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La poésie désespérée de Rodrigo Garcia dans "4", première création à Montpellier

Dans "4", sa première création au Centre dramatique national (CDN) de Montpellier, l'Argentin Rodrigo Garcia parvient à élaborer un langage poétique et scénique singulier et radical, s'attaquant à nouveau à la perte de sens engendrée par la société de consommation.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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"4" de Rodrigo Garcia jusqu'au 7 novembre à Montpellier.
 (PASCAL GUYOT / AFP)

Le travail au plateau des quatre comédiens "performeurs" s'accompagne presque constamment d'un déferlement de vidéos, de lumières et de musique, pour mieux figurer l'abrutissement que nous concoctent les "fabriquants d'images" et "les fabriquants de bruit" afin de nous empêcher de rêver.

Angoisses et fantasmes

Quatre personnages enchaînés par des toiles d'araignées peuplées de grelots, quatre coqs en basket, des corps nus qui s'unissent et se repoussent sur un énorme savon de Marseille, des mots crus qui claquent sans cesse : le spectateur est constamment interrogé sur ses angoisses et ses fantasmes. Dans cette matière scénique résolument avant-gardiste qui se réclame de la performance et des arts plastiques, Rodrigo Garcia a cette fois inséré des textes qui oscillent entre la poésie désespérée et l'humour décapant. La salle, pleine à craquer le 5 novembre au soir, n'a pas boudé son plaisir, n'hésitant pas à rire, à applaudir et à participer à ce spectacle en espagnol surtitré.
"4" de Rodrigo Garcia.
 (PASCAL GUYOT / AFP)

Le rire n'est jamais loin de l'émotion lorsqu'un Samourai, se livre devant les deux fillettes déguisées en top-modèles à un long monologue sur des souvenirs d'un enfant de Buenos Aires dans l'horlogerie de Luis et Tia Tota, où ses parents l'abandonnent fréquemment.

Dépasser et déconstruire le théâtre traditionnel

Né en 1964 à Buenos Aires de parents espagnols, Rodrigo Garcia a grandi dans la boucherie familiale dans une banlieue pauvre de la capitale argentine pendant les années de dictature. Exilé en Espagne en 1986, l'année de la loi argentine d'amnistie des militaires, il fonde trois ans plus tard La Carniceria Teatro, en référence au commerce familial, et monte de nombreuses pièces expérimentales comme Los tres cerditos (Les trois petits cochons, 1993).

Inspiré par les dramaturges de l'absurde - Beckett, Ionesco ou Pinter et par des auteurs argentins fortement marqués par la dictature et la torture tels qu'Eduardo Pavlovsky et Griselda Gambaro, il milite pour des créations qui cherchent constamment à dépasser et déconstruire les formes du théâtre  traditionnel.

Radicalité

Ce positionnement politique et artistique radical lui a valu de nombreuses attaques, notamment de la part des catholiques intégristes et de militants d'extrême droite pour "Golgota Picnic", reprenant le thème de la Cène. L'utilisation répétée et revendiquée d'animaux dans les spectacles de Rodrigo Garcia (homard, hamsters, coqs etc), comme dans "Accidens", a également souvent suscité colère et incompréhension de la part de certaines personnes se réclamant de la défense des animaux.

Jeudi 2 novembre aucune protestation ne s'est manifestée devant le sort des quatre coqs en baskets ou celui de vers de terre livrés par les comédiens à des plantes carnivores. Depuis sa nomination à la tête du CDN de Montpellier en janvier 2014, Rodrigo Garcia a été régulièrement attaqué pour ses choix par les  tenants d'un théâtre classique. Ses détracteurs mettent en avant une baisse de  fréquentation du théâtre de 30% mais il a considérablement rajeuni et vivifié le public. Celui qui a rebaptisé le CDN qu'il dirige "Humain trop humain" en référence à l'oeuvre du philosophe et poète allemand Friedrich Nietzsche célébrant les esprits libres, présente "4" du 5 au 7 novembre puis du 12 au 22 novembre au CDN Nanterre-Amandiers, dans le cadre du Festival d'automne à  Paris.

"Tu choisiras toujours", écrit-il dans un extrait des textes poétiques du spectacle, celui ou celle "qui aura coutume de dire: J'ai du mal à imaginer au détriment de ceux qui brandissent comme une arme leur : Je le savais, je me disais bien. Forcément. Il fallait s'y attendre. C'est ce que j'imaginais".


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