Gymnastique aux JO de Paris 2024 : on vous explique pourquoi la 4e place de Samir Aït-Saïd n'est pas scandaleuse
"J'ai été très surpris de la note. Après, il va falloir que je fasse attention à ce que je vais dire... Beaucoup de mes concurrents sont venus me voir en me disant 'franchement, je suis désolé, je ne comprends pas'." À l’issue de la finale des anneaux, où il a terminé à une frustrante quatrième place, le Français Samir Aït-Saïd a ouvertement questionné la note attribuée à son mouvement par les juges.
"Samir est noté 15 avec une note de départ à 6,1. Il n'a écopé que de 1,1 point de faute en exécution. C'est une très belle réalisation. Il n'a pas à rougir de sa place. Le Grec est peut-être un poil moins bon en netteté, mais il est parti avec deux dixièmes de plus en note de départ", analyse Hamilton Sabot, médaillé de bronze aux barres parallèles en 2012, qui juge qu'il n'y a pas matière à débat.
"La gymnastique s'objective de plus en plus. Mais tant que les juges ne seront pas des robots, cela restera un sport de jugement, donc sujet à des litiges."
Hamilton Sabot, consultant pour France Télévisionsà franceinfo: sport
Dans un sport noté par l'humain, la critique n'est pas nouvelle. "Il y a toujours des étiquettes, comme quoi tel juge est strict", constate Nicolas Tordi, juge international de gymnastique artistique masculine, qui ne voit "aucune polémique" dans le score de Samir Aït-Saïd. Il rappelle que les athlètes ne savent pas qui attribue quelle note, alors qu'auparavant un drapeau s'affichait au-dessus de chaque note. "Cela a été enlevé pour éviter les pressions sur les juges. Mais avec les rapports qui existent, et si vous prenez des photos, vous pouvez déduire qui note quoi", glisse le spécialiste.
Une codification précise
Auparavant jugée sur 10, la gymnastique a vu son système de notation totalement transformé en 2005. Le sport est désormais normé par un riche code de pointage, révisé tous les quatre ans, où figurent les valeurs de difficulté de chaque figure, mais également les déductions selon les erreurs commises.
Sur chaque agrès, les gymnastes sont notés par deux jurys différents. L'un se concentre sur la difficulté, l'autre sur l'exécution. "Le jury de difficulté va dire s'il reconnaît ou non l'élément inscrit dans le code. Celui d'exécution indique s'il y a des pénalités à déduire sur la figure, vulgarise Stéphane Miquel, juge international de gymnastique artistique féminine. Sur la note d'exécution, on part de 10 et on enlève des points. Sur celle de difficulté, on part de zéro et on en ajoute selon la valeur des éléments." Sur une compétition internationale, sept juges composent le jury d'exécution, deux pour celui de difficulté.
Outre une prestation de serment, les instances ont multiplié les garde-fous pour garantir au maximum l'impartialité. "Nous sommes évalués à chaque compétition importante. Ces évaluations servent à faire un classement des juges sur l'ensemble du cycle olympique", détaille Stéphane Miquel. Des sanctions peuvent tomber si un biais est observé. Et les juges repassent un examen tous les quatre ans.
Des juges de juges
A partir du classement établi, la Fédération internationale de gymnastique convoque ses meilleurs juges pour les Jeux olympiques, avec un représentant maximum par nation. "Pour les finales par agrès, on ne peut pas juger si une ou un gymnaste de notre pays concourt, même en tant que réserviste. En revanche, en finale par équipes, c'est possible", ajoute Nicolas Tordi. Le jour J, un tirage au sort est réalisé pour déterminer quel juge d'exécution siégera parmi ceux disponibles.
En plus, sur les sept notes d'exécution, les deux plus hautes et les deux plus basses ne sont pas comptabilisées. Sans se concerter, "les juges d'exécution ont vingt secondes pour donner la note. On leur demande de l'automatisme, il n'y a pas de réflexion", explique Nicolas Tordi. De leur côté, les deux juges de difficulté peuvent échanger. Leur note doit ensuite être validée par le superviseur, qui garde également un œil sur celles d'exécution.
L'intelligence artificielle au soutien des juges
"S'il n'est pas d'accord. Le superviseur peut faire appel au jury supérieur pour demander la vidéo", détaille Nicolas Tordi. D'où parfois la longue attente pour voir la note sortir. L'athlète aussi a un droit de regard, mais seulement sur la note de difficulté. Il peut déposer une requête qui sera étudiée par le jury supérieur et le superviseur de l'agrès.
Depuis quelques années, lors de décisions litigieuses et des requêtes, les juges peuvent utiliser un système d'aide au jugement développé par Fujitsu, à partir de caméras et de l'intelligence artificielle. Peuvent ainsi être vérifiés les angles des figures ou encore la durée durant laquelle l'élément a été tenu.
Faudrait-il que les juges utilisent ces outils pour noter en première intention ? "Si on confie la notation de la gym à un outil électronique comme en athlétisme, on ne sera plus dans une dimension artistique. Qui dit artistique, dit émotions et sensations humaines", tranche Nicolas Tordi. Le juge pointe surtout l'importance pour les gymnastes d'utiliser désormais ces outils dans leur entraînement pour gagner en précision.
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