Street art : la crise inspire les murs d'Athènes
Des masques à gaz morbides et des invectives à l'encontre du Fonds monétaire international ou de Berlin s'étalent sur de nombreux murs de la capitale grecque, au milieu d'images de monstres fantastiques ou d'inspiration manga.
"Chacune de mes oeuvres est une déclaration", dit à l'AFP l'un des artistes les plus en vue de cette nouvelle vague d'art urbain, connu sous le nom de "Bleeps", durant une visite nocturne de ses zones de travail dans un quartier déshérité. Récemment au coin d'une rue, il a peint une femme, sorte de madone debout tenant un sac d'euros, en allusion au plan international d'aide à la Grèce. Son oeuvre vit dans la crise.
Sur un autre mur, dans le quartier branché de Psyrri, près du grand marché d'Athènes, un animal fantastique est enfermé dans une cage surmontée du fronton du parlement grec. "Celui-ci s'appelle 'Rage dans la cage constitutionnelle'", dit Bleeps, un trentenaire qui a abandonné sa carrière de dentiste pour se consacrer à son art. L'animal porte une chemise sur laquelle se dessine le grand symbole "A" des anarchistes parce que, pour lui, "la Grèce est sur le point de tomber dans l'anarchie".
Plus loin, sur le mur d'un parking, il a dessiné une très belle femme en bikini avec une jambe amputée, à côté du slogan "le prochain modèle économique de la Grèce".
Des origines contestataires
Le "street art" fleurit depuis de nombreuses années à Athènes et s'est particulièrement exprimé dans les quartiers de Psyrri et d'Exarchia, bohèmes et étudiants, après les émeutes urbaines qui avaient suivi le meurtre par un policier d'un jeune de 15 ans, fin 2008.
Sur une grande composition qui couvre une façade, une foule en colère fait face à une armée de robots sous le regard, depuis les nuages, du président américain Barack Obama et de la chancelière allemande Angela Merkel. "Après avoir étouffé le pays, ils demandent plus : la mort", clame un slogan le long du dessin.
"Les graffitis ont toujours été un moyen d'expression populaire à Athènes", dit Costas Callergis, journaliste freelance qui participe au blog whenthecrisishitthefan.com.
"Durant les deux dernières années, l'explosion de la colère sociale n'a pas été très bien relatée par les grands médias et s'exprime plutôt sur les murs." Revenu en Grèce en 2008 après avoir vécu en Grande-Bretagne, Bleeps dit qu'il a trouvé un pays en plein changement. "Les sujets sociaux sont plus intenses et j'ai plus de choses à dire", explique-t-il devant l'image d'un homme marchant avec des béquilles sur le mur d'un hôpital abandonné, tenant un panneau disant "la mauvaise santé".
Ses travaux sont salués par certains universitaires et dans les médias, mais pas toujours par les Grecs ordinaires. "La vérité est parfois quelque chose que vous ne voulez ni voir ni
entendre", avance-t-il.
Pour Mikos Aivalis, qui tient le magasin pour skaters "Revolt" à la façade entièrement taguée dans le quartier de Monastiraki, "les messages politiques et sociaux ne constituent qu'une toute petite partie de l'ensemble des graffitis" qu'on trouve à Athènes. Pour lui, la crise économique a surtout eu un impact direct sur son tiroir-caisse, son chiffre d'affaires de peinture en bombe a baissé d'environ 35%.
Le dernier opus de Bleeps, une vaste composition où s'enchevêtrent des fleurs, des drapeaux américains et britanniques et un jeune homme portant un panneau orné d'un aigle est illustré par un vers du Nobel grec de poésie Georges Séféris : "Nous avons vécu nos vies : une erreur! Aussi les avons-nous changées."
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