Athlétisme aux JO de Paris 2024 : champion d'Europe pour la Suisse, Dominic Lobalu court après une médaille olympique pour l'équipe des réfugiés

Originaire du Soudan du Sud, le coureur porte le maillot de son pays d'adoption aux Mondiaux et aux Europe. Mais faute de passeport helvète, il participe aux Jeux dans l'équipe olympique des réfugiés.
Article rédigé par Anaïs Brosseau
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
La joie de Dominic Lobalu après son titre européen sur 10 000 m, le 12 juin 2024, à Rome. (DANIELA PORCELLI / SPP/SIPA USA)

"A Paris, je courrai pour tous les réfugiés dans le monde, mais aussi avec la Suisse dans mon cœur." Engagé dans les séries du 5 000 m, mercredi 7 août (à partir de 11h10), Dominic Lobalu se trouve dans une situation sportive aussi atypique que sa trajectoire. Fin juin, il a confirmé sa présence dans l'équipe olympique des réfugiés... moins de deux semaines après son titre européen sur 10 000 m et sa médaille de bronze sur 5 000 m sous drapeau suisse, pays où il réside depuis 2019.

Dominic Lobalu refuse de représenter son pays de naissance, le Soudan du Sud, où sont morts assassinés ses parents. Et l'athlète de bientôt 26 ans ne peut pas demander la nationalité helvète avant 2031, la Suisse étant très stricte en matière de naturalisation. S'il a obtenu, au terme d'un long combat juridique, le droit de participer aux compétitions internationales sous le maillot rouge et blanc depuis le 15 mai dernier, l'autorisation ne vaut pas pour les JO. Le Comité international olympique (CIO) exige en effet la possession d'un passeport. Désormais reconnu comme réfugié en Suisse, après avoir été un "admis provisoire", le coureur n'avait plus que l'équipe des réfugiés comme option pour poursuivre son rêve olympique. 

Dominic Lobalu a vécu plusieurs vies avant d'éclore sur la piste au niveau international. Une enfance au Soudan du Sud, où il a vu ses parents mourir sous ses yeux à 9 ans, alors qu'ils travaillaient aux champs. La fuite dans un camp de réfugiés puis un orphelinat au Kenya, avec la course à pied comme échappatoire. Et enfin, l'exil en Suisse en 2019 avec le rêve d'une vie meilleure. 

Un premier passage par une équipe de réfugiés

Repéré dans une compétition sportive, Dominic Lobalu intègre en 2016 l'Athlete refugee team, équipe qui a ses quartiers dans la banlieue de la capitale kényane. Le groupe est né deux ans plus tôt et a envoyé plusieurs de ses coureurs dans la première équipe olympique des réfugiés lors des Jeux de Rio. Là-bas, le jeune homme gagne le droit de s'entraîner assidûment et de participer à des courses, notamment en Europe.

C'est lors de l'un de ses déplacements à Genève, au printemps 2019, que le réfugié décide de ne pas revenir au Kenya. Peu disert sur la question, l'athlète précise dans des interviews que comme d'autres membres de l'équipe avant lui, il ne voyait jamais la couleur des primes des courses qu'il remportait. "Au Kenya, je n'aurai jamais rien. En Suisse, j'ai au moins de l'espoir", justifie-t-il auprès du journal La Tribune de Genève, dans un long dossier consacré au sportif. Il demande l'asile et débarque dans un centre d'intégration à Ennetbühl, où il est orienté vers Markus Hagmann, ancienne gloire suisse du 3 000 m steeple, pour assouvir sa passion. 

Très vite, le coach détecte les qualités de pied de son nouvel élève, remarque qu'il vole sur la piste et accepte de l'accompagner. À peine l'entraînement entamé, Dominic Lobalu gagne la première course où il est inscrit, avec une minute d'avance sur le record du parcours. Les mois passent et Markus Hagmann tente tant bien que mal de retaper le physique et le mental de son athlète, abîmés par son difficile passé.

Nationalité sportive suisse

Les victoires s'enchaînent, le niveau augmente. Devant cette pépite qui établit des chronos qui pourraient constituer des records d'Europe, la fédération d'athlétisme suisse se mobilise pour obtenir de World Athletics que Dominic Lobalu puisse courir pour elle, même sans passeport. Un combat retracé dans le documentaire The right to race.

Dominic Lobalu obtient sa nouvelle nationalité sportive le 7 septembre 2023, l'autorisant à porter les couleurs suisses sur les meetings et courses sur route. Le 31 décembre 2023, il bat le record d'Europe du 5 kilomètres. Avant donc que ce droit soit étendu aux championnats mi-mai, hors sommet olympique. Et si le coureur regrette de ne pas pouvoir agiter le drapeau rouge à la croix blanche sur la piste violette du Stade de France, il s'est fixé un autre objectif : décrocher une nouvelle médaille pour l'équipe des réfugiés, après celle de la boxeuse Cindy Ngamba, porte-drapeau de la délégation.

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