Une ancienne candidate de "Secret Story" révèle les coulisses peu reluisantes de la téléréalité
Morgane Enselme a participé à l'édition 2011 de "Secret Story". Dans une vidéo diffusée sur sa chaîne YouTube, elle fait valoir la fin de sa clause de confidentialité pour dévoiler la face cachée de l'émission de TF1.
"La téléréalité, à 80%, ce sont les pires moments de personnes qui vivent dans des conditions anormales." Sept ans après son passage dans l'émission "Secret Story", sur TF1, Morgane Enselme a diffusé sur YouTube une vidéo d'une demi-heure pour livrer son point de vue sur les coulisses du programme. Profitant de la fin de sa clause de confidentialité, elle dénonce les frustrations quotidiennes dont font l'objet les candidats et les techniques du producteur, la société Endemol, pour les manipuler.
Fille de la journaliste transgenre Brigitte Boréale, la jeune femme a été contactée une première fois en 2007 par la production pour participer au programme, mais elle avait alors refusé de donner suite. Elle finit par accepter de rejoindre l'émission quatre ans plus tard, après un rendez-vous de sept heures avec les équipes de tournage – "un casting déguisé", dénonce aujourd'hui Morgane Enselme, qui pointe du doigt l'engrenage du recrutement. La production aurait cherché à la convaincre en lui expliquant que sa participation permettrait de défendre le "troisième sexe" – et son père, devenu femme – devant un large public.
Privation des loisirs et perte de repères
Une semaine avant la première émission, le 8 juillet 2011, elle est placée en isolement dans une chambre d'hôtel. "C'est une enquête du KGB, le truc... La nana a déplié tous mes vêtements un par un, a démonté mon étui à lunettes, la doublure de ma valise et a passé tous mes produits de beauté avec une lumière blanche pour savoir si je n'avais rien caché dans ma crème de jour." Une femme est chargée de la surveiller pendant trois jours.
Quand on va aux toilettes, on n'a pas le droit de fermer la porte, et quand on prend notre douche, cette personne nous regarde, soi-disant pour ne pas qu'on se suicide. Une personne de la production m'a ensuite avoué que c'était pour nous habituer à obéir, à perdre notre intimité.
Morgane Enselme, ancienne candidate de "Secret Story"sur sa chaîne YouTube
Une fois dans la maison où se déroule le jeu, "la production change complètement de visage avec nous, complètement", poursuit la jeune femme. Elle décrit la privation des loisirs les plus élémentaires (livres, films, matériel pour écrire...) – "ils veulent qu'on soit tout le temps sous pression" –, le rationnement de l'eau chaude – "30 minutes par jour sachant qu'on était 18, avec deux douches collectives" – et la saleté des logements – "au bout d'un mois, j'avais des plaques sur le corps à cause de l'humidité et de la crasse". Morgane Enselme affirme également avoir été privée de ses antihistaminiques pendant une longue période.
Plus largement, elle pointe du doigt les conditions du jeu. Les candidats, explique-t-elle, n'ont aucune notion du temps dans la maison et perdent tous leurs repères. "On ne sait pas à quelle heure on se lève. Ce sont eux qui nous réveillent avec le compte à rebours pour l'eau chaude". Morgane Enselme accuse également la production de contourner l'obligation imposée par le CSA de laisser deux heures par jour aux candidats à l'abri des caméras. "La production décide du moment où elle place ces heures-là mais parfois, elle ne dit pas quand elle les fait démarrer."
"Certains font de l'anorexie ou de la boulimie"
L'objectif, selon elle ? Pousser à bout les candidats, pour obtenir des scènes fortes lors des émissions. "Plus on sera épuisés, désorientés et stressés, plus il y aura de chances qu'on craque, qu'on se dispute et qu'on couche ensemble", résume Morgane Enselme, qui dénonce de lourdes conséquences psychologiques sur les participants. "Il y en a qui font aussi de l'anorexie ou de la boulimie. Dans ma saison, il y a quelqu'un qui a pris 21 kg en trois mois."
J'ai vu des gens se taper la tête contre les murs, dormir par terre recroquevillés ou commencer à se battre, sachant que la sécurité n'a pas toujours le temps d'intervenir.
Morgane Enselme, ancienne candidate de "Secret Story"sur sa chaîne YouTube
Morgane Enselme accuse enfin la production de diffuser des images partielles des événements qui se produisent dans la maison. "La voix nous donne des missions pour de petites sommes – faire semblant d'être amoureux de quelqu'un ou provoquer une dispute – mais après c'est diffusé comme tel", sans la consigne, accuse l'ancienne candidate, qui reproche également à la production de commettre des irrégularités dans le déroulement du jeu. Elle affirme que l'agent de sécurité chargé de la suivre à sa sortie du jeu lui avait confié que son sort était scellé dès le lendemain des nominations. C'est-à-dire avant même la grande émission hebdomadaire où les téléspectateurs étaient censés décider du nom du candidat sortant.
L'ancienne candidate dévoile au passage la grille de rémunérations en vigueur lors de l'édition 2011 : 493 euros brut par semaine, et en cas d'élimination, 322 euros par semaine jusqu'à la fin de la saison.
Plusieurs mois sous somnifères
Une fois la "maison des secrets" quittée, vient ensuite l'heure d'un "tourbillon de trucs cools et déprimants" et d'une éphémère notoriété, "entre quatre et six mois". Mais "l'après" est surtout marqué par une grande désillusion. "On avait conscience d'avoir une responsabilité à l'égard du public et on avait débattu en faveur de l'acceptation des différences, du mariage gay, du don d'organes, de la place des femmes dans la société..., détaille Morgane Enselme. Mais rien n'a été montré." Profondément marquée par l'expérience, la candidate doit prendre des somnifères pendant des mois avant de retrouver le sommeil. "J'avais une voix qui me disait que je ne pouvais pas aller dormir tant que je n'avais pas été au confessionnal faire mon interview."
Après cette expérience difficile, Morgane Enselme reste toutefois incapable d'exprimer des regrets sur sa participation au programme. Elle raconte en effet "des moments de pur bonheur avec les autres candidats", son amitié avec Juliette et la possibilité d'avoir pu évoquer son père devant des millions de personnes. Son récit mêle "des choses factuelles et objectives mais aussi des choses subjectives, issues de conversations que j'ai eues, prend soin de préciser la jeune femme. Ce que j'ai dit vaut pour moi et pour ce qui s'est passé pour 'Secret Story' en 2011". L'ancienne candidate redoute désormais la réaction d'Endemol. "C'est une industrie qui brasse des millions, donc je m'attends à ce qu'on essaie de m'intimider et de me discréditer."
Sollicitée, la société Endemol n'a pas encore répondu aux demandes de franceinfo.
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