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JO 2021, au cœur de la culture japonaise : pourquoi l'univers de Hayao Miyazaki parle à tout le monde

Le maître de l'animation japonaise a su dépasser les frontières de l'archipel pour s'adresser au monde, devenant l'une des références absolues.

Article rédigé par franceinfo: sport - Guillaume Poisson
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Princesse Mononoké (1997), l'un des chefs-d'oeuvre d'Hayao Miyazaki. (GHIBLI / TOKUMA / COLLECTION CHRISTOPHEL VIA AFP)

Hayao Miyazaki est le maître de l'animation japonaise. Mais il est aussi l'un des cinéastes d'animation les plus populaires en Occident, où ses films sont quasiment aussi vénérés qu'au Japon, et concurrencent sans rougir les monstres Disney et Pixar. Ce mondialisme s'explique entre autres par son univers, où les références occidentales sont innombrables.

La "magie" de Miyazaki. Ceux qui n'ont jamais vu ses films ont donc au moins entendu parler du génie de ce vieil homme à l'âme d'enfant. Hayao Miyazaki ensorcelle. Les enfants. Les adultes. Les Japonais. Les Français. Son pouvoir est omniscient et universel. L'aura de ses films d'animation dépasse largement les frontières nippones. À peu près 50% des recettes du Voyage de Chihiro, son plus grand succès, viennent ainsi de l'étranger (principalement des États-Unis et de la France) sans qu'il n'ait jamais renié l'essence profondément japonaise de son cinéma. Mais la réussite mondiale de ses onze films d'animation est-elle vraiment le fruit d'un sortilège ? Pas vraiment. La baguette magique de Miyazaki a ses secrets. Tentons de les décortiquer.

Nausicaa de la vallée du vent (2006). (NIBARIKI / TOKUMA SHOTEN / COLLECTION CHRISTOPHEL VIA AFP)

De Nausicaa à Colmar

Il a d'abord fallu que les frontières gauloises s'ouvrent à l'envahisseur. Car la sacro-sainte culture française n'a pas toujours été très poreuse. Si les années 1970 marquent l'avènement du manga chez les jeunes français (avec les mythiques Goldorak et Albator), la culture institutionnelle reste quant à elle très fermée au Japon. Les dessins animés nippons sont associés à la violence. Les films de Hayao Miyazaki aussi. Nausicaa de la vallée du vent, au début des années 1980, passe inaperçu, si ce n'est auprès d'un public confidentiel. Ce n'est qu'en 1998, après l'oscar du meilleur film étranger décerné à Princesse Mononoké, son 7e film, que Hayao Miyazaki pénètre vraiment l'imaginaire national. Les années 2000 sont celles du grand rattrapage, où les salles françaises vont se ruer sur ses productions, inédites (Le Voyage de Chihiro, Ponyo sur la falaise) ou anciennes (tous ses premiers films sortent enfin en salle).

Mais l'histoire d'amour entre le public français et les héros de Miyazaki n'est pas que le froid résultat d'une ouverture institutionnelle. L'alchimie relève plus de l'inconscient. Il y a d'abord un univers bien plus familier qu'on ne le croit. Certes, la plupart de ses films, de Kiki la petite sorcière au Vent se lève, se passent au Japon ou dans un monde imaginaire très proche de l'archipel asiatique.

Mais prêtez une attention particulière aux détails. Qui sait, parmi ses plus grands admirateurs, qu'Hayao Miyazaki s'est largement inspiré de l'Est de la France pour son film Le Château ambulant ? Le château lui-même est une libre représentation du château du Haut Koenigsbourg en Alsace, tandis que les aires urbaines s'inspirent grandement de Colmar et des villages alentour. "Hayao Miyazaki aime beaucoup voyager, particulièrement en Europe, explique Raphaël Corson, auteur de Hayao Miyazaki, cartographie d'un univers. Et quand il voyage, il emmène toujours son calepin et son crayon, pour dessiner ce qu'il voit", ajoute-t-il.

"Mon voisin Totoro" (1988) d'Hayao Miyazaki. (ARCHIVES DU 7EME ART)

La ville que Kiki la petite sorcière arpente, perchée sur son balai, renvoie directement aux rues colorées de la vieille ville de Stockholm, Gamla Stan. La vallée de Rhondda, au Pays de Galles, rappelle très clairement le village natal de Pazu dans Le Château dans le ciel. De tels exemples abondent, car "Miyazaki est un cinéaste de l'ailleurs, rappelle Raphael Corson. La géographie de ses films, à la fois japonaise et extra-japonaise, contribue à l'aspect universel de son cinéma".

Miyazaki puise dans des légendes que l'on connaît tous

Une jeune fille traverse un tunnel et arrive dans un lieu imaginaire où ses parents sont transformés en porcs et où une sorcière menace tout le monde. Alice aux Pays de Merveilles ? Oui. Mais c'est aussi Le Voyage de Chihiro. Lewis Caroll a-t-il influencé Hayao Miyazaki ? Celui-ci s'en défend, même s'il admet avoir admiré l'auteur britannique. Mais, Alexandre Mathis l'explique dans son livre Un Monde parfait selon Ghibli, Miyazaki a "toujours cherché à mélanger les influences issues de son archipel à une culture plus occidentale, visant à rendre son oeuvre plus universelle".

"Le voyage de Chihiro" (2001) d'Hayao Miyazaki. (ARCHIVES DU 7EME ART)

Le Château ambulant est une adaptation d'un roman britannique Le Château de Hurle, et les vaisseaux qui y volent ont été dessinés par l'illustrateur français Robert Berida au début du XXe siècle. Les clins d’œil à des œuvres occidentales sont nombreux. Dans Le Vent se lève, on trouve une séquence entière (celle qui a lieu dans l'hôtel) faisant référence au roman de l'Allemand Thomas Mann, la Montagne magique ; et "Le vent se lève ! Il faut tenter de vivre" est un vers du "Cimetière marin" de Paul Valéry. Il apparaît à plusieurs reprises dans le film testamentaire de Hayao Miyazaki.

Le cinéma de l'ailleurs, le cinéma pour tous

Mais au-delà de son univers et de ses références, c'est le propos de Miyazaki qui, au fil de ses films, a tissé une toile si large et complexe qu'elle en est devenue transfrontalière. Que nous raconte-t-il, finalement, sur ses onze longs-métrages ? "Il nous parle d'exil", estime Raphaël Corson. D'un ailleurs : "Il y a toujours un point de départ que les protagonistes quittent. Ils partent en voyage, franchissent des obstacles, avant de finir par s'installer de nouveau". L'histoire d'un exil que Chihiro n'achève qu'une fois qu’elle s’installe dans ce nouveau monde hostile, l'histoire d'un voyage que Kiki entreprend et qui aboutit dans sa cabane, l'histoire d'une quête dans le Château ambulant pour Sophie qui se conclut dans son manoir. L'issue est toujours la même : le jardin secret, le refuge, le lieu où l'on s'enracine de nouveau.

Or quoi de plus universel en 2021 que le besoin - ou non - de racines ? Japon, France, États-Unis : l'enjeu est le même, et c'est Miyazaki lui-même qui le formule de la plus belle des manières : "Dans cette époque sans frontières, les hommes, qui ont perdu tout lieu d'ancrage, sont toujours plus délaissés. Ce lieu d'ancrage se trouve dans le passé, dans l'histoire. Je crois vraiment que les hommes sans histoire, qui oublient leur passé, sont condamnés à disparaître telles des ombres évanescentes".

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