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La modernité de Tchékhov sur tous les tons au théâtre et au cinéma

De "La Villa" de Robert Guédiguian aux "Trois Soeurs" par Simon Stone à l'Odéon, plusieurs pièces et films s'inspirent cet automne d'un jeune auteur né il y a plus de 150 ans : Anton Tchekhov. "C'est un visionnaire qui nous tend un miroir", il décrit "un monde en train de muter", dit Julie Deliquet, qui monte dans "Mélancolie(s)" deux pièces en une.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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"Mélancolie(s)" d'après Tchekhov, par Julie Deliquet au Théâtre de la Bastille
 (photo Simon Gosselin)

Sa pièce, qui tresse deux oeuvres,"Les Trois Soeurs" et "Ivanov" (jusqu'au 22 décembre au Théâtre de la Bastille), est loin d'être la seule adaptation "tchekhovienne" du moment.
 
Au cinéma, Robert Guédiguian ("La Villa") comme Vincent Macaigne ("Pour le réconfort") font un clin d'oeil à "La Cerisaie" avec le retour d'une fratrie sur le domaine familial. Pour Guédiguian c'est l'occasion de mesurer l'ampleur des désillusions, et pour Macaigne de faire le portrait mélancolique d'une jeune génération "qui galère" pour trouver sa place.
 
Macaigne, enfant turbulent du théâtre français, voit Tchekhov comme "un tuteur, un grand frère". "Il regardait le monde qui allait arriver, qui était un train de s'inventer, un peu comme notre monde avec le numérique".


Sur les planches, une folie Tchekhov

Sur les planches, c'est une véritable folie Tchekhov. Après "Les Trois soeurs" stupéfiantes en langue des signes du Russe Timofei Kouliabine, le Théâtre de l'Odéon donne jusqu'à la fin décembre la version furieusement contemporaine de l'Australien Simon Stone. Dans une maison de verre qui tourne sur elle-même, il met en scène des trentenaires d'aujourd'hui entre ecstasy, week-end à Berlin et addiction aux écrans.
 
Le texte, entièrement réécrit, n'a plus rien à voir avec Tchekhov mais pour Simon Stone "que le public se reconnaisse, voilà l'essence de la philosophie tchekhovienne". Et de fait, dans la salle, les plus jeunes applaudissent à tout rompre.
 
Anton Tchekhov, né en 1860 et mort en 1904 (donc bien avant 1917) a opéré une révolution au théâtre, avec ses personnages d'anti-héros en proie au quotidien.

Le désarroi d'un monde finissant

"Ça parle de bouffe, du temps qu'il fait ... il disait avoir envie de mettre en scène des gens qui discutent de la pluie et du beau temps, qui flirtent, qui mangent et qui boivent, et, à travers ça, qui se posent des questions existentielles", décrit Julie Deliquet.
 
Derrière l'anecdote, c'est le désarroi d'un monde finissant qui donne aux pièces de Tchekhov leur mélancolie poignante.
 
"A travers une poignée d'individus, Tchekhov parle d'un monde qui est en train de muter, on est dans une bascule qui résonne de manière évidente avec notre société, sans parler du fait qu'il tire des sonnettes d'alarme, sur l'écologie par exemple", souligne-t-elle.


Un travail moderne des corps sur les mots de Tchekhov

La jeune metteuse en scène, adepte d'une écriture née de l'improvisation, faisait dans ses précédentes pièces le portrait des enfants de la génération de 68. "Au bout de la deuxième pièce, s'auto-raconter, partir de soi, on en a vu les limites, on a eu envie de retourner à un auteur."
 
Sa démarche est à rebours de celle de Simon Stone : là où l'Australien écrit sa propre partition sur la trame des "Trois Soeurs" avec un langage souvent très cru, Julie Deliquet a gardé les mots de Tchekhov et insuffle la modernité de façon "souterraine" dans le travail des corps des comédiens.
 
"Au début, j'avais demandé à mes acteurs de partir des mots de Tchekhov et d'y incorporer de l'improvisation, mais on s'est vite aperçus que nos mots étaient quand même moins puissants que les siens".


Des personnages intemporels

Le résultat est là : bien que deux pièces aient été fusionnées, on entend du Tchekhov dans le texte de bout en bout, tout en contemplant des personnages parfaitement intemporels, qui pourraient être nos amis, nos proches.
 
"Mélancolie(s)" se conjugue au pluriel : la douce mélancolie des "Trois Soeurs" est dépassée par l'âpre violence d'"Ivanov", qui se clôt sur un suicide. Et Julie Deliquet de rappeler que "dans ses commentaires à son frère, Tchekhov dit à propos d'Ivanov : "Je mène tout l'acte tranquillement et doucement mais, à la fin, Pan dans la gueule du spectateur !"
 

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