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"Bettencourt Boulevard", un millefeuille d'intrigues familiales signé Michel Vinaver

Michel Vinaver, qui signe une des pièces les plus attendues de la rentrée, "Bettencourt Boulevard", a longtemps mené une double vie : directeur de Gillette France, et auteur de théâtre.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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  (Michel Cavalca)

Lorsqu'Edwy Plenel, à l'origine avec le site Médiapart de l'affaire Bettencourt l'approche, Michel Vinaver juge l'affaire "trop abondante, avec trop d'événements, de personnages. Je lui ai dit que j'avais besoin de sujets plus banals et plus rudimentaires". Mais il est déjà happé par l'intrigue et les relations passionnelles entre Liliane, la mère et Françoise, la fille, "des personnages de tragédie antique". Il lit tout, surligne les articles, les classe et ... enfouit le tout dans des cartons pour écrire "à partir des traces".

Bettencourt : "la mère et la fille, des personnages de tragédie antique"

Dans "Bettencourt boulevard" (du 19 novembre au 19 décembre au TNP Villeurbanne puis à la Colline début 2016), Vinaver explore une fois encore le monde de l''entreprise, ici L'Oréal, présente en filigrane, souvent à travers la publicité savoureuse de l'époque pour "Dop Dop", "Ambre solaire" ou "Monsavon".

Le résultat : un millefeuille d'intrigues familiales, de jalousies dévorantes, de corruption à tous les étages, avec en arrière-plan la grande histoire : le père de Liliane Bettencourt, Eugène Schueller, fondateur de L'Oréal, a cultivé des amitiés collaborationnistes pendant la guerre. Le grand-père du mari de Françoise, le rabbin Robert Meyers, a été déporté.

Condensé de la grande Histoire

"L'affaire Bettencourt est comme une condensation de notre histoire, avec ces deux personnages colossaux, on peut dire des titans, qui donnent une profondeur de champ", s'enflamme Michel Vinaver. Il n'y a pas de morale dans "Bettencourt Boulevard", mais "la complexité de la vie de gens qui seraient très banals s'il n'y avait l'argent", dit-il.

La justice a lourdement condamné François-Marie Banier, mais l'écrivain reste convaincu "qu'entre lui et Liliane Bettencourt il y avait autre chose que de la rapacité, je trouve que c'est une belle relation entre deux personnes qui ont leur beauté chacune". 

La double vie de Michel Vinaver, le jour chez Gillette, le soir au théâtre

"J'étais décidé à trouver le gagne pain le plus éloigné qui soit de l'écriture", explique ce petit homme malicieux de 88 ans. "C'est le hasard qui a voulu que Gillette veuille de moi!" Fils d'un antiquaire et d'une avocate, Michel Vinaver - Grinberg de son vrai nom - écrit sa première pièce à 9 ans. "Ça s'appelait 'La révolte des légumes'" dit-il, l'oeil pétillant.
Michel Vinaver, octobre 2015
 (JEFF PACHOUD / AFP)
Devenu adulte, il écrit d'abord deux romans avant de venir au théâtre en 1955, deux ans après son embauche chez Gillette. "J'avais exclu d'emblée de dépendre de ma production littéraire pour vivre", dit-il. Non sans raison: si sa première pièce, "Les Coréens", est immédiatement créée par Roger Planchon en 1956, la deuxième a attendu ... 23 ans avant d'être montée. Pas de quoi nourrir une famille de quatre enfants -dont la comédienne Anouk Grinberg.

Une "mystique" de l'entreprise

Il reste chez Gillette 27 ans, et en parle encore aujourd'hui avec émotion. "L'entreprise était encore à l'époque un lieu de convivialité, avec ses conflits et ses tensions, mais on y vivait, il y avait un sentiment d'appartenance". Il évoque même une "mystique" de l'entreprise. "Ça m'amusait beaucoup de voir qu'au fond, en entrant chez Gillette, j'étais presque entré dans une église", dit-il.

Ses premières pièces ('Les Coréens", "Les Huissiers"...) n'ont rien à voir avec sa vie de cadre. "Je m'étais fixé un interdit : ne pas parler de moi et de mon travail." Au bout de quelques pièces, c'est la panne. "J'en suis sorti en levant ce tabou". Il écrit "Par dessus bord": l'histoire de l'absorption d'une société familiale française par une multinationale américaine. Dés lors, l'entreprise prend une place centrale dans son oeuvre. "Les travaux et les jours" se déroule dans le service après-vente d'un fabricant de moulins à café.

Le personnage principal de "La demande d'emploi" est un cadre au chômage. Dans "L'ordinaire", le président d'une multinationale, son épouse, sa secrétaire et quatre vice-présidents survivent à un accident d'avion dans la cordillère des Andes. 

"Bettencourt Boulevard", Michel Vinaver, mise en scène Christian Schiaretti
TNP Villeurbanne du 19 novembre au 19 décembre 2015
Théatre de la Colline à Paris du 20 janvier au 14 février 2016

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