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Une "Cantatrice chauve" drôlement désaxée met le feu au théâtre de Feyzin

"Comme c'est curieux, comme c'est bizarre !" La réplique favorite des personnages imaginés par Ionesco définit parfaitement l'atmosphère de cette "Cantatrice chauve" mise en scène par Wilhelm Queyras pour la compagnie "Les Art'souilles". A découvrir les 5, 6 et 7 avril 2013 au Théâtre Le Rex à Feyzin (Rhône), près de Lyon.
Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
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M. et Mme Smith, anti-couple de "La Cantatrice chauve"
 (C. Pauilhac)

L'absurdité du texte original, créé en 1950 par Eugène Ionesco, est renforcée par l'étrangeté du décor et des costumes, à moitié calcinés, et par l'introduction d'éléments scéniques inattendus... Surprise d'entrée de jeu : Mme Smith est joué par un homme, très grand, M. Smith par une femme, bien plus petite !  Ce couple anglais, qui mange "de la salade anglaise" et dont les enfants boivent "de l'eau anglaise", semble bien mal assorti. Qui plus est, ils ne s'entendent pas ! Elle parle sans arrêt, se tenant toujours sur la pointe des pieds ; lui ponctue les monologues de son épouse par un claquement de langue, sans jamais détacher les yeux de son journal. Journal curieusement brûlé en son centre ! Comme c'est bizarre...

La Cie des Art'souilles sens dessus dessous
 (C. Pauilhac)
A bien y regarder, le salon dans lequel évolue cet anti-couple n'est pas très net. Une chaise au pied cassé gît sur le plancher, l'unique fauteuil que M. et Mme Smith se disputent est à moitié carbonisé et leurs vêtements (pyjama et chemise de nuit) ont partiellement brûlé... Que s'est-il donc passé dans ce foyer ?
 
Le théâtre de l'absurde

La bonne, Mary, nous éclairera peut-être ? Elle qui révèle au public : "Mon vrai nom est Sherlock Holmes". Son rôle aussi est interprété par un homme, accoutré d'un vêtement blanc ultra moulant faisant ressortir sa peau noire. Charmeuse et inquiétante, avec ses poses lascives et son rire diabolique, le personnage est insaisissable. La servante serait-elle en réalité la maîtresse de cette maison et de ses étranges occupants ? Leur marionnettiste ?
Mary, la bonne des Smith, et le capitaine des pompiers
 (C. Pauilhac)
M. et Mme Smith sont ensuite rejoints par M. et Mme Martin, qui entrent par la cheminée en se fendant d'une roulade. Leurs vêtements de nuit sont également brûlés. De plus en plus bizarre... Les deux invités prétendent ne pas se connaître : "Mes excuses, madame, mais il me semble, si je ne me trompe, que je vous ai déjà rencontrée quelque part." Lui (joué par une femme)se tient courbé en permanence, la renifle de façon animale et soupire de désir. Elle (joué par un homme), gênée par tant d'impudeur, le repousse tant bien que mal.
M. Martin poursuit Mme Martin avec ardeur.
 (C. Pauilhac)
L'omniprésence du feu

Et quand Mme Martin se repoudre les joues avec du charbon, on est alors convaincu que quelque chose ici ne tourne pas rond, tout comme les aiguilles de cette drôle d'horloge au centre de la pièce. Les dialogues absurdes, la musique bizarroïde et cette scène de sexe improvisée derrière le fauteuil basculé laissent penser que les personnages sont en train de rêver.

Mais lorsqu'une odeur de brûlé se dégage, une étincelle de lucidité surgit dans l'esprit du spectateur : le monde en cendre décrit sur la scène du théâtre de Feyzin est-il l'au-delà ? Les deux anti-couples ont-ils péri dans un incendie ? Sont-ils prisonniers des flammes de l'enfer ? Flammes que le capitaine des pompiers désœuvré (le seul qui n'a pas changé de sexe) cherche désespérément à éteindre et qui inspire l'énigmatique Mary, récitant son poème : "La cendre prit feu, la fumée prit feu, le feu prit feu, tout prit feu, prit feu, prit feu."
 
Une mise en scène audacieuse

Rêveurs, fantômes, aliénés, hystériques, pantins désarticulés... Quoiqu'ils soient, les personnages de "La Cantatrice chauve" sont incapables de maîtriser leurs pulsions. Leur langage n’est plus un moyen de communication mais il exprime le vide, l’incohérence voire la violence de l'existence. "Le texte est dur à apprendre parce qu'il n'y a pas de sens..." concède Gaël Dubreuil, qui joue Mme Smith.
Wilhelm Queyras a imaginé une mise en scène quelque peu osée.
 (C. Pauilhac)
Il n'y a pas de sens, mais de l'humour dans cette "Cantatrice chauve" décoiffée par la compagnie "Les Art'souilles". Le metteur en scène Wilhelm Queyras a su mettre en évidence l'aspect comique de cette œuvre sexagénaire, tout en y ajoutant sa touche personnelle : "Il nous a beaucoup fait travaillé sur les énergies corporelles", fait remarquer la comédienne Camille German. La voix également est l'objet des expérimentations les plus folles, à l'image de cette scène du "Hm, hm" devenue une performance de boîte à rythmes humaine. Coup de cœur du festival off d'Avignon en 2010, cette version moderne du classique d'Eugène Ionesco vaut le détour ! Avis aux Lyonnais, Feyzin n'est pas si loin...



"La Cantrice chauve", mise en scène de Wilhelm Queyras
Cie Les Art'souilles
Les 5, 6 et 7 avril 2013 au Théâtre Le Rex
Adresse : 5, rue des Razes - 69320 Feyzin
Réservations et Informations: 09 53 90 69 06 - artsouilles@yahoo.fr


A Paris, le Théâtre de la Huchette joue la cantatrice chauve tous les jours, du mardi au samedi. 
Adresse : 23 rue de La Huchette, 75005 Paris
Tél : 01 43 26 38 99

 

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