"Le Radeau de la Méduse'" par Thomas Jolly, les enfants au centre d'une tragédie
Sur la scène, une chaloupe, c’est la nuit, il fait froid. Le brouillard enveloppe ce qui est un canot de sauvetage. Le spectateur distingue des silhouettes, immobiles comme pétrifiées. La situation est dramatique. A bord de cette frêle embarcation, des enfants. Leur navire vient d’être torpillé par les nazis. Il a sombré. Ils sont les survivants.
"Le Radeau de la Méduse" est un texte de George Kaiser, auteur allemand de la première partie du XXe siècle. Sa force, sa violence sont décuplées par son inspiration. Un fait divers. En 1940, un sous-marin allemand torpille un navire transportant des enfants anglais fuyant des bombardements de la seconde guerre mondiale. 7 jours, le périple durera 7 jours. Sur scène, 1 heure 45 d’un théâtre sobre et palpitant.
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Un texte méconnu
Thomas Jolly a choisi ce texte, méconnu pour trois raisons. Pour trois lectures. La première est morale. Au début de cette dramatique aventure, cette société des enfants, les naufragés, est solidaire mais peu à peu elle se transforme. Apparaissent la défiance, le soupçon. Comme si l'âge adulte et ses ressentiments prenait le dessus sur une innocence trop vite perdue. La seconde est religieuse, les enfants sont tous chrétiens. C’est une vision radicalisée des textes qui va transformer cet équipage en perdition en petit monde cruel, sauvage, barbare. La dernière est d'actualité. Comment ne pas songer aux canots emplis de réfugiés chahutés par les flots en Méditerranée et aux noyés fuyant la guerre et la misère.
La sobriété de Thomas Jolly
1 heure 45 minutes et un décor. Un seul décor .Cette barque au milieu du plateau. Elle sera l'unique scène pour les 13 comédiens. Espace réduit, enfermement maximum au milieu d'un océan. La scénographie est simple. ainsi le texte est seul maître à bord de ces 6 nuits et 7 jours.Une beauté sinistre s'échappe de cette mise scène. Laurence Magnée est aux lumières. Elles sont de plus en plus blafardes au fur et à mesure des jours qui passent. L'épopée tourne mal. Lumière d'église pour un sacrifice. On songe à la peinture, on songe à l'autre "Radeau de la Méduse", celui de Géricault.
13 enfants, 13 comédiens
"Nous n'avons pas travaillé à jouer aux enfants" dit Thomas Jolly. En revanche, on peut trouver chez les comédiens une part d'enfance, une maladresse heureuse. Ce jeu d'acteur donne toute sa force à ce "Radeau de la Méduse". Thomas Jolly crée des images et il permet au texte de naviguer entre réalisme et mythologie. C'est un fait divers qui se transforme en tragédie classique. Un thriller aux références bibliques qui devient un mythe, celui du bouc émissaire. Des mots du 20e siècle pour un universel sacrifice.Il vous reste à connaitre le destin de ces naufragés sur la scène des Ateliers Berthier et/ou sur Culturebox.
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