"Un Arabe dans mon miroir" au Théâtre de Vénissieux
Laura Logan, Satam Al-Squami, Saïd Mansour, le commandant Massoud... Ils sont les témoins, célèbres ou anonymes, d'événements qui ont marqué l'histoire contemporaine tels que la guerre d'Algérie, les attentats du 11 septembre 2001 ou la révolution égyptienne. Seuls six acteurs composent cette galerie de cinquante portraits ! Estelle Clément-Bealem tient le rôle principal, énergique femme-orchestre de cette fresque d'une heure et quart. A ses côtés, Riad Gahmi, Anne Ferret, Florence Girardon, Philippe Vincent et Bob Lipman jouent une partition quasi chorégraphique. Leur performance, singulière, tient le public en haleine du début à la fin.
Le spectacle en Français, a été adapté en Anglais et en Arabe. Dans chacun des pays où la pièce tourne, une comédienne locale interprète le rôle principal et prend en charge 80% du texte dans sa propre langue. "En changeant de langue et d'actrice, le spectacle changera certainement aussi sa signification", espère la compagnie Scènes. El Miraya El'Arabia a été présenté au Caire pour la première fois les 26 et 27 juin 2011, puis à New York début février 2012 sous le titre An Arab in My Mirror. Les 15 et 16 mars 2012, Un Arabe dans mon miroir sera joué au Théâtre de Vénissieux.
REGARDEZ cet extrait du spectacle :
Culturebox a rencontré les deux auteurs de la pièce, Philippe Vincent et Riad Gahmi.
Culturebox : D'où vous est venue l’idée d’écrire Un Arabe dans mon miroir ?
Philippe Vincent : Au départ on devait monter une pièce sur les attentats du 11 septembre 2011, Blackbox. C’était prévu, on devait la jouer à New York… et puis quand les révolutions arabes ont éclaté, d’un coup le texte a pris dix ans, d’un coup tout changeait dans le rapport au terrorisme, le rapport aux Arabes changeait. Etrangement, on s’est retrouvé en Egypte en mars 2011. On a commencé à rencontrer des gens, à voir des lieux, à réfléchir à comment on pourrait faire… On a abandonné le projet en cours et quand on est revenu en France en mai, on a commencé a écrire à quatre mains, puis on est reparti un mois au Caire. On envoyait le texte par mail au père de Riad pour qu’il puisse le traduire en arabe pour l’actrice égyptienne. Elle a eu quinze jours pour l'apprendre. Tout est allé très vite !
Culturebox : Pourquoi avoir voulu traduire le texte en Arabe et en Anglais ?
Riad Gahmi : La pièce doit même être adaptée en Allemand ! Le principe, c’est que l’actrice du pays dans lequel on joue soit une actrice locale. Elle parle dans sa langue et nous on parle aussi dans sa langue, donc c’est une recréation à chaque fois. Le contexte n’étant pas le même aux Etats-Unis qu’en Egypte, le texte change de sens à l’oreille du public.
Culturebox : Vous êtes-vous beaucoup documentés sur l’histoire des événements que vous évoquez dans la pièce ?
Philippe Vincent : Oui, mais en même temps on a essayé de ne pas trop coller à la réalité. Je comparerais notre façon de faire à celle de Picasso, lorsqu’il a peint Guernica. Son oeuvre n'est pas réaliste ! Même si les gens ne connaissent pas l’événement, ils peuvent quand même trouver du sens. L’idée est de choisir un événement et de faire un « focus » sur une personne présente à ce moment-là, voir si elle aurait pu faire quelque chose de différent, comme l’hôtesse de l’air Betty Ong, à bord de l’un des avions lancé sur les tours du World Trade Center.
Culturebox : Votre regard sur ces événements n'est-il pas partisan ?
Riad Gahmi : Nous avons essayé d’éviter d'être partisans ou militants… Mais le choix des événements est déjà partisan en lui-même, je pense. La pièce a été bien reçue au Caire, où nous avons joué en juin 2011. Nous avions plus de crainte que l’actrice, Solafa Ghanem. Elle était décomplexée. Il y a eu seulement un texte qui lui a posé problème, c’est celui de la journaliste Lara Logan violée en Égypte, elle ne voulait pas le dire…
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