Paris 2024 - Petites histoires des Jeux : Eric Moussambani, les 100 mètres les plus longs de sa vie

A quelques mois du début des Jeux olympiques, franceinfo: sport vous plonge dans les petites histoires qui font la grande histoire des Jeux. A l'image de celle d'Eric Moussambani, auteur du 100 m nage libre le plus lent de l'olympisme, mais qui a marqué les esprits.
Article rédigé par Julien Lamotte, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4min
Eric Moussambani au départ de sa série de qualification du 100 m nage libre, le 19 septembre 2000, à Sydney. (ANTONIO SCORZA / AFP)

Dans les épreuves de natation masculine aux Jeux olympiques de Sydney, en 2000, il y avait l'idole nationale, Ian Thorpe, le Néerlandais Pieter van den Hoogenband, auteur du doublé sur 100 m et 200 m, un jeune Américain de 15 ans nommé Michael Phelps... et Eric Moussambani, de la Guinée équatoriale.

Ce dernier ne rejoindra jamais les autres au panthéon de la discipline. Pas plus qu'il ne postulera au casting du prochain Aquaman. Mais, par son courage autant que par sa rocambolesque aventure, il aura marqué l'histoire des Jeux.

Itinéraire d'un enfant égaré 

Les circonstances qui ont conduit Eric Moussambani, 22 ans, sur ce plot de départ sont dignes d'un roman. Mais pas à l'eau de rose. Plutôt au chlore. L'incipit pourrait être ce rendez-vous, un matin, dans un hôtel de Guinée équatoriale, où il répond à un appel de sa fédération, désireuse d'envoyer des nageurs à Sydney, et où il est le seul à se présenter.

Ce roman, c'est aussi ces entraînements dans une piscine de 20 mètres de longueur (il ne découvrira les bassins olympiques de 50 mètres qu'en Australie) et l'apprentissage d'un sport qu'il n'a découvert que huit mois auparavant. Et c'est enfin le jour J, cet entraîneur sud-africain qui lui prête un maillot et des lunettes, lui qui est arrivé à la piscine olympique en short de bain. 

Les images ont beau avoir été vues et revues, elles ont gardé leur caractère à la fois surréaliste, drôle, épique et émouvant. La série du 100 m d'Eric Mousambani à Sydney, le 19 septembre 2000, c'est tout ça à la fois. On y redécouvre un homme qui s'élance seul de son plongeoir, les deux autres concurrents qui devaient partir avec lui ayant été disqualifiés pour faux départ, puis qui se bat contre l'élément liquide pendant 100 mètres qui lui en paraissent 1 000. 

Le public, interloqué par ce spectacle, semble d'abord croire à une farce. Il est secoué de rire, avant de se reprendre et de magnifiquement encourager le nageur. Ce dernier, qui crawle sans mettre la tête sous l'eau, lutte contre l'épuisement et la noyade pour, finalement, toucher le plot de la délivrance. Son temps ? 1'52''72. Plus du double des temps réalisés par les nageurs qualifiés pour la finale. Au-delà de l'émotion et de cette marque, la plus lente jamais enregistrée aux JO, l'histoire se poursuit. 

"Eric l'anguille"

L'après-course est en effet un conte. Symbole vivant de la devise de Pierre de Coubertin, Moussambani est aussitôt propulsé au rang de star, bien malgré lui, de ces Jeux. Il y gagne un surnom, "Eric l'anguille", et une renommée inespérée pour son pays, sur qui la lumière des JO ricoche. "J’ai fait beaucoup de publicités au Japon et en Australie. J’ai voyagé, répondu à de nombreuses invitations des fédérations de plusieurs pays, de nombreuses interviews dans le monde", se souvient-il dans un entretien accordé à l'AFP. 

La fable aurait pu s'arrêter là, mais le jeune homme est un obstiné. Quatre ans plus tard, il est de nouveau candidat pour les JO d'Athènes. Il s'est entraîné dur pendant cette olympiade et réalise désormais des chronos honorables sur 100 m. Hélas, une erreur administrative de sa fédération, qui perd la photo de son passeport, le prive de cette seconde chance. 

Eric Moussambani, devenu star des Jeux olympiques de Sydney, pose devant l'Opéra, le 21 septembre 2000. (ROB GRIFFITH / AFP)

"Eric l'anguille" n'en a pas tenu rigueur à ses responsables, puisqu'il est aujourd'hui sélectionneur national de la Guinée équatoriale."Je travaille pour que notre pays ait de bons nageurs, en leur apprenant les fondamentaux dès le plus jeune âge. Eux, au moins, ont la possibilité de voir et de s’entraîner dans des piscines olympiques", ajoute-t-il malicieusement dans Le Monde. Ses nageurs ne rapporteront certainement pas de médailles d'or aux Jeux olympiques de Paris. Mais, vingt-quatre ans après, ils auront pris le sillage d'Eric Moussambani. Un sillage pas très rapide, mais profond. 

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