Jeux paralympiques - Une vie d'athlète en manga : Laurent Chardard, le nageur au large sourire
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![Illustration de Laurent Chardard, champion de para-natation qui s'apprête à défendre ses chances à Tokyo lors des Jeux paralympiques. (Eternal-S)](https://www.francetvinfo.fr/pictures/8s-M59G5juQC4WhLOYgGUOLuVq4/345x0:1963x1618/100x100/2021/08/08/phpvHCTSj.png)
Avant les Jeux paralympiques, franceinfo: sport dresse le portrait de six athlètes français prêts à briller à Tokyo. Amputé du bras droit et de la jambe droite, le para-nageur Laurent Chardard veut profiter des Jeux pour continuer de s'amuser.
Il n'est pas de ceux qui cherchent à attirer l'attention. Quand Laurent Chardard gagne le bassin de son club, le Guyenne HandiNages Bordeaux, il le fait tranquillement, presque à pas feutrés, sans faire de bruit. Une discrétion qui contraste avec un sourire aux éclats, accroché en permanence au visage du para-nageur réunionnais de 25 ans, qui soufflera sa 26e bougie au Japon, le 30 août prochain.
Le 27 août 2016, un requin fait tout basculer
Le temps d'une interview, le longiligne nageur coupe son effort en plein entraînement pour prendre position sur une chaise. L'occasion de revenir sur lui et sur son accident. Celui qui a considérablement changé sa vie le 27 août 2016, alors qu'il pratiquait du bodyboard à Boucan Canot, au nord-ouest de l'île de la Réunion.
"Je me suis fait attaquer par un requin, commence-t-il sans préambule. Je ne l'ai pas vu s'en prendre à moi, juste une masse grise-marron, typique du requin bouledogue, arriver d'en dessous. J'ai la chance de me souvenir de tout mon accident et je sais que j'ai fait les bons choix donc je ne me pose pas mille questions sur ce qui s'est passé."
Combat de boxe en eaux profondes
Les bons choix, en l'occurrence, en surprendront plus d'un. Car face à un animal mesurant plus de trois mètres et pouvant peser de 90 à 130 kilos, c'est très peu dire que Laurent Chardard ne s'est pas démonté et s'est battu pour sa survie. "Au moment de l'attaque, le requin m'a pris le bras droit et m'a tiré vers le fond. J'ai riposté en le tapant avec ma main gauche, ce qui m'a coûté mon pouce. On dit qu'il faut taper dans les branchies mais je ne sais pas du tout où je l'ai touché, probablement dans la gueule. Grâce à cela, il a lâché et j'ai pu remonter sur ma planche. Je lui ai mis les mêmes coups avec ma jambe."
Un combat de boxe en eaux profondes qui, à défaut de trouver un vainqueur, laissera des stigmates indélébiles sur le corps du jeune homme d'alors à peine 21 ans. Aujourd'hui encore, Laurent Chardard remercie le MNS (maître-nageur sauveteur) venu à son secours en jet-ski, mais aussi les pompiers, le Samu et les infirmiers présents sur place, sans qui les choses auraient pris une toute autre tournure. "Si je suis encore là, c'est grâce à eux".
L'ingénieur prend quelques secondes pour redresser sa prothèse. Il confie peu après que c'est lui qui l'a créée à partir de ses propres schémas, une manière de s'approprier ce nouvel handicap. Si le premier prototype, comme il le reconnaît lui-même, n'a pas été une franche réussite, il a pris le temps de s'améliorer pour aujourd'hui avoir un modèle fonctionnel, doté d'un appui sur le bras pour continuer à faire du bodyboard. Car dans son esprit, il n'a jamais été question d'arrêter le sport. Loin de là.
Le shaka comme mantra
Le regard plein d'étoiles, Laurent Chardard prend le temps de revenir sur ses jeunes années, à essayer toutes les disciplines possibles et imaginables. "J'aimais bien m'amuser, j'étais avec mes copains ! Ensuite j'ai fait la connaissance du sport de haut niveau, on est encore avec les copains mais on se challenge tous les jours. C'est ce que j'aime !"
Mais très rapidement, il a identifié son élément de prédilection : l'eau. Rien d'anormal pour le Réunionnais qui pratiquait, outre le surf et le bodyboard, la chasse sous-marine, le rugby subaquatique ou l'apnée en mer sur l'île. "Il y a des mondes différents dans l'eau et je les aime tous. Quand je vais à l'océan faire du surf, je pense à ma prochaine vague, à ce que je vais faire. Quand je suis dans les bassins de piscine, je réfléchis surtout à ma technique de nage, je pense au prochain mouvement." Des mondes qui lui offrent un apaisement et une zénitude qu'il s'est efforcé de retrouver après son accident.
Pendant un an, Laurent Chardard prend le temps de mener à bien sa rééducation avant de revenir dans l'Hexagone, à Bordeaux, où il s'inscrit dans son club actuel, en natation. "Nager n'est pas ma passion mais elle me sert pour ma passion, dans l'océan", révèle-t-il avant de dégainer un "shaka", geste de la main consistant à lever son pouce et l'auriculaire. "Beaucoup de gens l'utilisent à Tahiti, notamment des surfeurs, pour dire qu'il faut 'être cool', 'profiter de la vie'... Pour moi, c'est juste un symbole qui montre que je fais ce que j'aime."
"Aujourd'hui, ce shaka c'est pour montrer tout cela, je profite à 100% et je donne tout. C'est ce qui me fait avancer et me fait vivre"
Laurent Chardardà franceinfo : sport
Le nageur le confesse : il a tiré un trait sur son histoire et veut juste continuer à s'amuser, y compris pendant les Jeux paralympiques. Pas d'objectif de médaille revendiqué ou d'ambition trop explicite de son côté, il veut surtout appréhender la compétition, l'ambiance au village avec des milliers d'athlètes... "Je vais à Tokyo pour prendre un maximum de plaisir, ce n'est pas tous les jours qu'on a la chance d'aller au Japon. Évidemment je vais tout donner, mais peu importe la médaille, la place... Si déjà je parviens à améliorer mes meilleurs temps je serai content."
La discussion touche à son terme. Pendant 30 minutes, Laurent Chardard n'a pas lâché son sourire étincelant, qui paraît comme accroché au faciès du jeune homme à la barbe de trois jours. "C'est parce que je profite et je suis heureux, je prends la vie comme elle est. Même quand il y a du négatif partout, on peut toujours trouver du positif." Une philosophie de vie à son image : simple, résiliente et pleine d'optimisme. Une gageure par les temps qui courent.
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