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"W/GB 84", la Dame de fer vue par les mineurs sur scène à Strasbourg

Au moment où sort sur les écrans français, le film consacré à Margaret Thatcher : "La Dame de fer" de Phyllida Lloyd avec Meryl Streep, un long-métrage qui montre sa conquête du pouvoir en 1979 jusqu'à sa chute en 1990, le Théâtre Jeunes Publics de Strasbourg propose de re-découvrir "GB 84", une oeuvre écrite par David Peace sur la grève des mineurs entamée en mars 1984 à Cortonwood. "W/GB 84" est une création de la Compagnie Fraction, reprenant à la fois des passages de "GB 84" et de la pièce "Woyzeck" de Büchner, avec une adaptation et une mise en scène signées Jean-François Matignon.
Article rédigé par franceinfo - Anthony Laurent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
David Peace, GB 84, Paris, éditions Rivages, 2006.
 (NC)

Image d'archives de la grève des mineurs de 1984-1985 en Grande-Bretagne contre le gouvernement de Margareth Thatcher. 
 (National Union of Mineworkers / UK)

 

 Les années Thatcher-Reagan 

Nous sommes le 5 mars 1984, l'annonce de la fermeture prochaine du puis de Cortonwood dans le Yorkshire, dans le cadre d'un plan de modernisation des houillères britanniques qui prévoit la disparition de plus de 20 000 emplois et la fermeture de vingt sites, déclenche le début d'un mouvement de protestation de la part des mineurs. Quelques jours plus tard, ce sont la moitié des 200 000 travailleurs du secteur qui ont rejoint le mouvement de grève à l'appel de leur syndicat national dirigé par Arthur Scargill. Ce mouvement social va durer un an, les mineurs reprendront le travail en mars 1985 sans n'avoir rien obtenu au cours des douze mois de lutte et de manifestations.

Jean-François Matignon, qui met en scène une adaptation de "GB 84" au TJP de Strasbourg, affirme que la crise qui secoue actuellement l'Europe du sud, fait écho à ces mouvements sociaux des années 80.   

 

 

 Un conflit "exemplaire" 

Il s'agit du plus long conflit social dans l'histoire contemporaine du Royaume-Uni, et d'un des épisodes les plus marquants de l'histoire des syndicats en Europe. Cette opposition frontale entre une vision ultra-libérale de la politique économique du pays pronée par le Premier Ministre conservateur Margaret Thatcher et un syndicaliste marxiste jusqu'au-boutiste Arthur Scargill, va conduire à la défaite d'une partie de la société britannique, battue dans les urnes en 1979, puis sur le pavé. Ce tournant dans l'histoire de la Grande-Bretagne continue aujourd'hui encore de diviser la société anglaise autour de l'héritage politique de la Dame de fer.

 

Margareth Thatcher
 (NC)

 

Le virage libéral 

Adulée par les uns pour avoir fait entrer son pays dans l'ère moderne de la finance et de la dérégulation, honnie par l'autre moitié de la société qui lui reproche d'avoir tué les ambitions sociales et la représentation syndicale, le bilan des années Thatcher est encore source de débats en Grande-Bretagne, et même plus largement en Europe . Il faut pour être honnête rappeler que l'Angleterre d'avant-Thatcher était pauvre, voir carrément miséreuse, et encore empreinte des luttes idéologiques de la fin du 19ème siècle, une image, qui à l'heure de la domination de la City, peut sembler bien lointaine. Dans ce débat sur le caractère visionnaire ou dogmatique de la Dame de fer, le film de Phyllida Lloyd avec Meryl Streep semble avoir choisi son parti.          

 

 

Une culture sociale

A l'instar de "GB 84" de David Peace, lauréat du prestigieux prix de l'Université d'Edimbourg, ou du film "Les virtuoses", césar du meilleur film étranger en 1998, et de "Iron Hand" par Dire Straits, de nombreuses oeuvres littéraires, musicales ou cinématographiques anglaises ont rendu compte de cette période particulière de l'histoire moderne du Royaume-Uni. 

 

Extrait "Les Virtuoses"/ "Brassed Off" de Mark Herman 1996

 

En France, l'image du Thatchérisme reste encore largement entâchée par cette lutte sans merci contre le monde syndical et ouvrier. Pourtant la France avait elle-même, quelques années plus tôt, commencer à sacrifier son industrie minière. Dans un pays où la gauche venait d'accéder au pouvoir, et où elle se trouvait confrontée à une crise économique majeure, l'exemple britannique faisait peur. En 1985, à la veille d'une cohabitation glaciale entre la droite et la gauche, le chanteur Renaud se faisait applaudir en caricaturant "Miss Maggie". 

 

Miss Maggie par Renaud - Live de 1986

 

L'après Thatcher 

Miss Maggie est aujourd'hui âgée de 86 ans, elle souffre de la maladie d'Alzheimer et le film de Phyllida Lloyd la montre en état de démence, ce qui a suscité la polémique parmi ses amis politiques. A la veille de sa disparition, et alors que la Grande-Bretagne s'interroge sur l'ampleur des funérailles qu'il faudra lui consacrer, France Télévisions vient de diffuser un long reportage sur ces évènements sociaux historiques. Un document qui mélange les images d'archives et les témoignages de mineurs grévistes. Ce reportage d'Alice Gauvin nous replonge dans cet épisode vieux de près de trente ans, dont les ressorts idéologiques et politiques semblent toujours en action dans notre Europe en crise, et particulièrement dans cette société grecque obligée de se plier aux contraintes économiques imposées par Bruxelles contre l'avis d'une partie de sa population qui manifeste violemment.

 

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