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Téléréalité, shampoing, couteau de cuisine... Qui est vraiment Nabilla Benattia ?

La starlette est jugée jeudi à Nanterre pour "violences volontaires aggravées" sur son compagnon Thomas Vergara. Portrait.

Article rédigé par Catherine Fournier
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8 min
Nabilla Benattia lors d'une signature dans une librairie parisienne le 11 mai 2016.  (CHRISTOPHE BONNET / CITIZENSIDE / AFP)

Au regard des faits, c'est une banale affaire de violences qui doit être jugée jeudi 19 mai devant le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine). Une jeune femme comparaît pour avoir porté un coup de couteau à son concubin le soir d'une dispute. Un dossier judiciaire comme il en existe tant d'autres. A ceci près que la prévenue s'appelle Nabilla. Et qu'elle file le parfait amour avec sa victime présumée, Thomas Vergara.

Le couple s'est rencontré sur le plateau de l'émission "Les anges de la téléréalité" en 2013. Depuis, les deux starlettes vivent leur relation sous le feu des projecteurs, médiatiques et judiciaires.  

Le choix de Nabilla

"Comme le dit la pub pour Attractive World, 'toutes les histoires d'amour commencent bien quelque part'", cite Nabilla dans son livre Trop vite, écrit "avec la collaboration de Jean-François Kervéan", "nègre" de plusieurs personnalités populaires comme Michel Drucker, Hervé Vilard ou Loana...

Cette autobiographie de 300 pages, agrémentée de photos et de dessins, est parue un mois avant le procès et un an et demi après les faits. Nabilla n'a pas souhaité réserver ses déclarations à la justice. Pas sûr que les magistrats apprécient. Mais comment pourrait-il en être autrement pour un personnage qui a commencé à "exister" en s'exposant publiquement ?    

Sans la séduction, j'ai peur de ne pas exister, de n'être rien.

Nabilla

Dans son livre "Trop vite"

Ces "mémoires" d'une fille de 24 ans, qui a déjà plus d'une vie derrière elle, tournent vite au confessionnal, version "face caméra", comme dans les nombreux shows de téléréalité auxquels elle a participé. Nabilla s'y dépeint comme une fille attachante, dont les dix premières années s'écoulent paisiblement dans une petite ville de Haute-Savoie. Mais le divorce de ses parents est vécu comme un drame qui fait valser ses repères. L'aînée de cette fratrie de deux enfants est obligée de choisir entre un père aimant mais rigoriste - ce musulman d'origine algérienne, fonctionnaire à l'ONU, cache les yeux de ses enfants devant les images de "kouffar" qui défilent à la télévision - et une mère chrétienne italo-corse qui ne pense plus qu'à refaire sa vie. Nabilla Benattia choisit la seconde et déménage dans un quartier modeste de Genève (Suisse).

"Nan mais allô quoi !"

La pré-adolescente est livrée à elle-même. Son père et son frère ont coupé les ponts, sa mère, qu'elle n'appelle plus "maman" mais "Marie-Luce", la laisse abandonner sa scolarité, communiquant avec elle par des petits mots sur le frigo. Nabilla grandit "trop vite", trop tôt. Elle dérape et passe un mois dans un centre de détention pour mineurs en 2010, pour une escroquerie. A la sortie, elle n'a plus qu'une obsession : exister aux yeux de quelqu'un, faute de regard parental structurant. A la lire, son physique devient vite son seul atout. Liane au visage mi-Rihanna, mi-Angelina Jolie, la brunette d'1,76 m se fait refaire les seins, bonnet D, et se lance dans le mannequinat avant d'être repérée par un producteur pour une émission sur TF1, "L'amour est aveugle". 

Nabilla enchaîne ensuite avec plusieurs saisons des "Anges de la téléréalité". La téléréalité n'en est plus à ses débuts et les réseaux sociaux lui offrent une formidable caisse de résonance. Nabilla, moins bête qu'elle ne veut bien le laisser paraître, l'a compris. Quand elle dégaine sa petite phrase qui lui a offert son quart d'heure warholien de célébrité - "Nan mais allô quoi, t'es une fille et t'as pas de shampoing ? C'est comme si j'te dis, 't'es une fille et t'as pas de cheveux'" -, elle retweete sur son compte @leonnaboo de nombreux messages y faisant référence, qu’il s’agisse de compliments ou de parodies.

Après le buzz et la prison, Twitter est resté mon unique fenêtre sur le monde, avec la téloche.

Nabilla

dans son livre "Trop vite"

Pur produit de la téléréalité mais aussi d'internet, Nabilla accède au rang de célébrité en "22 secondes, à 22 ans, un après-midi de mars 2013, à Miami". La vidéo de sa tirade fait 10 millions de vues en un mois. La Franco-Suisse, qui mise aussi désormais sur son humour viral et générateur de buzz, peaufine son personnage. Elle dépose son "Allô quoi?" à l'Institut national de la propriété intellectuelle et lance une collection de prêt-à-porter. Elle décroche sa propre émission de téléréalité, "Allô Nabilla", un Dynasty show à l'américaine où elle apparaît aux côtés de Thomas Vergara et de sa "mémé Livia", seul repère familial constant dans sa vie. "Je voulais devenir la Kim Kardashian française", confie-t-elle.

Victime consentante ? 

Nabilla va plutôt connaître une descente aux enfers à la Loana, figure repoussoir de la téléréalité, dont elle se différencie fermement dans son livre ("Je ne serai pas Loana"). Inexorablement, le personnage échappe à son auteur et Nabilla ne se reconnaît plus dans l'image que lui renvoie son public, qui l'adule autant qu'il la déteste. "Ma notoriété s'est tout de suite accompagnée d'une humiliation publique constante", constate-t-elle. Une humiliation parfois consentante, tant Nabilla se prête volontiers au jeu du "dîner de con" sur les plateaux de télévision. Chroniqueuse dans l'émission "Touche pas à mon poste" sur D8, elle se ridiculise en qualifiant Laurent Fabius de "ministre du poisson" ou en complétant les titres d'œuvres littéraires par un "Les fleurs du Niagara" de Charles Beaudelaire.

L'intéressée n'est pas dupe : "Nabilla, la connasse, le vide, le 'fléau', la bêtise crasse, la dinde, la salope (...), 'le désert contemporain', selon le philosophe Alain Finkiel-crotte, vieux bonhomme triste, qui ne m'a même jamais vue en vrai." Eh oui, tout le monde a un avis sur Nabilla, même le philosophe Alain Finkielkraut. "C'est une fille vive, intelligente", oppose Jean-François Kervéan, qui a écrit le livre Trop vite à partir d'entretiens avec Nabilla, comme il le fait pour chaque "auteur".  

Elle a une langue, cette fille. Une créativité.

Jean-François Kervéan

à francetv info

"Elle a quitté l'école en 5e, elle est vierge de tout apprentissage, la téléréalité a été sa seule formation", poursuit l'écrivain, soulignant qu'elle "apprend très vite". "Elle manie très bien le second degré", abonde un proche auprès de francetv info. Selon lui, Nabilla est devenu le "punching ball" préféré d'une certaine intelligentsia, autant fascinée que révulsée par cette bimbo à la bouche en cœur. 

"J'ai pris le bâton pour me faire battre", reconnaît la jeune femme, sans trop s'expliquer pourquoi. L'attrait de l'argent et de la lumière, sans aucun doute. Le prix à payer est lourd : "Nabilla ne m'appartient plus du tout, ce n'est plus moi cette fille dont tout le monde parle." C'est dans ce contexte de surmédiatisation que se déroule cette fameuse nuit du 6 au 7 novembre 2014. Après une énième dispute avec Thomas Vergara au sujet d'une tenue de Nabilla sur le plateau de "Touche pas à mon poste", le couple en vient aux mains dans son appart'hôtel de Boulogne. Thomas Vergara reçoit un coup de couteau de cuisine en plein thorax.

"Le coup est parti"

Après avoir inventé une histoire d'agression, Nabilla reconnaît l'avoir blessé involontairement : "Pendant qu'il tentait de me maîtriser", écrit-elle, "le coup est parti". L'accusation voit au contraire un geste parfaitement volontaire. D'autant que la vedette, décrite comme fragile et impulsive par les expertises, est soupçonnée d'avoir infligé une autre blessure à son compagnon avec un couteau à barbecue trois mois plus tôt, dans le sud de la France. 

Hospitalisé, Thomas Vergara écope de 10 jours d'interruption totale de travail. Mise en examen pour "tentative de meurtre", Nabilla part en détention provisoire pendant cinquante jours. Une expérience traumatisante, selon elle. Dès sa sortie, elle viole son contrôle judiciaire et quitte la France pour revoir "l'amour de [sa] vie", "qui joue le rôle du père qu'[elle] n'a jamais eu". Le playboy à la carrière de footballeur ratée, décrit comme jaloux et possessif, a refusé de porter plainte et lui a déjà pardonné. "C'est une relation très passionnelle, il n'y a qu'elle et moi qui sachions vraiment l'amour qu'on a l'un pour l'autre", témoigne-t-il sur TF1, à peine remis de sa blessure. "Mon client a hâte que le procès arrive pour pouvoir reprendre une vie normale et qu'il n'y ait plus aucune interdiction [de voir Nabilla]", explique son avocat Thierry Fradet à francetv info. 

Pendant un an, le duo vit dans la clandestinité. Va jusqu'à s'acheter des masques en latex à prix d'or pour pouvoir marcher dans la rue. Des photos fuitent dans la presse people. Puis des selfies, Nabilla ne résistant pas à la tentation de célébrer sur les réseaux sociaux son amour retrouvé. Le couple, qui s'est installé à Aix-en-Provence, se balade désormais à visage découvert, son nouveau chien "Pita" en laisse. Convoquée par le tribunal début mai pour cette violation de son contrôle judiciaire, Nabilla est finalement ressortie libre. Un retour derrière les barreaux lui paraît "inconcevable", comme elle l'affirme dans l'émission "7 à 8" sur TF1. Pour ces faits requalifiés en "violences volontaires aggravées", elle risque pourtant sept ans de prison et 100 000 euros d'amende. A la place, elle préfèrerait "rester à faire ce que j'aime, pas seulement réduite à un rôle d'idiote. (...) Me cultiver enfin". La jeune femme, qui a laissé son look de pin-up au vestiaire pour la promotion de son livre, aura une journée pour faire valoir ses arguments devant le tribunal. 

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