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Michaël Jeremiasz : "Avoir des athlÚtes en situation de handicap en entreprise banalise la présence de collaborateurs handicapés"

Quadruple médaillé aux Jeux paralympiques en tennis fauteuil, Michaël Jeremiasz explique pour franceinfo: sport l'importance de l'emploi pour les sportifs de haut niveau en situation de handicap.

Article rédigé par Clément Mariotti Pons, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Michaël Jeremiasz au palais de l'Elysée lors de la cérémonie en l'honneur des médaillés olympiques et paralympiques des Jeux de Tokyo 2021, le 13 septembre 2021. (ARNAUD JOURNOIS / MAXPPP)

À l'occasion de la semaine europĂ©enne pour l'emploi des personnes handicapĂ©es du 15 au 21 novembre, MichaĂ«l Jeremiasz, membre de la commission des athlĂštes Paris 2024 et mĂ©daillĂ© Ă  quatre reprises aux Jeux paralympiques (2004, 2008, 2012), analyse pour franceinfo: sport l'Ă©volution de la situation pour les sportifs de haut niveau en situation de handicap. Selon lui, les choses changent, avec des entreprises davantage conscientes du potentiel de ces champions et de ce qu'ils ou elles peuvent apporter au sein de leur structure. Mais le travail de reconnaissance reste long.

Franceinfo: sport : Est-ce aujourd’hui plus facile de concilier son travail et son activitĂ© de sportif de haut niveau quand on est en situation de handicap par rapport Ă  vos annĂ©es d'activitĂ© (2001-2016) ?

MichaĂ«l Jeremiasz : Il y a une vingtaine d'annĂ©es, la question du double projet Ă©tait confidentielle. Peu d'athlĂštes se posaient la question de ce qu'ils allaient faire aprĂšs leur carriĂšre sportive, Ă  leur reconversion professionnelle. C'est ce qui a menĂ© Ă  beaucoup de situations dramatiques, avec des athlĂštes en situation de grande prĂ©caritĂ©. Depuis 10 ans, cette question est davantage prise en compte. La plupart des sportifs olympiques et paralympiques ne vivent pas de leur sport, donc c'est devenu une nĂ©cessitĂ©. C'est toujours compliquĂ© de concilier les deux, surtout parce que si l'on veut ĂȘtre les meilleurs, il faudrait pouvoir pratiquer uniquement notre sport. Aujourd'hui vous avez des sports amateurs, pourtant prĂ©sents aux JO et aux Paralympiques, oĂč l'on est obligĂ©s de se lever plus tĂŽt le matin, d'aller s'entraĂźner entre midi et deux, et le soir aprĂšs une journĂ©e de boulot. C'est Ă©videmment compliquĂ© et certains explosent en plein vol. Maintenant il y a plus d'argent investi dans le sport, et cela permet aux athlĂštes de pouvoir aborder plus facilement leur carriĂšre sportive.

Michaël Jeremiasz et Stéphane Houdet sur le podium des Jeux paralympiques de Beijing, le 15 septembre 2008, aprÚs leur victoire en finale du tournoi de doubles de tennis fauteuil. (FREDERIC J. BROWN / AFP)

Il y a un enjeu d'accompagnement qui est Ă©galement central...

Absolument, c'est tout l'enjeu pour les athlĂštes qui finissent leur carriĂšre. Le fait d'avoir un diplĂŽme n'est pas essentiel. Si je prends mon cas personnel, j'ai fait mes Ă©tudes avant d'ĂȘtre joueur de tennis, puis un peu pendant. Mais les plus grandes compĂ©tences que l'on peut acquĂ©rir quand on est sportif, c'est toute la richesse de notre parcours pendant une quinzaine d'annĂ©es au haut niveau. L'enjeu est d'avoir des bilans de compĂ©tence affinĂ©s pour les sportifs de haut niveau. On n'a pas juste couru vite, sautĂ© haut ou tapĂ© fort dans une balle jaune, c'est bien plus complexe et multiple.

"Les athlÚtes capables de rendre intelligibles ce qu'ils ont expérimenté pendant 15 ou 20 ans, c'est un vrai atout pour une boßte"

On a l'impression que les entreprises prennent davantage conscience de tout cela, que beaucoup sont plus volontaristes pour s'attacher les services de sportifs de haut niveau, y compris en situation de handicap...

Depuis longtemps les entreprises sont conscientes de ce potentiel, et maintenant cela s'est complÚtement démocratisé. Avec Paris 2024, il y a une accélération sur l'envie de travailler avec des athlÚtes sur l'image, sur l'exploitation de ses compétences, la capacité à rebondir, à gérer le stress, à travailler en équipe, à affronter l'adversité, le leadership, la performance... Quand les athlÚtes sont capables de rendre intelligibles ce qu'ils ont expérimenté pendant 15 ou 20 ans, c'est un vrai atout pour une boßte. 

Ce qui est réalisé au niveau sportif pour les athlÚtes handisport a-t-il des répercussions pour les personnes en situation de handicap, à travers notamment une meilleure visibilité ?

C'est trĂšs difficile Ă  mesurer. Ce qui est sĂ»r c'est que de plus en plus d'athlĂštes paralympiques sont demandĂ©s pour faire des confĂ©rences, sont sponsorisĂ©s... Cela ne suffit pas Ă  financer la saison d'un athlĂšte de haut niveau, mais c'est une aide qui n'existait pas il y a encore quelque temps. Il y a aussi des aides personnalisĂ©es avec l'Agence nationale du sport (ANS). On a plus d'outils que jamais pour ĂȘtre performant. Et en entreprises, avoir des athlĂštes en situation de handicap qui viennent travailler, qui font bien le job, cela va donner des idĂ©es aux recruteurs pour qu'il y en ait d'autres, qui ne soient pas forcĂ©ment sportifs de haut niveau. C'est une façon de banaliser la prĂ©sence de collaborateurs handicapĂ©s dans l'entreprise.

Michaël Jeremiasz militant pour la candidature de Paris pour les Jeux olympiques de Paris 2024, le 14 décembre 2015. (PHILIPPE MILLEREAU / KMSP/DPPI)

Vous avez créé avec votre épouse et votre frÚre l'association Comme les Autres il y a 10 ans, qui a pour objectif d'aider les personnes handicapées à se reconstruire. Pourquoi le sport est-il l'un des principaux moteurs de cette reconstruction ?

Quand on a créé l'association, on s'est dit qu'on avait identifié les outils qui permettent de rebondir aprÚs un accident de la vie. L'idée, c'était de les mettre à disposition des personnes qui ont vécu ces accidents. Et le sport est un formidable outil, notamment dans un enjeu d'autonomie. C'est l'une des premiÚres choses que l'on fait en centre de rééducation, il intervient tout de suite pour pouvoir se déplacer. Et en termes de confiance en soi, d'image de soi, d'indépendance, de création de lien social, le sport apporte tout cela. Ensuite, une fois qu'on a commencé ce travail d'accompagnement, l'idée est de ré-accéder à la citoyenneté pleine et entiÚre et l'un des outils est le travail. Il nous donne une autonomie dans nos choix personnels et diffuse un grand sentiment d'utilité. Depuis 10 ans, c'est l'un de nos axes principaux, on a accompagné plus de 800 personnes. On veut encore accélerer la transition vers un retour à l'emploi ou un accÚs à l'emploi. C'est déterminant pour maintenir un équilibre psychologique.

Vous ĂȘtes Ă©galement membre de la commission des athlĂštes pour Paris 2024. Quel est votre rĂŽle et comment fonctionne-t-elle ?

La commission est mixte, entre hommes et femmes mais aussi entre sportifs valides et handicapĂ©s. On se rĂ©unit et on se fait challenger par les Ă©quipes de Paris 2024 sur tous les sujets qui concernent le parcours athlĂštes. On peut parler d'accessibilitĂ©, de nourriture, de literie, d'Ă©vĂ©nements sportifs, de mĂ©dias, de sĂ©curitĂ©... Tout ce qui concerne les athlĂštes. La commission a juste vocation Ă  s'assurer que les Jeux soient organisĂ©s avec rigueur et engagement. AprĂšs, on sait trĂšs bien que l'organisme payeur est le CIO et que c'est d'abord les Jeux olympiques et ensuite les Jeux paralympiques. À part peut-ĂȘtre Londres en 2012, aucun pays n'a rĂ©ussi Ă  les mettre sur un mĂȘme pied d'Ă©galitĂ©.

Comment expliquez-vous cela ?

C'est toujours pareil : la visibilitĂ©. Il faut en parler, montrer le parasport toute l'annĂ©e, parler du handicap avec la juste approche, ne pas ĂȘtre dans le misĂ©rabilisme ou dans le concept de super-hĂ©ros. Il faut arriver Ă  une banalisation de la diffĂ©rence en en parlant normalement, comme les autres. C'est un gros enjeu, pas que mĂ©diatique mais aussi au niveau du lĂ©gislateur et dans la vie de tous les jours.

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