Paralympiques 2024: comment l'athlétisme, discipline forte du paralympisme français, a-t-il perdu du terrain ?

Passé d'une moyenne de 18 médailles par édition des Jeux paralympiques au début des années 2000 à 9 depuis 2012, le para-athlétisme français est à la relance pour cette édition à domicile et espère capitaliser grâce aux moyens débloqués in extremis avant Paris 2024.
Article rédigé par Anna Carreau, Maÿlice Lavorel
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
Une partie de la sélection française de para-athlétisme lors d'une conférence de presse, le 27 août 2024. (HAHN LIONEL / AFP)

Si l’athlétisme tricolore n’a pas vraiment brillé aux Jeux olympiques, avec une seule médaille d’argent, pour Cyréna Samba-Mayela sur 100 m haies, le para-athlétisme français rallie Paris avec un objectif annoncé de "cinq à sept médailles, dont deux en or", d'après Guy Ontanon, manager de la performance du para-athlétisme au sein de la fédération française handisport.

Historiquement, elle fait figure de discipline phare pour l’équipe de France paralympique, elle qui a glané une moyenne de neuf médailles par édition depuis les Jeux de Londres en 2012. Un ratio en chute libre, par rapport aux moyennes des années 1980-1990.

Une avance perdue au détriment d'autres nations

"On a une équipe de France performante depuis de longues années maintenant, qui continue à surfer un peu sur le travail qui est fait par les personnes qui l’encadrent et se remettent en question au fil des années", argumente Guy Ontanon pour expliquer ce statut. Au rayon des clés du succès, l’ancien cadre de la Fédération française d’athlétisme chez les valides liste la bonne ambiance régnant entre athlètes, l’importance des cadres qui tirent tout le groupe vers le haut, l’engagement colossal mis par les athlètes et le staff…

"Jusqu’à maintenant, la France avait pas mal d’avance sur beaucoup de pays, mais on l'a perdue ces dernières années puisqu’il y a désormais plus de professionnalisme chez d’autres nations", nuance de son côté Arnaud Assoumani, spécialiste du saut en longueur et du triple saut, médaillé paralympique en 2004, 2008, 2012 et 2016. 

"Aujourd'hui, chaque nation est extrêmement performante, analyse Guy Ontanon. Il y a la Chine, le Brésil mais aussi des nations comme la Tunisie et l'Azerbaïdjan qui mettent aussi beaucoup d'argent sur le para. Parce que ça ramène de la médaille et ça permet de rayonner aussi." Pour que l’équipe de France continue à performer à très haut niveau, l’Agence nationale du sport a décidé il y a deux ans de professionnaliser les staffs en nommant un responsable de performance auprès du directeur technique national (DTN) dans chaque sport paralympique.

Des moyens mis sur le gong

Depuis, Guy Ontanon et ses acolytes bénéficient de moyens pour évaluer les performances de ses athlètes, pour les accompagner dans leur quotidien sur la charge d'entraînement, pour individualiser les séances avec l'utilisation de GPS ou de questionnaires remplis quotidiennement. "On a participé à un stage en Afrique du Sud avec des athlètes valides, allemands, anglais, belges, néerlandais… Ce qui a permis aussi à nos athlètes de prendre conscience de ce qu'était la professionnalisation, l'engagement, la volonté de s'entraîner et d'être là sur du suivi quotidien", appuie le dirigeant.

Au quotidien, ce sont les Creps et l'Insep qui, grâce à des moyens supplémentaires, permettent au para-athlétisme de passer à la vitesse supérieure. Pour autant, Arnaud Assoumani prévient : "Si on a envie de rester au top niveau mondial, on doit être au top aussi de la recherche, de tout ce qui se fait." Lui prend comme exemple la mobilisation du comité paralympique brésilien au moment des Jeux de Rio, qui ont mis en place deux centres dédiés à 100% aux athlètes paralympiques. Résultat, le Brésil a fini deuxième au classement des médailles des deux derniers championnats du monde (à Paris en 2023 et à Kobe en 2024).

Et pour celui qui va disputer sa cinquième édition des Jeux paralympiques, le nerf de la guerre est évident : le financement. Si le budget de la Fédération française handisport a été multiplié par quatre à la veille des festivités parisiennes, Guy Ontanon note que "les subventions de la Fédération française de l'athlétisme montent à 20 millions d'euros, quand celles de la FFH cumulent à 400 000 euros". Même comparaison peu flatteuse au niveau du staff mis à disposition par les fédérations : selon le manager de la performance, on a "80 cadres techniques côté valides, contre deux pour l'entièreté de la FFH".

24 athlètes pour un objectif de cinq à sept médailles

Et quand la FFA envoie 90 athlètes aux JO, la Fédé handisport, elle, n'en sélectionne que 24 pour les Paralympiques. "Par la contrainte de moyens, financiers et humains, on est obligés d'avoir un autre paradigme", concède Ontanon. En s'appuyant sur la méthode très sélective mise en place par Claude Fauquet au sein de la Fédération française de natation, il a fait passer quatre étapes de sélection aux heureux élus retenus pour Paris 2024 : terminer dans les quatre premiers aux championnats du monde 2023, puis dans les deux premiers aux Mondiaux 2024, réaliser des minima et figurer dans le top 6 mondial. 

Le cadre se félicite tout de même d'avoir réussi à qualifier autant d'athlètes, grâce aux belles performances tricolores de la saison : "C'est la première fois qu'il y aura une délégation qui sera au nombre de 24, 13 hommes et 11 femmes." Si l'objectif de médailles est fixé entre cinq et sept dont deux titres, Arnaud Assoumani espère surtout qu'un "héritage important" de ces premiers Jeux paralympiques à domicile subsistera pour le para-athlétisme.

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