvain Bouchet. Des choix qui se portent avant tout sur les sports en connexion avec l’Antiquité, de la lutte à l’athlétisme, toujours présents au programme.

Le tir au pigeon a été un sport olympique. (ANAIS FOUET / FRANCEINFO / GETTY IMAGES)

"La savate était un sport de démonstration, donc elle n’avait pas vocation à rentrer dans le programme des Jeux", rappelle de son côté Hugues Relier. Mais la discipline a aussi connu "un long déclin après la Première Guerre mondiale. Ça l’a un peu fait disparaître de la scène internationale". Car la disparition peut aussi s’expliquer par la perte d’influence et de popularité. "Des critères liés au nombre de licenciés se sont imposés : il faut que le sport soit suffisamment universel", note l'historien. Quant aux épreuves spéciales de l’Exposition universelle, très critiquées par Pierre de Coubertin, elles sont restées un symbole de cette édition 1900 et ne sont pas considérées aujourd'hui comme sports olympiques.

"Au total, en 1900, il y avait 34 disciplines. Après coup, le CIO n’en a validé que 15. C’est la même chose pour le nombre de participants, il y en avait presque 60 000, mais avec cette réduction, on est autour de 1 000 sportifs olympiques."

Sylvain Bouchet, historien

à franceinfo: sport

Pour certaines disciplines, l’héritage olympique reste tout de même entretenu. "Cette année, toute notre communication est ancrée autour des 100 ans des sports de démonstration aux Jeux olympiques de 1924", annonce Hugues Relier. La Fédération française de savate, 50 000 licenciés en 2015, va ainsi participer à de nombreux événements avant et pendant les Jeux olympiques de Paris. En parallèle, elle a aussi mené un travail de reconnaissance auprès du CIO, indispensable pour prétendre entrer au programme des Jeux. 

Car les places ne sont pas définitivement arrêtées et des épreuves disparues pourraient bien un jour faire leur retour. La Confédération mondiale des sports de boules avait ainsi lancé une candidature pour trois disciplines (boule lyonnaise, pétanque et raffa volo) comme sports additionnels invités à Paris cet été. "On voit que des disciplines entrent et sortent [...] ça donne un peu d’espoir pour d’autres, estime Sylvain Bouchet. Tout n’est pas figé, même s’il y aura plus de déceptions qu'autre chose."

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