"Les Oiseaux" d’Aristophane, une satire politique signée Laurent Pelly à Toulouse
Haletant et transpirant, les deux hommes courent en traînant leur valise, guidés l'un par une corneille et l'autre par un geai. Ils veulent retrouver le roi Térée, changé en huppe par les Dieux pour punition d'un viol. Ils fuient Athènes, ses taxes, ses amendes, ses litiges, mais aussi les huissiers et la corruption. "Nous cherchons un endroit enfin tranquille", disent-ils. Entre Terre et cieux, la "cité du bonheur" naît, baptisée "Coucouville-sur-Nuages". Mais elle est vite assaillie par les parasites d'en bas : un "marchand de décrets" venu vendre de nouvelles lois, un émissaire de ministres en costume-cravate, un géomètre veut "mesurer l'air" pour tracer rues et places.
"10.000 migrants" frappent de plus aux portes de ce nouveau paradis. Il faudra parfois les chasser à coups de fouet, comme cet huissier qui exige des ailes pour mieux dépouiller ses semblables. La lutte est âpre mais la route restera barrée aux démons terrestres. Contre les dieux qui tentent d'imposer leur loi, il faudra en revanche une véritable guerre. Sera-t-elle remportée ?
Message politique
"Présenter Les Oiseaux en pleine campagne pour la présidentielle, c'était voulu", confesse Agathe Mélinand, qui est à l'origine, pour l'occasion, d'une nouvelle traduction de l'œuvre d'Aristophane, écrite en 414 avant J.C. et rarement jouée. "Farouchement antireligieux, c'est une critique de la société grecque absolument épouvantable et la possibilité que l'homme et les dieux vivent heureux dans la nature: les deux vont aller créer une cité idéale entre la Terre et les cieux", explique la codirectrice du TNT.Reportage : C. Sardain / J. Pigneux / J. Eon
Joyeuse utopie
"C'est une folie poétique mais avec un sujet qui reste incroyablement contemporain", acquiesce son binôme à la tête du TNT, Laurent Pelly, qui signe la mise en scène originale mais également les costumes et les décors, très épurés. "Je n'avais lu que des traductions très universitaires et pas jouables mais j'avais l'intuition que ça pouvait devenir un grand spectacle", explique Laurent Pelly, qui demande alors à sa comparse de traduire à nouveau l'œuvre."Je n'ai aucune notion de grec ancien. Mais des amis grecs ont retrouvé la meilleure traduction en grec moderne", se souvient-elle. "Cela a été un travail de huit mois. Quel pied. J'étais en transe. Le grec, il faut rentrer dedans, mais, tout d'un coup, quand on voit comment c'est écrit, on touche une poésie extraordinaire d'Aristophane. C'est un monde merveilleux. Et une œuvre moderne". "Il n'y avait pas besoin de dépoussiérer Aristophane, comme pour les pièces ampoulées du XIXe siècle par exemple", confirme Laurent Pelly.
Sur scène, la joyeuse utopie de "Coucouville-sur-Nuages" est merveilleusement servie par la légèreté rafraîchissante de la tragédie grecque antique. Les mots crus, voire obscènes, se mêlent à l'insolence où tout est porté en dérision: les lois, les émissaires, les rois et les courbettes ridicules de leur cour. "C'est à la fois politique, religieux et comique", résume Agathe Mélinand, dont le tandem avec Laurent Pelly à la tête du TNT s'achèvera en 2018. Le binôme sera remplacé par le metteur en scène Galin Stoev.
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