Premiers pas de Natalie Dessay au théâtre : l'épreuve de la glace
Elle débute la pièce en diva, hiératique dans une robe-fourreau écarlate, et la termine trempée, en chemise, échevelée mais toujours droite. Tout autour d'elle, 500 kg de glace sont suspendus, sous forme de longs pains gouttant interminablement, et s'effondrant parfois avec fracas.
Pour ses débuts au théâtre, la soprano française la plus connue au monde n'a pas choisi la facilité: un monologue de 1999 du dramaturge anglais Howard Barker, "Und", texte foisonnant et énigmatique où une femme attend un homme et affronte la lente avancée de la mort sans jamais perdre sa dignité. "Je ne choisis jamais", dit-elle, tout en précisant qu'elle s'est tout de suite sentie "en phase" avec le texte que lui proposait le metteur en scène Jacques Vincey, directeur du Centre dramatique régional de Tours. Un texte âpre, formidablement traduit par Vanasay Khamphommala, spécialiste de Barker, l'auteur du "théâtre de la catastrophe".
Reportage : A. Moreau, A. Rigodanzo, F.Belzeaux
La pièce est hantée par un événement jamais explicité, mais qu'on devine être la Shoah, comme on devine que l'homme que la femme attend est aussi son tortionnaire. La scénographie de Mathieu Lorry-Dupuy, avec cette glace qui menace à tout moment de rompre, installe un climat d'angoisse et d'extrême vulnérabilité. La femme est à la merci de cet homme dont on ne perçoit la présence qu'à travers des sons -bruits de cloche, verre brisé, coups de boutoir sur la porte.
Le musicien Alexandre Meyer donne vie à cette partition de la terreur. Le spectateur assiste, glacé, au combat de la femme "juive" mais "qui possède toutes les qualités d'une aristocrate", qui parle pour repousser la peur, tantôt mutine, tantôt grave, superficielle ou profonde, gaie ou terrorisée. "Tant qu'elle parle, elle est vivante", résume la cantatrice.
Théâtre et musicalité
La musicalité de Natalie Dessay lui permet de trouver toujours la voix juste, jusqu'au chant de mort final, le kaddish. "Ca semble sombre et difficile et abscons dans un premier temps", reconnaît-elle, "mais cela nous concerne tous, c'est comment garder la face jusqu'à l'échéance finale".Natalie Dessay, dont le talent d'actrice explosait à l'opéra tant dans le drame ("Lucia di Lammermoor") que dans la comédie ("La Fille du régiment") reconnaît que "spontanément, (elle) aurait choisi une pièce chorale". Ce n'est que partie remise: elle travaille pour 2017 à "un projet de pièce drôle, du Feydeau".
"Und", jusqu'au 5 juin à Tours puis du 21 au 24 juillet au Théâtre de l'Athénée dans la cadre de Paris Quartier d'été puis en tournée.
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